Décidément, François Hollande a un problème avec la notion de mariage… A peine apaisée la tempête de 2012-2013 provoquée par la réforme Taubira sur le « mariage pour tous », toujours mal vu par une fraction grandissante de l’opinion publique, que le président « normal » de la République suscite de nouvelles protestations avec les projets d’unions administratives entre… régions de France. Cette fois, c’est sur tous les rangs de la classe politique, à gauche autant qu’à droite ou au centre, que sa réforme territoriale suscite des critiques souvent acerbes.
Alléger un tant soit peu le coût du « millefeuille » administratif et simplifier un peu aussi son organisation : tel est le but théorique du redécoupage territorial de la France par le Président de la République, qui réduit le nombre de ses régions de vingt-deux à quatorze. François Hollande a décidé ainsi de « marier » plusieurs de ces entités administratives, en procédant parfois à des alliances assez surprenantes. Ainsi, celle qui crée un grand ménage à trois d’une ruralité étendue en associant le Centre, le Poitou-Charentes et le Limousin…
Cependant, il a renoncé à passer l’anneau au doigt à d’autres régions, restées célibataires, qu’on n’osera pas appeler « vieilles filles » pour ne vexer personne, mais qui demeurent confinées dans le statu quo, comme la Bretagne, les régions Pays de Loire et PACA, le Nord-Pas-de-Calais, l’Aquitaine, et une insulaire farouche, la Corse. Cela sans compter l’Ile-de-France, déjà très bétonnée et surpeuplée et probablement intangible. Ni les régions d’Outre-Mer bien sûr…
En outre, l’annonce à plus long terme de l’effacement au moins partiel du rôle des départements soulève également des oppositions, au nom d’une « proximité » jugée aujourd’hui précieuse…
Les critiques pleuvent sur le malheureux président Hollande, dont le chemin pavé de bonnes intentions pourrait bien devenir un nouvel enfer politique. Le président – socialiste – de l’Association des régions de France, patron de la région Aquitaine, conteste la nécessité d’opérer une fusion sur la base des régions existantes : « une idée qui n’est partagée par aucun expert ».
Le président du groupe UMP à l’Assemblée Christian Jacob considère concrètement que la démarche présidentielle « ne prend pas en compte les bassins de vie, la population, les capitales régionales ». Le Président UMP des Hauts-de-Seine Patrick Devedjian dénonce une réforme « invraisemblable, sans concertation, sans étude d’impact ni évaluation sur les économies prétendues ».
Le président du groupe UDI estime qu’il s’agit d’ « un simple redécoupage », qui « au lieu de lutter contre les fractures territoriales, ne fera que les aggraver ». A gauche, l’écologiste François de Rugy a jugé « incompréhensible, illisible, injustifiable » l’immobilisme concernant Bretagne et Pays de Loire…
Le président PS de la région Auvergne, qui préconisait une fusion avec le Centre et le Limousin plutôt qu’avec la région Rhône-Alpes, a déploré sur les ondes que la réforme provoque « un éclatement de l’Auvergne » – zone jadis volcanique – sans entraîner aucune économie. Les Radicaux de gauche dénoncent « un coup de force ». Le Front national et le Parti de Gauche parlent d’« une menace » pour l’unité nationale, et sont à deux doigts de proclamer la République en danger…
Toutefois, le Premier ministre Manuel Valls a déclaré que les représentants du peuple vont encore pouvoir discuter de ce redécoupage du territoire. Beaucoup seront heureux de l’apprendre. Mais « comment voulez-vous gouverner un pays où on fabrique plus de trois cents sortes de fromage ? », disait un certain Charles de Gaulle… Comme dirait François Hollande, « c’est difficile ».
Denis LENSEL
Pour aller plus loin :
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- Halam Geldi ou La tragédie des mariages forcés
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