Paul VI
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Un des épisodes les plus célèbres des controverses au sein de l’Église catholique : le 25 juillet 1968 le pape Paul VI publiait l’encyclique « Humanae Vitae », confirmant l’enseignement historique de l’Église selon lequel « tout moyen empêchant directement la conception était absolument proscrit » en tant que méthode de régulation familiale, et que la contraception porterait préjudice à la société sous divers aspects.
Inaugurant une façon de faire devenue depuis bien trop banale, quatre-vingt-sept théologiens répondirent du tac au tac en publiant un article dans le New York Times, par lequel ils traitaient le raisonnement de l’encyclique de fautif. Ils concluaient que la contraception artificielle était permissible, parfois même nécessaire, « pour protéger et promouvoir les valeurs et le caractère sacré du mariage.»
Ce qui se passe depuis montre combien ces théologiens avaient tort, et combien Paul VI avait raison. Le magistère a persisté dans la prohibition de la contraception, alors même que la forte fréquence des avortements, les comportements sexuels licencieux, les naissances hors mariage et la dégradation générale des mœurs sexuelles font penser que Paul VI avait aussi raison à propos des effets sociaux de la contraception. Aussi importante que soit l’encyclique au sujet de la sexualité, elle est peut-être encore plus importante pour comprendre le catholicisme actuel, et en particulier la crise qui touche l’autorité de l’Église.
Dans l’encyclique, Paul VI précisait pourquoi il pouvait émettre un cadre normatif pour la sexualité humaine:
Aucun fidèle ne voudra nier qu’il appartient au Magistère de l’Eglise d’interpréter aussi la loi morale naturelle. Il est incontestable, en effet, comme l’ont plusieurs fois déclaré Nos Prédécesseurs, que Jésus-Christ, en communiquant à Pierre et aux apôtres sa divine autorité, et en les envoyant enseigner ses commandements à toutes les nations, les constituait gardiens et interprètes authentiques de toute la loi morale: non seulement de la loi évangélique, mais encore de la loi naturelle. (NDT: texte français officiel extrait de l’encyclique Humanae Vitae).
Le Christ, ajoutait-il, a chargé spécifiquement Pierre et les Apôtres d’interpréter la loi morale naturelle. Leurs successeurs, le Pape et le collège des évêques, ont la même autorité, nécessaire et accordée logiquement par Dieu, puisque le salut des catholiques dépend de leur connaissance du bien et du mal.
Le point de vue des quatre-vingt-sept théologiens est tout différent.
L’encyclique, disaient-ils, trahit « a notion encadrée et positive de l’autorité papale », et « une conception inadaptée de la loi naturelle.»
Ils fondaient cette grave accusation sur le simple fait que des « philosophes compétents » n’étaient pas d’accord avec le Pape. En d’autres termes, non seulement rejetaient-ils l’enseignement spécifique de Paul VI sur la contraception, mais encore lançaient-ils l’idée surprenante que le Pape était en quelque sorte soumis à l’opinion des théologiens. Si sur un sujet particulier jaillissait un courant d’opinion suffisamment fort parmi les érudits, alors, le pape devrait laisser faire ou adopter cette opinion. D’évidence un tel point de vue saperait la nature même de la papauté. Il transformerait le pape en une sorte d’arbitre chargé de peser les diverses opinions au lieu d’être le détenteur investi par Dieu des clefs du royaume, étant seul juge de la vérité.
Autant le fruit des quatre-vingt-sept théologiens a été nocif dans le domaine sexuel, autant — sinon plus — leur travail de sape de la papauté et du magistère a été dévastateur. L’idée que les catholiques peuvent s’exonérer de l’autorité des enseignements « non-faillibles » (sic) du magistère, et que les théologiens sont spécialement aptes à évaluer et interpréter les publications du magistère a eu autant d’influence néfaste que leur avis spécifique sur la contraception.
Après tout, nombre de catholiques faisant appel à la contraception savent bien qu’ils vont à l’encontre d’un enseignement officiel de l’Église (beaucoup l’ignorent, à cause de la confusion semée par les dissidents). Le problème est d’autant plus grave que tous croient maintenant qu’il existe une sorte de « droit à la contestation » justifiant une telle désobéissance. Nous sommes alors dans une situation incroyable où les encycliques papales, les documents conciliaires, et les termes clairs du « Catéchisme de l’Église catholique » ne suffisent pas à persuader beaucoup de catholiques de la validité de l’enseignement de l’Église sur nombre de sujets. Ils croient simplement qu’on peut laisser cet enseignement de côté.
Résultat: quatre décennies de confusion. Mais les familles brisées, l’avortement, la pornographie sont déjà la conséquence indéniable de la contraception, et ne peuvent que mener à un réexamen de la pratique, de la contestation et corrélativement de l’incertitude parmi les fidèles sur l’enseignement de l’Église et, incroyablement, à mettre en doute le devoir d’obéissance aux directives de l’Église — vaste problème à résoudre.
Ceux qui mettent en avant le « droit à la contestation » n’écouteront vraisemblablement pas les arguments théologiques relatifs à l’obéissance. Une solution réside dans un retour aux documents de Vatican II. Nos derniers papes ont insisté sur l’importance et la gravité de ces documents en notre temps — et cependant les quatre-vingt-sept théologiens du New York Times faisaient référence à ces mêmes documents pour leur défense. Vatican II, alors, est bien une base d’entente pour une immense population de catholiques d’aujourd’hui.
Que dit Vatican II sur l’autorité ? Il affirme que le Pape « détient le plein, suprême, pouvoir universel sur l’Église », et qu’il est « toujours habilité à exercer ce pouvoir ». La réplique des contestataires est simple: ils prétendent avoir toujours le droit de s’opposer à toute doctrine qui n’a pas été spécifiquement déclarée infaillible.
La réponse du concile est claire : « la soumission de l’esprit et de la volonté doit se montrer spécialement devant le magistère du Pontife romain, même lorsque il ne s’exprime pas ex-cathedra; ce qui veut dire se montrer de telle sorte que son magistère suprême est suivi respectueusement, et que ses jugements sont suivis sincèrement, selon l’expression de sa pensée et de sa volonté.»
Aucun fidèle — encore moins ceux qui se réclament du Concile — ne pourrait contredire les termes limpides de Vatican II. Vraiment ?
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/vatican-ii-common-ground.html
Todd Hartch enseigne l’Histoire d’Amérique latine à l’Université du Kentucky Est.