Fidèles, devrons-nous abjurer ? - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

Fidèles, devrons-nous abjurer ?

Traduit par Pierre

Copier le lien

Dans mes derniers articles je me suis efforcé de remodeler les arguments faisant appel à la liberté religieuse. Ces arguments se sont présentés avec une acuité particulière alors que des gens comme la famille Green, propriétaire des magasins de bricolage « Hobby Lobby », s’efforçait de résister aux obligations de « Obamacare » sur l’avortement et la contraception.
Les arguments avancés par des demandeurs, tels les Green, sont intéressants, mais, d’une manière ou d’une autre, tombent inévitablement dans le domaine de la « croyance » catholique. Ils omettent implicitement — et indubitablement — le principe selon lequel l’enseignement catholique sur l’avortement s’appuie sur la science (l’embryologie) et un raisonnement fondamental. C’est un modèle de « raisonnement selon la loi naturelle », avec des vérités accessibles à tous, religieux quelle que soit leur religion, comme aux athées. Le mal de l’avortement est un mal compréhensible par tous, pas seulement les catholiques.

Je me suis alors efforcé de reprendre l’argumentation qui, depuis Aristote, tente de comprendre le fondement moral de la loi. Quand la loi ignore les revendications de liberté individuelle, elle doit apporter la preuve qu’elle relève d’un principe de justice et de droit applicable à tous ceux que cette loi concerne.

Si on regarde le problème sous cette optique, c’est bien à la loi qu’incombe la charge de prouver qu’il y a une anomalie dans l’argumentation des Green : que l’avortement détruit une vie humaine; que la vie in utero est inconstétablement « innocente » en ce sens qu’elle ne peut vouloir porter préjudice; et, sauf l’apparition d’un nouveau droit de tuer pour des raisons purement personnelles, la suppression d’une telle vie doit être justifiée au même titre que les raisons de mettre à mort un autre être humain.
Comme je l’ai déjà remarqué, le problème est rendu plus ardu par le fait que les gens comme les Green ne contestent nullement le fait d’être déjà soumis par les liens du système fiscal à la politique générale qui soutient et promeut l’avortement. Mais on ordonne désormais aux Green de devenir eux-mêmes les agents anonymes de soutien, d’aide — de prise en charge — des avortements décidés par des membres de leur personnel. Ce genre d’arrangement aurait été considéré naguère comme une forme de « législation de classe » attribuant des biens appartenant à une personne privée non pas au service du bien public mais au bénéfice d’une autre personne.

La question est aggravée par le fait qu’il n’y a nul besoin de subventionner les avortements. Leur coût actuel est abordable, et si leur importance dans l’économie est aussi grande que semblent croire leurs promoteurs, il ne serait pas plus étrange de contracter un emprunt pour avorter que pour acheter une voiture ou un smartphone.

Dans le cas d’Elaine et Jonathan Huguenin, au nouveau Mexique [NDT: Couple de photographes professionnels] il n’y avait nul besoin de les sanctionner pour avoir refusé de prendre des photos de deux femmes préparant ce qu’elles appelaient leur mariage. Il n’y avait pas besoin de photographes pour faire ce reportage. Mais il se trouve que les gens qui, des années durant, ont soutenu qu’il n’existe pas de vérité morale se sont emparés de la « logique de morale », et, avec les autres, veulent s’en servir pour se venger: il faut encourager, récompenser le bien ; et le mal, ce qui est mauvais, doit être condamné, découragé, sanctionné. C’était caractéristique d’étiqueter les Huguenin comme « malfaisants ».

Les partisans activistes de l’avortement et du mariage gay ont identifié leurs adversaires : les religieux ; et il ne cesseront de se sentir menacés tant que l’enseignement qui les anime ne leur sera pas confisqué. Il faut contraindre les Huguenin et les Green à reconnaître le bien-fondé de l’avortement et du mariage gay.

Le gauchiste professeur de droit Eugène Volokh a assimilé l’affaire Huguenin à une affaire de soumission obligatoire telle que requise par le Premier Amendement [à la Constitution]. Le Professeur Volokh acceptait sans doute que les Huguenin ne soient pas obligés à s’exprimer comme, par exemple les enfants de Témoins de Jéhovah furent contraints de prononcer le serment d’allégeance au drapeau national. Mais ce sur quoi Volokh insistait était le besoin de sanctionner explicable essentiellement par le désir d’humilier ces gens face à une nouvelle orthodoxie, de les faire s’incliner devant un principe prétendûment respectable.

Mais les religieux, animés d’une certaine sympathie et humilité ne souhaitent pas rabaisser leurs adversaires de cette manière. L’acharnement à vouloir rabaisser l’adversaire relève d’une expression de fanatisme dépourvu de sentiment dans nos lois. Et pour les juges ce serait la manifestation d’une passion intolérante que les Pères Fondateurs [des USA] ont cherché à éviter en tous sens — chez les irreligieux comme chez les religieux — s’émancipant d’un excès de prudence paralysante.

Les Pères Fondateurs étaient inspirés par une tolérance religieuse comme constitutionnelle, cherchant à maintenir les acteurs du pouvoir à une salutaire distance de notre vie religieuse.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/compelling-the-faithful-to-recant.html

Illustration : Combinaison de science et de principes.