La foi d’Élisabeth révélée par la Visitation
par Michael Pakaluk
Marie a voyagé « en hâte » pour visiter Elisabeth. Le parcours d’environ 140km peut être effectué en quatre jours par une personne entraînée marchant vite. La conception prend place dans la trompe de Faloppe et après cela, durant environ six jours, l’embryon descend la trompe de Faloppe pour s’implanter dans l’utérus. De ce fait, le Seigneur était un embryon au stade de la blastula dans l’une des trompes de Fallope de Marie, pas encore implanté, quand Marie a salué Elisabeth.
Cinq mois plus tôt, s’étant découverte enceinte, Elisabeth s’était recluse. Elle n’allait pas au marché ni ne partageait sa joie avec ses voisins. Apparemment, elle était submergée par la miséricorde de Dieu et souhaitait consacrer le temps de sa grossesse, silencieusement, à la prière et à la contemplation. C’était vraiment la première « neuvaine », le premier temps de prière en neuf unités (ce n’était pas, comme des gens le disent parfois, le rassemblement des Apôtres entre l’Ascension et la Pentecôte. De ce fait, Elisabeth enseigne à toutes les mères chrétiennes que les neuf mois de la grossesse sont un temps ordonné par la nature de Dieu pour une prière plus intense.
C’est en raison de son confinement que même sa parente, Marie, n’avait même pas entendu parler de sa grossesse et a eu besoin de l’ange Gabriel pour l’avertir.
Qu’a contemplé Elisabeth durant sa réclusion . Sans nul doute, les Ecritures concernant le Messie et la femme qui serait la mère du Messie et la nouvelle Eve. Mais également, sans aucun doute, les paroles de l’ange à Zacharie, que son mari a écrites pour elle sur des tablettes de cire, tout comme plus tard il écrirait : « son nom est Jean ».
Elisabeth savait que si son fils devait être le précurseur du Messie, alors la mère du Messie lui serait plus ou moins contemporaine. Elle pouvait déduire que tout comme elle, vieille femme stérile, avait conçu le précurseur du Messie, ce serait une Vierge qui concevrait le Messie lui-même, comme l’annonçait l’Ecriture dans l’interprétation qui faisait autorité à l’époque :
« Donc le Seigneur lui-même te donnera un signe ; vois, une verge concevra et donnera naissance à un fils que tu nommeras Emmanuel » (Isaïe 7:14).
Le rôle d’Elisabeth devait-il être d’être l’annonciatrice de la Mère du Messie tout comme son Fils devait devenir le précurseur du Messie ? Certainement, dans son esprit, contemplant cette femme si semblable à elle, elle l’aurait déjà regardée comme la plus bénie de toutes les femmes. En esprit, elle lui aurait donné ce titre bien avant la visite de Marie.
Luc nous dit que Marie est entrée dans la maison de Zacharie et a salué spécifiquement Elisabeth. Zacharie n’est pas mentionné dans sa propre maison, pour la raison qu’il n’était pas avec Elisabeth qui se tenait recluse. De toute façon, il était muet. Marie est apparemment la première personne que Elisabeth a fréquenté en cinq mois.
Elisabeth reconnaît que lorsque le son de la salutation de Marie a atteint ses oreilles, le bébé a tressailli en son sein. Elle dit en fait qu’il a tressailli de joie : et puisqu’elle est la mère, son interprétation est cruciale. De même, elle interprète cette joie comme la joie de rencontrer le Messie. Rappelez-vous, elle vivait recluse. Les nouvelles n’auraient pas pu voyager aussi vite, de toute façon. Marie n’a pas eu le temps de parler. C’est uniquement une déduction : du fait que son bébé tressaille, elle déduit que le Messie est présent. Ce ne peut être Marie. Donc Marie Le porte en son sein.
Remplie de l’Esprit Saint, elle exprime à haute voix sa prise de conscience. « C’est toi – tu es la femme que j’ai contemplée et qui est bénie parmi toutes les femmes. Et alors elle affirme la présence du Seigneur, « béni est le fruit de ton sein ». Elisabeth rend ainsi témoignage à la seigneurie, à la nature à la fois divine et humaine du minuscule embryon niché en Marie.
Marie a-t-elle eu une expérience subjective quand elle a conçu Jésus, de sorte qu’elle a reconnu le moment où « la puissance du Très Haut » l’a prise sous son ombre ? Normalement, la conception n’est pas perçue. Si elle n’a pas eu d’expérience subjective, alors, bien que par la foi elle était certaine de concevoir, elle n’a eu aucun signe de confirmation du fait avant de visiter Elisabeth. Rappelez-vous, elle ne pouvait avoir les premiers symptômes d’une grossesse parce que Jésus n’était pas encore implanté dans son utérus.
Donc il semble juste de soutenir que Elisabeth a vraiment attesté auprès de Marie que le Sauveur était présent en elle. C’est par Elisabeth que Marie a découvert qu’elle était vraiment enceinte et c’est dans ce but que l’ange a envoyé Marie à Elisabeth.
Le Magnificat représente la réponse immédiate de Marie à cette bonne nouvelle bouleversante. Le Magnificat est le chant de joie de Marie découvrant qu’elle est enceinte, et il peut être récité par toute future mère chrétienne en début de grossesse dans un esprit similaire.
Elisabeth s’interroge alors tout haut : qui t’a envoyé à moi ? Littéralement en grec : d’où cela me vient-il ? que la Mère du Seigneur vienne à moi. Parce que, pense-t-elle, c’est plutôt elle qui aurait dû rendre visite à Marie, et en plus personne ne sait qu’elle est enceinte.
