Sentence Hobby Lobby : Joie et déception. - France Catholique
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Sentence Hobby Lobby : Joie et déception.

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NDT : la Cour Suprême des USA vient de donner le 30 juin raison à la Société Hobby Lobby qui refusait au nom des convictions religieuses de ses dirigeants de cotiser selon le système « Obamacare » pour les contraceptifs et abortifs.

On raconte l’histoire d’un étudiant arrivant à Oxford, originaire d’une ancienne colonie britannique. Les gens s’inquiétaient de la tradition de cannibalisme encore vivace dans sa tribu d’origine. Mais des assurances furent dispensées : il n’avait jamais consommé de viande lors de ses voyages à l’étranger. Son entourage pouvait se réjouir de cette information, tout en ayant des doutes sur la sûreté des principes de diffusion de ces assurances.

J’ai un peu peur d’avoir eu hier, lundi 30, de la même façon une réaction mitigée, c’était un jour merveilleux de célébration de la sentence de la Cour Suprême dans l’affaire « Hobby Lobby ». « Jour de joie, Bravi ! – Bravo ! – Bravissimo!» La famille Green, propriétaire Protestante de « Hobby Lobby », et les Hahn, Mennonites, propriétaires de l’entreprise de vente de bois au détail « Conestoga Wood Specialties », étaient dispensés des contraintes d’Obamacare. Ils n’auraient pas à cotiser pour leur personnel à une assurance couvrant les drogues abortives.

Et l’affaire s’est déroulée comme certains d’entre nous nous s’y attendaient. La Cour a cité l’Acte de Restauration de la Liberté de Religion [Religious Freedom Restoration Act – RFRA] pour inciter le gouvernement à user des « moindres moyens de pression pour promouvoir un intérêt contraignant » s’ils risquaient d’aboutir à un « fardeau » sur la liberté de religion. Les Green auraient subi une amende quotidienne de 1,3 million de dollars — 475 millions de dollars = 350 M € par an — en ne se pliant pas à l’obligation fédérale [de cotisation couvrant contraceptifs et abortifs]. Si ce n’était pas une « charge conséquente », déclarait le Juge Alito, alors, on ne voyait guère ce qui pouvait l’être.

On l’a appris, le gouvernement fédéral a déjà proposé des possibilités de fourniture de contraceptifs (et, on le suppose, d’abortifs) au personnel d’entreprises religieuses sans but lucratif qui ne sont pas soumises à l’obligation de les procurer. Refuser les mêmes facilités à une entreprise privée dont les propriétaires ont les mêmes objections religieuses et morales à l’avortement passerait pour une discrimination intolérable.

À moins, bien sûr, qu’il y ait dans la nature d’une entreprise à but lucratif quelque chose qui bloque un point de vue moral et religieux. Mais, comme l’a habilement remarqué le Juge Alito, les entreprises sont constituées d’individus, et ont des objectifs incluant les buts moraux des individus. Enfin un point digne d’être souligné dans les annales de la Cour (Suprême).

Oui, il y avait bien matière à réjouissance ce lundi à la Cour. Mais certains d’entre nous ne pouvaient vraiment acclamer les termes énonçant les principes sur lesquels ces résultats étaient obtenus. La sentence s’appuyait sur l’Acte de Restauration de la Liberté de Religion (RFRA) et les protections particulières accordées à la religion, et cependant la Cour ne sait expliquer en quoi consiste une religion.

Dans le bon vieux temps, le mot « religion » était entendu simplement comme une déclaration de « croyance sincère ». Les Green étaient attachés à la conviction que le vie de l’homme débute dès la conception. Cette affirmation est à la base des manuels d’embryologie, mais est ramenée au niveau d’une simple « croyance » — tout comme on rabaisse, sans la moindre raison, la religion à une simple « croyance ».

Le Juge Kennedy considérait que cette affaire impliquait « le droit de croire, ou, au moins, de tenter de croire en un créateur divin et à une loi divine.» Mais le Juge Kennedy sait bien que la Cour accepte depuis bien longtemps les revendications religieuses des gens qui nient l’existence de Dieu et des lois morales divines.

Lors de cette affaire il y eut un véritable défi de la part de Ruth Ginsburg [Photo]. Pour quelles raisons la Cour ne dispenserait-elle pas des obligations légales les employeurs refusant « les transfusions sanguines (Témoins de Jéhovah)… les médicaments à base d’extraits porcins, l’anesthésie, les perfusions intra-veineuses, les comprimés pelliculés à la gélatine (certains musulmans, juifs, hindous). »

Pour le Juge Alito il fallait traiter ces questions au cas par cas, mais il n’y avait rien de bien net quant aux principes qui guideraient les jugements en ces cas. Il concluait en approuvant la Cour d’avoir rejeté la requête d’un fermier Amish refusant de se soumettre aux taxes de sécurité sociale. Quand les « croyances » se heurtent aux fondements de la loi concernant des programmes collectifs de dépenses, accorder des exemptions à caractère religieux «aboutirait au chaos.
»

C’est précisément ce contre quoi le Juge Scalia avait mis en garde voici quelques années dans l’affaire « Employment Services v. Smith » (1990), affaire ayant abouti à la mise en œuvre de l’Acte de Restauration de la Liberté de Religion (RFRA). S.S. Jean-Paul II avait mis en garde contre la « subjectivisation » des consciences, et Scalia sentait que « chaque conscience risquait de devenir sa propre loi.» ; on pouvait séparer « conscience » et « normes morales », tout comme séparer la religion du « verbe » – « logos », de la raison.

La Cour a expliqué que les contraceptifs pouvaient être fournis par l’État fédéral sans atteinte à la liberté de religion des Green. Mais elle a laissé de côté le mensonge éhonté — et le vide moral — reposant dans l’opinion de Mme le Juge Ginsburg. Selon Mme Ginsburg, le « droit à la contraception » ne signifiait pas simplement le droit d’acquérir des contraceptifs sans aller sans raison contre la loi. Ni non plus le simple droit d’accéder à la contraception et à l’avortement aux frais de l’État. Ce n’était rien de moins que le droit de ce qu’elle considérait comme une dette publique envers les individus — même en les rendant complices de ce qui peut être considéré comme mauvais.

Mme le Juge Ginsburg a insisté sur le fait que l’arrêt de la Cour était susceptible de soutenir la thèse de ceux qui refusent, pour des raisons religieuses, de confectionner des pièces montées ou de prendre des photos à l’occasion de « mariages » de même sexe. Une perspective qu’elle envisageait avec une grande inquiétude. Pour d’autres, parmi nous, c’était une lueur d’espoir émanant de cette affaire. Mais tout ceci ne pourrait se produire qu’en évitant d’aller trop loin au fond des choses.

Source : Hobby Lobby: Joy – and Disappointment

Mme le Juge Ginsburg étreint le Président Obama.