Acutis et Frassati, « deux saints d’une intransigeance joyeuse » - France Catholique
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Carlo Acutis et Pier Giorgio Frassati canonisés
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Acutis et Frassati, « deux saints d’une intransigeance joyeuse »

© LaPresse / Alamy stock photo.

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Acutis et Frassati, « deux saints d’une intransigeance joyeuse »

Acutis et Frassati, « deux saints d’une intransigeance joyeuse »

L’un a vécu au premier quart du XXe siècle, l’autre au tournant du XXIe siècle. L’un était un alpiniste chevronné, toujours prompt à aider les pauvres. L’autre nourrissait une passion pour l’informatique, ainsi qu’une grande dévotion à l’Eucharistie. Ce 7 septembre, l’Église doit canoniser Pier Giorgio Frassati (1901-1925) et Carlo Acutis (1991-2006), dont les nombreux points communs soulignent la pertinence de leur modèle. Entretien avec l’abbé Vincent de Mello, prêtre du diocèse de Paris.
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Que vous inspire la canonisation simultanée de Pier Giorgio Frassati et Carlo Acutis ?

Abbé Vincent de Mello : D’abord, il faut relever que ce sont deux jeunes laïcs qui n’ont fondé aucun ordre. Leurs causes ne sont donc pas portées par des monastères, mais par la vox populi, le sensus fidei. Ils ont été ratifiés par le bouche-à-oreille des fidèles – et par leur entourage familial. Ce qui est d’autant plus remarquable que leurs deux familles se sont laissées vaincre par la grâce de leur sainteté ! Aucune n’était pratiquante. Pier Giorgio et Carlo ont été deux météorites tombées dans des milieux très sécularisés, comme des signes prophétiques pour un monde où la grâce arrive à trouver son chemin… Dans notre société sécularisée, on voit des saints que l’on n’a pas vu arriver !

Cela pourra en rassurer certains…

Ces modèles peuvent remonter le moral des grands-parents : malgré le vernis, ou plutôt la dalle de béton mondain qu’on a coulé sur la foi des chrétiens, la source rejaillit parfois en surface ! C’est encourageant pour l’Église entière : parfois, l’on peut être déprimé en voyant la culture de mort, la laideur et la bêtise, abrutir notre jeunesse. Mais avec Pier Giorgio et Carlo, nous voyons qu’il y a chez ces jeunes une aspiration à la beauté et à la vérité et qu’ils peuvent ne pas se laisser engluer par le monde !

C’est également encourageant pour tous ces jeunes qui ont commencé à s’identifier à ces deux figures et qui se disent qu’ils ont raison de tenir bon, d’évangéliser, de servir les pauvres, de se nourrir de l’Eucharistie, d’être des chrétiens authentiques en somme.

Quel autre point commun relevez-vous ?

Il y a chez eux une forme de radicalité dans la suite du Christ : ils avaient la possibilité de se laisser arraisonner par le monde, mais ont déployé une intransigeance joyeuse. Ce n’étaient pas des rigides ! Pier Giorgio était ainsi radical dans son amour des pauvres et dans sa fidélité au précepte dominical : il préférait encore annuler une randonnée en montagne plutôt que de risquer rater une messe du dimanche. Et pourtant il restait un jeune homme plein de vie, qui faisait des canulars avec sa compagnie des Types louches… Nous avons aussi des vidéos de Carlo s’amusant. Voilà leur message aux jeunes : on peut être au clair sur les principes moraux, sans pour autant être moralisateurs !

Peut-on les évoquer comme des saints de l’Eucharistie ?

L’Eucharistie et la charité avaient une place centrale dans leur vie. Ils allaient tous les deux à la messe tous les jours. Pier Giorgio aimait beaucoup l’adoration, alors même que la pratique n’était pas autant répandue qu’aujourd’hui. À Turin, il se faisait enfermer dans le confessionnal de son église, avec la complicité d’un religieux, pour ensuite s’en extraire la nuit tombée et passer la nuit en adoration ! Quant à Carlo, son exposition virtuelle sur les miracles eucharistiques montre une appétence pour l’apologétique et un très bel enracinement… Pier Giorgio et Carlo vivaient aussi la charité : à sa mort, Pier Giorgio laisse des centaines d’anecdotes de l’aide qu’il a apportée aux pauvres.

On insiste beaucoup sur le fait qu’il s’agisse de deux saints adolescents. Les adultes peuvent-ils s’inspirer de leurs vies ?

À partir du moment où ils sont portés sur les autels, même des carmélites peuvent s’inspirer de ces figures, qui dépassent les contingences de leur existence ! Le trait de caractère des saints, c’est la liberté intérieure : on est tous appelés à la vivre car l’Esprit Saint nous rend libres et ne nous clone pas… La charité est inventive, le péché est monotone ! L’immense variété des saints montre qu’il y a certes des points communs, mais qu’il y a surtout une palette de nuances. C’est ça qui est merveilleux : les damnés se ressemblent tous, alors que les saints sont des originaux…

La joie qu’ils ont déployée est donc un modèle ?

Par les temps qui courent, les catholiques hésitent à être joyeux et beaucoup sont dans la lamentation. Mais Pier Giorgio et Carlo voyaient la dureté des temps : le premier a été très marqué par la Première Guerre mondiale et la montée du fascisme ; et le second sentait bien les dangers de la sécularisation et tous ceux que charriait l’arrivée d’internet… Mais ils ne se sont pas découragés et ont mis leur cœur au service de l’Esprit Saint pour propager l’amour de Dieu avec zèle. Ce qu’un jeune homme de 15 ans est capable de faire, pourquoi un adulte ne pourrait-il le faire ?

Dans quelle mesure la jeunesse catholique a-t-elle un rôle à jouer dans le renouveau de la foi ?

La jeunesse est peut-être moins empêtrée dans les querelles de ses pères. Je relève que les jeunes d’aujourd’hui ont une capacité à faire la synthèse, par exemple, entre Benoît XVI et François… En étant moins dans les clivages, ils vont davantage à l’essentiel : le zèle de la charité. De ce point de vue-là, leur foi est pleine de fraîcheur, en ne se laissant pas s’embourber dans les polémiques des générations passées. C’est important : « le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (Mt 24, 35) dit le Christ. À nous, donc, de passer le relais. Il y a un véritable enjeu de transmission. On voit aujourd’hui la Providence façonner le cœur des jeunes, qui n’hésitent pas à « plaider coupable » d’être chrétiens, l’assumant paisiblement et joyeusement… Il faut les aider à établir, comme le disait le cardinal Ratzinger, un lien « effectif et affectif » envers l’Église.