Vingt ans après la chute du mur de Berlin - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Vingt ans après la chute du mur de Berlin

par Jean Étèvenaux © acip
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Certes, il y a les grosses pointures qui, comme Lech Walesa et Martine Aubry, ne sont pas venues. Certes, il y a eu des comportements manquant de civilité : le général Jaruzelski fumant son cigare dans un salon classé monument historique ou Jack Lang déposant un sac mouillé sur un canapé XIXe siècle en soie. Certes, Libération, qui avait tout organisé avec l’aide financière de la mairie de Lyon, s’était ménagé des espaces interdits même aux confrères du cru. Certes, les milliers de spectateurs aux divers débats n’atteignaient pas le chiffre de la dernière manifestation organisée à Rennes. Le Forum de Libération à Lyon, du 18 au 20 septembre, a réuni néanmoins de nombreuses personnalités qui ont dialogué entre elles et — un peu — avec la salle.

Le quotidien anciennement gauchiste entendait célébrer, dans un « espace laïque et pluriel », la chute du mur de Berlin, présentée comme l’effondrement de « la dictature totalitaire mise en place par Staline » — ce qui évacue un peu vite les responsabilités de Lénine et l’inspiration marxiste. Mais pourquoi y a-t-on tant parlé, non sans talent d’ailleurs, autonomie universitaire, droits d’auteur, écologie, finance, ghettos urbains, Iran ou tactique politique ? Heureusement, on n’a pas oublié le pays accédant finalement dans le calme à la liberté grâce à l’action conjuguée de Solidarnosc et de Jean-Paul II et avec l’accord de Wojciech Jaruzelski et de Mikhaïl Gorbatchev.

À 86 ans, le dernier patron de la Pologne communiste ne regrette manifestement rien, martelant n’avoir pas fait, en 1980, « un putsch, un coup d’État » mais mis en œuvre « une décision du Conseil d’État, approuvée par la Diète ». Il insiste volontiers sur son appartenance à la petite noblesse, sur son éducation catholique et sur l’engagement anti-russe et anti-soviétique de son grand-père et de son père tout en mettant en avant sa fibre sociale qui lui faisait avoir « honte » de sa situation privilégiée. Il se place du côté de Mikhaïl Gorbatchev : il croyait « possible une réforme profonde du socialisme » permettant d’aller vers le pluralisme et un « capitalisme à moitié ». Il affirme même que, sans sa prise de pouvoir, « l’évolution inéluctable aurait été bien retardée »…

Son premier Premier ministre non communiste le définit comme « une figure tragique » : « il a instauré l’état de siège et il a lancé le changement ». Tadeusz Mazowiecki s’oppose donc à un procès, mais ne le voit pas en martyr. Prudent, il ne veut pas mélanger les genres : aux historiens et, éventuellement, à la justice de se prononcer, mais surtout pas au gouvernement, le rôle du sien ayant été d’intégrer dans le système démocratique les anciens communistes : il y avait 2 millions d’inscrits au Parti ! Cela amène le cardinal Philippe Barbarin, qui a parlé avec le général Jaruzelski de ses huit entrevues avec Jean-Paul II, à prôner le « pardon pratique » et à rappeler que « la miséricorde de Dieu est plus grande que les événements humains ». L’archevêque de Lyon, évoquant aussi bien les persécutions en Slovaquie que les prêtres morts dans les pontons de Rochefort — « ils avaient juré de ne pas en parler » —, confesse sa perplexité : « Jusqu’à quel point faut-il faire mémoire ? »