Une année (privée) de miséricorde : la saison 2 de Daredevil - France Catholique
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Une année (privée) de miséricorde : la saison 2 de Daredevil

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L’an passé, je vous livrais une critique de la saison 1 de Daredevil, la série télé internet sur Matt Murdoch (joué par Charlie Cox) -avocat aveugle le jour, vengeur masqué la nuit – qui se trouve être également un catholique fervent… à sa manière. Dans la première saison, Matt fréquente l’église de façon régulière pour rencontrer le père Lantom (Peter Robbie), auprès de qui il quête le pardon de ses péchés et des avis pratiques pour conduire sa vie. Cela fait grandement défaut dans la saison 2, malgré des références au catholicisme de Daredevil dans le générique d’introduction de chaque épisode, et des allusions occasionnelles ici et là.

Cette introduction montre un pêle-mêle de représentations en cire rouge de Hell’s Kitchen, le quartier de Murdock (à l’ouest de Manhattan), incluant une église catholique, un ange, et finalement le masque que porte Daredevil, suggérant que notre héros est formé par l’Eglise. Et comme vous le découvrirez si vous regardez la bande-annonce de la saison 2, la promesse d’une série baignée de catholicisme ne pourrait être plus flagrante.

Mais ce n’est pas très catholique dans la réalisation. Ce n’est pas pour dire qu’il n’y a rien de catholique en dehors de l’usage du mot « catholique » et de l’unique rencontre entre Murdock et Lantom au cours de la saison 2. Un élément catholique intéressant est la chasteté nouvelle de Matt. Dans la première saison, il a eu une brève aventure avec l’infirmière Claire Temple (Rosario Dawson), mais dans la deuxième saison, cette aventure a pris fin, et son idylle avec la secrétaire de son bureau d’avocats, Karen Page (Deborah Ann Woll) reste platonique.

Dans le même temps, une ancienne passion, Elektra Natchios (Elodie Yung), réapparaît dans la vie de Matt et tente de renouer leur ancienne relation sexuelle datant de l’université (évoquée par des flashbacks assez sages, bien qu’une scène soit un peu tendancieuse). Mais notre héros tient bon. Elecktra est également experte en arts martiaux (Miss Young est une très honnête ceinture noire de karaté), et tous deux, Daredevil et elle, s’attaquent aux malfaiteurs de New-York.

Mais ce qui rend la saison 2 bien différente de celle de l’an passé, c’est l’apparition d’un nouveau personnage, familier aux adulateurs de BD : Punisher. Son véritable nom est Franck Castle, et il est joué à la perfection par l’acteur Jon Bernthal, qui a la musculature et la mâchoire carrée d’un Marine, tout comme le Punisher de la BD, s’il n’en a pas la stature imposante, ce qui est vrai également du Daredevil de Cox. Bernthal donne toute sa mesure à la série, et le spectacle est à son zénith quand il met un frein à son habituel rythme effréné de violence pour permettre à son personnage de réfléchir sur la nature du crime, de l’amour et de la justice – pour laisser ses acteurs agir. Je pense particulièrement à une scène avec Daredevil et Punisher dans un cimetière.

Mais comme Elektra, Punisher est un tueur. Je ne sais pas lequel des deux devrait être considéré comme le plus impitoyable, bien qu’il n’y ait aucun doute que le tableau de chasse de Punisher soit le plus rempli. Et les meurtres qu’ils effectuent le sont ostensiblement en réaction au refus de Daredevil de donner le coup de grâce à qui que ce soit, ce que Natchios et Castle l’encouragent tous deux à faire. Punisher lui dit même : « tu fais dans la demi-mesure. » D’évidence, notre Daredevil n’est pas un pacifiste, mais il a ses scrupules moraux. Il se trouve juste qu’ils sont puérils.

Attention, je ne dis pas cela en vue de dénigrer la miséricorde – certainement pas en cette année jubilaire de la miséricorde – mais pour mettre en lumière que Murdoch ne peut pas agir comme il le fait et ne pas tuer. Comme Miss Young le sait sûrement – comme le sait tout pratiquant d’un art martial (y compris votre serviteur) – vous ne pouvez tout simplement pas frapper autant de gens que le fait Daredevil, et avec un tel niveau de violence – usant des poings, massues, gourdins et autres – sans faire quelques morts.

Daredevil est une sorte de voyage Disney au pays de la violence, et Murdoch est un combattant qui ne met pas les mauvais garçons hors d’état de nuire au moyen de deux ou trois gnons, mais plutôt avec une cinquantaine, la plupart portés à la tête, la victime heurtant souvent un mur ou le sol, les coups répétés transformant le visage du malfrat en bouillie sanglante, rendant l’homme inconscient, mais non mort. C’est absurde.

Selon moi, la licence de la mise en scène va beaucoup trop loin, et les coups portés – et parfois reçus – par Daredevil dépassent de loin les limites du crédible. Un seul coup de poing violent peut tuer. Une douzaine, s’ils n’entraînent pas la mort, risquent à peu près sûrement de causer une commotion cérébrale et même des dégâts cérébraux irréversibles. Si Daredevil voulait réellement éviter de tuer, il ferait mieux de suivre la satyagraha du Mahatma Gandhi que l’Eglise unique et véritable du Christ.

Comme la tension monte et que les complots criminels s’intensifient à Hell’s Kitchen, Daredevil et Punisher s’affrontent en alliés hostiles. Daredevil semble reconnaître que sa façon de combattre n’est pas efficace et il déclare à Punisher : « peut-être bien que c’est ta méthode qu’il faudrait employer », et il fait le signe de croix.

Et c’est vrai. Ici le mal est, si vous me passez l’expression, caricaturé dans sa généralisation, et la façon dont Elektra et Punisher s’en occupent a au moins le mérite de diminuer la menace. Car chacun des rivaux de Matt Murdoch retourne au combat. Si la guerre contre le mal est une guerre d’usure, Daredevil est en train de la perdre.

C’est le monde de Punisher, et Matt Murdoch ne fait qu’y vivre.

La saison 2 de Daedevil est classée « interdit aux moins de 17 ans ». En plus d’innombrables combats et attaques à l’arme blanche ou à l’arme à feu dans les rues, les restaurants, les magasins et les hôpitaux, Punisher boit d’énormes quantités de café noir. Pas précisément un modèle à suivre. Il y a de fréquentes projections de sang, mais pas de scènes de sexe ou de nudité en dehors de celles mentionnées plus haut.

Brad Miner est rédacteur de The Catholic Thing, membre de l’institut Foi & Raison et membre du bureau de l’Aide à l’Eglise en Détresse USA. C’est un ancien chroniqueur littéraire de National Review.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/04/04/year-of-no-mercy-daredevil-season-2/