Hobby Lobby : victoire, pour le moment - France Catholique
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Hobby Lobby : victoire, pour le moment

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Nous sommes toujours, des semaines après, sous le choc provoqué dans le pays par la Cour Suprême, le 26 juin, lors de sa décision concernant le mariage. Certains ont repris courage, cependant, après une petite nouvelle compensatoire apparue seulement un jour plus tard. Le 27 juin, la cour d’appel fédérale du 10e Circuit (dans le Colorado) a apporté un jugement favorable, du moins lors de la première phase du procès, à une famille qui cherchait à conserver sa liberté religieuse face aux exigences d’Obamacare (loi sur la protection des patients et pour des soins abordables).

Dans l’affaire Hobby Lobby c. Sebelius, la famille des Green n’était pas exactement en procès en tant que représentante d’une institution religieuse. Elle cherchait plutôt à justifier sa liberté d’honorer les principes chrétiens qu’elle met en œuvre dans la direction de son entreprise, la chaîne de « magasins de bricolage » Hobby Lobby ainsi que la chaîne de librairies chrétiennes Mardel. Les Green offrent à leurs employés un programme d’assurance maladie et, avec la loi Obamacare, ils auraient été obligés de couvrir, dans leurs plans de remboursement, des contraceptifs et des médicaments abortifs.

Les Green ont affirmé qu’ils ne pouvaient pas faire cela sans violer leurs convictions religieuses (euh… désolé, ce n’est pas comme ça que la Cour l’a formulé lorsqu’elle a appuyé leur revendication, et il y a là une histoire à raconter). Le juge Tymkovitch, qui écrivait au nom de la Cour, a dit que l’obligation fixée par la loi violait les « sincères croyances religieuses » de la famille.

La victoire fut partielle : la Cour a reconnu que la famille Green avait des « raisons » de maintenir sa poursuite judiciaire, même si elle représentait les intérêts d’une « société » et non d’une institution religieuse. Même les juges qui exprimaient un désaccord partiel ont reconnu que les Green avaient leurs raisons et qu’ils avaient une chance, au moins, de remporter leur procès – même si ces mêmes juges pensaient que les arguments fournis de la part des Green allaient finalement, et sûrement, ne pas l’emporter.

Nous devons remercier ici, pour avoir mené le débat si loin et élevé l’argumentation au-delà de la liberté religieuse, et surtout pour ses conseils avisés, notre ami du Fond Becket pour la Liberté Religieuse, Kyle Duncan.

Mais si ce fut une victoire, elle fut triste, car elle a aussi révélé le côté tranchant de la lame qui s’attaque à la religion dans ce pays. Selon le juge Tymkovitch et ses collègues, les Green affirment, parmi leurs « croyances sincères, » une « croyance selon laquelle la vie humaine commence lorsque du sperme féconde un ovule. » Une « croyance » ? Cela a sûrement dû apparaitre comme un scoop pour les auteurs de tous les textes parus en embryologie, qui présentent ce point comme une de leurs vérités fondatrices.

Les Green « croient » aussi qu’ils « faciliteraient la possibilité de faire du mal à des êtres humains » s’ils aidaient à fournir des médicaments qui empêchent l’implantation sur les parois utérines. Puisque bloquer l’implantation revient effectivement à tuer la vie naissante, quelle part appartient ici à la « croyance » plutôt qu’à la vérité ?

Comme les lecteurs de cette chronique ont pu le lire jour après jour, la position catholique sur l’avortement n’implique pas un appel à une « croyance » ou une révélation. Cette position est un croisement entre la preuve apportée par l’embryologie et la force d’un raisonnement qui repose sur des principes.

John Courtney Murrey a pointé du doigt, il y a des années de cela, le fait que, avec ce genre de confusions, les catholiques se retranchaient gentiment derrière une diffamation de leurs convictions religieuses. Ils finissaient par accepter le postulat que leurs points de vue sur la morale étaient fondés sur des « croyances, » des propositions qui ne pouvaient, au final, pas être prouvées comme étant vraies ou fausses. C’est seulement parce que ce type de postulats a été largement intégré que des Kennedy, des Biden ou encore des Cuomo ont pu pompeusement s’abstenir de mettre en œuvre dans la loi leurs « croyances » concernant l’avortement.

C’est précisément le problème qu’a repéré récemment le Pape François dans Lumen Fidei sur cet état d’esprit dans lequel :

la foi était … comprise soit comme un grand saut vers l’inconnu … dirigée par l’émotion aveugle, soit comme une lumière subjective, peut-être capable de réchauffer le cœur et d’apporter une consolation personnelle, mais pas quelque chose qui pouvait être proposé aux autres comme une lumière objective et partagée qui montre le chemin.

Lors du procès de Hobby Lobby, la Cour a cité l’affaire Thomas datant de 1982 en objection consciencieuse. Thomas, un témoin de Jéhovah, voulait travailler dans une fonderie qui coulait du métal pour fabriquer des chars d’assaut. Mais il refusa d’aller plus loin que la fabrication des tourelles des chars. Il était difficile de voir a priori la différence, mais la Cour Suprême a refusé de s’abaisser à de tels ergotements. Peu importait, selon les juges, que la ligne soit « logique, cohérente ou compréhensible pour d’autres pour revendiquer la protection du Premier Amendement. »

Avec un tel raisonnement en place, il est difficile de savoir sur quoi se baser pour défier les « croyances sincères » de ceux qui étaient convaincus que les veuves devaient être brûlées sur le bûché funéraire de leur mari. Ou plus récemment : sur quelle base pouvons-nous ergoter avec ces gens qui « croient sincèrement » qu’un bébé encore dans le ventre de sa mère n’est pas déjà un « être humain » ? Les juges, dans le passé, ont refusé d’accepter de telles revendications de croyance lorsqu’il s’agissait d’homicide. Ce que je crains, c’est que, lorsqu’il s’agira des Green et des chrétiens, les juges vont redécouvrir ce terrain qui leur a été familier.

Nos amis qui se battent pour leur liberté se sentent obligés d’argumenter avec les termes de « sincères croyances » parce que ce sont les termes que la Cour a utilisés et que les juges ont reconnus. Les Green sont une famille aimante et généreuse qui mérite de l’emporter. Mais il est nécessaire qu’il y ait une autre façon de bâtir une argumentation dans les cours de justice, et c’est la tâche qui nous attend.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/hobby-lobby-a-victory-so-far.html


Hardley Arkes est Professeur de Jurisprudence au Amherst College. Son ouvrage le plus récent s’intitule Constitutional Illusions & Anchoring Truths : The Touchstone of the Natural Law. Le deuxième volume de ses conférences audio du cycle The Modern Scholar, First Principles and Natural Law, est désormais disponible pour le téléchargement.