La saison la plus sacrée - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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La saison la plus sacrée

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M. van Pelt explique à M. Brown la signification de Noël.

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J’ai eu la chance, voici quelques années, de passer Noël dans la banlieue romaine. De là j’ai visité, m’étant trompé d’autocar, la ville de Rocca Papa, haut perchée dans les Monts d’Albe. Attendant sur la grand’place le car qui me ramènerait à mon point de départ, je remarquai l’enseigne d’un établissement: « Parti Communiste de Rocca di Papa » et, juste en-dessous, une affiche: « Joyeux Noël ! » Le parti communiste local me souhaitait un joyeux Noël… absolument délicieux !

Eh bien, Noël, c’est comme ça. Tout le monde veut y participer, même si cette célébration peut sembler un brin contradictoire. Malgré tout le sécularisme destructeur de notre culture — il est réel, c’est indéniable, ne le minimisons pas — je pense qu’il n’y a pas saison plus sacrée que la période de l’Avent. Et je pense que notre culture en est le reflet, même par le rabachage idiot du slogan « Joyeuses fêtes ».

D’une certaine façon, Noël est devenu une sorte de festivité populaire. Dès la semaine précédant Thanksgiving [NDT: littéralement « Remerciements », fête commémorant, le dernier jeudi de Novembre, les premiers colons anglais débarqués et installés sur la côte de l’Amérique du Nord], les radios locales diffusent de la musique « de fêtes », et çà dure jusqu’au 26 décembre. Style d’orchestre trans-sibérien. Mais les annonceurs paient sans doute pour çà. Y a-t-il meilleure méthode pour attirer les clients en période festive que de les mettre en humeur festive en jouant une musique festive ?
On se plaint de cette mode de coller Noël sur tout, depuis au moins 1947, quand Alfred, portier au Magasin Macy’s dans « Miracle sur la 34ème rue » gémissait: « il y a plein d’affreux mots en -isme de par le monde, mais un des pires est « commercialisme ». Gagner un dollar, gagner un dollar. Partout pareil, même à Brooklyn — tant-pis si on ne réfléchit pas à la signification de Noël, il suffit de gagner un dollar, gagner un dollar.» Alfred ne savait pas combien il avait vu juste.

Le phénomène (re)naissant du Vendredi Noir [NDT: la crise de 1929], avec ses histoires de petites vieilles dans la détresse et d’acheteurs miséreux revient chaque année comme une raison de pratiquer l’auto-flagellation. On a peine à se défaire de l’idée que le gars campant sur l’aire de stationnement du supermaché, et qui autrement ne pourrait s’offrir une nouvelle télévision, et la dame qui fait à son mari la surprise d’une voiture neuve à 80 000 dollars (avec un capot long comme ça !) ne sont pas différents. Parcimonie et prodigalité ont mêmes racines.
Notre culture pop n’a pas tout faux. Dans Le Noël de Charlie Brown, le célèbre héros américain de B.D. tente de trouver, ou de retrouver, ce que peut bien signifier Noël. Il commence par dire à son copain Linus van Pelt : « Noël approche, mais je ne suis pas heureux. Je ne me sens pas comme je devrais. » Finalement, il se fâche et, furieux, demande : « il n’y a donc personne pour expliquer Noël ? » La fameuse réponse de Linus — citant l’essentiel du deuxième chapitre de l’Évangile de Saint Luc — ne fait guère de place à un progrès. Et pourtant, que Le Noël de Charlie Brown soit toujours, depuis 1965, présent dans les rayons en période de l’Avent montre à sa modeste façon que notre culture n’est pas aussi creuse qu’elle le semble parfois.

Et n’est-ce pas précisément le rôle de l’Avent ? Si le prélude à Noël étale notre matérialisme au grand jour, n’est-ce pas un bien ? Si l’Avent nous invite à la réflexion, même avec des déceptions, sur la signification de Noël, alors l’Avent joue le rôle qui lui est imparti: attirer notre attention sur le Mystère de l’Incarnation par la naissance de notre Sauveur. Voilà pourquoi l’Avent est à mon avis la saison la plus sacrée, même pour notre société matérialiste.

Existe-t-il une autre période de l’année où notre culture, toute chargée de fautes et de péchés, agit au moins comme si les choses signifiaient plus que leur simple utilité ? Nous nous entourons de symboles et d’images: arbres illuminés, couronnes de houx. Nous chantons des Noëls, nous racontons (ou écoutons) des histoires, Parfois les mêmes, et encore les mêmes, et ENCORE les mêmes… Nous préparons des plats bien spéciaux, que nous ne dégusterions pas en d’autres occasions. Et nous faisons des cadeaux.

Peut-être plus significatif, notre culture n’est à aucune autre période autant soucieuse de préserver les traditions; on admet implicitement que derrière la consommation et le commerce demeure la conviction qu’il y a plus profond — une vérité latente — vers quoi converge tout ce remue-ménage. Nous demeurons persuadés, comme Charlie Brown, qu’à l’approche de Noël on devrait éprouver un certain sentiment — qu’il nous faut être heureux, joyeux, même, à la pensée de… quoi donc ?… de quelque-chose. Et aussi insaisissables que puissent être ces impressions, ce n’est pas rien. Même le plus obstiné païen peut sentir un brin d’espérance vers la fin de l’année.

Alors, n’excusons pas les côtés vulgaires de notre culture. Mais rappelons-nous qu’une grande anticipation habite cette saison en profonde résonance avec notre culture, malgré la contradiction de certains penchants moins nobles. Soucieux de répandre la Bonne Nouvelle, soyons rassurés; il y a là une incitation à redoubler d’efforts. Et par-dessus tout, n’oublions pas que c’est une saison d’espérance précisément en raison des ténèbres de nos péchés :

Ceux qui marchaient dans les ténèbres

ont vu une grande lueur ;

Sur ceux qui vivaient en un sombre pays

une lumière a brillé.


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/the-most-sacramental-season.html