Elisabeth déduit intuitivement alors que Marie doit avoir été envoyée par un ange, tout comme un ange a parlé à son époux Zacharie. Seul un ange transmettant un message de Dieu, avec l’autorité et le savoir de Dieu, pouvait avoir arrangé les choses de la sorte et averti Marie qu’Elisabeth était enceinte.
C’est pour cela qu’elle peut dire ensuite : « heureuse celle qui a cru à l’accomplissement de ce qui a été dit comme venant du Seigneur (para kuriou) ». Elle comprend qu’un ange est apparu à Marie.
Connaissant le cas de Zacharie, elle comprend que les paroles de l’ange à Marie ont été un défi à la foi – et un défi encore plus grand même, car il semble plus difficile de croire qu’une Vierge puisse concevoir plutôt qu’une vieille femme stérile. Et pourtant le Seigneur est en elle, et à l’inverse de son pauvre époux – déduit Elisabeth – Marie a cru.
Newman dit que la foi, comme la raison, déduit de nouvelles vérités, mais elle ne le fait que sur la base de probabilités précédentes ancrées dans le cœur humain. Nous n’avons pas d’exemple plus probant de la puissance de raisonnement de la foi qu’Elisabeth.
Trois leçons actuelles tirées de la Visitation
par John M. Grondelski
La fête de la Visitation nous procure plusieurs prespectives pro-vie dont la formulation sans équivoque – surtout quand il y a quelques dénominations chrétiennes en connivence avec l’activisme pro-avortement – est vitale dans l’Amérique actuelle (NDT : et dans l’Europe actuelle). Alors que les catholiques la célèbrent dans la liturgie, les protestants ne devraient pas ignorer la Visitation. Elle est racontée dans Luc (1:39-45) qui traite en parallèle les conceptions et naissances de Jésus-Christ et Jean-Baptiste. La Visitation met en valeur trois idées en rapport avec l’Amérique actuelle, où nos évêques catholiques ont parlé de la protections de la vie comme du problème prééminent auquel fait face le pays.
Première leçon : soutien pratique et solidarité avec les mères. Marie, mère elle-même, se rend « en hâte » dans la région montagneuse de Judée (Verset 39). Elle le fait en réponse à l’information, faisant partie de son invitation à devenir la Mère de Dieu, que, en dépit de sa stérilité supposée, « Elisabeth, ta parente, a conçu un fils dans sa vieillesse (verset 36). Tout comme sa propre grossesse, la grossesse de la parente de Marie est présentéecomme un don divin et un signe.
Mais aussi extraordinaires soient les origines de ces grossesses, Marie voit également le côté pratique de ces événements surnaturels : Elisabeth est âgée, sa grossesse est plus avancée et elle va avoir besoin d’aide. Le voyage d’environ 140 km depuis Nazareth vers Ein Karem est en vue de prodiguer une aide pratique venue d’une femme jeune (qui apprendra aussi ce faisant).
La portée du geste de Marie est particulièrement pertinente comme signe des temps contemporain. Trois ans ont passé depuis que l’arrêt Dobbs (datant de la nativité de Jean-Baptiste) a abrogé l’arrêt Roe contre Wade. Aucun doute, l’élimination des barrières constitutionnelles pour la protection de la vie prénatale a rendu la tâche d’assistance concrète aux femmes ayant des « grossesses difficiles » de plus en plus pressante. Depuis Dobbs, une grande variété de régimes pour limiter l’avortement et de centres de grossesses pro-vie ont souffert d’attaques criminelles comme politiques. Inspiré par la Visitation, le conseil des évêques aux USA devrait considérer comme une priorité morale et pastorale un plan national d’action pro-vie : une vraie pratique d’assistance pro-vie dans toute paroisse catholique des Etats-Unis.
Deuxième leçon : une claire affirmation du soutien biblique pour l’enfant à naître. La rencontre entre Marie/Jésus et Elisabeth/Jean met l’accent sur quatre personnes. La salutation de Marie reçue par Elisabeth suscite une réaction de Jean (« l’enfant tressaille au dedans de moi ») qui en retour déclenche une profession de foi d’Elisabeth. Luc exprime clairement que tous les quatre sont impliqués : ce n’est pas rien que Marie et Elisabeth comme « porteuses d’embryons » […] la théologie catholique parle de Marie comme de « l’arche d’alliance » mais Luc ne traite pas les femmes comme de simples réceptacles ou lieux de gestation. Elles sont des mères, avec leur bébé.
Une vérité souvent méconnue de l’affirmation de la vie prénatale est trouvée dans ce texte : le mot grec pour bébé : βρέφος . Deux fois en parlant de Jean encore à naître, le médecin Luc utilise ce mot. La première fois (1:41), quand l’évangéliste rapporte que Jean tressaille dans le sein maternel. La deuxième fois quand Elisabeth confirme l’événement, déclarant avec le même mot grec que « le bébé en moi a tressailli de joie ». Ne nous a-t-on pas incités à « croire les femmes » ?
On ne peut pas argumenter que le texte anglais altère la traduction au profit des pro-vie parce que le même mot grec βρέφος est attribué à Jésus après sa naissance. Nous le tenons du mandement angélique qui précise qu’un βρέφος nouveau-né sera trouvé « enveloppé et couché dans une mangeoire ». Quand les bergers qui ont reçu la proclamation de la Bonne Nouvelle sont arrivés à Bethléem, ils « ont trouvé Marie, Joseph et le βρέφος couché dans une mangeoire ». Particulièrement pour les protestants qui sont partisans de l’Ecriture seule et de la vérité littérale de la Bible, le fait que le même terme soit employé avant et après la naissance rend clair que l’Evangile ne considère pas l’enfant à naître comme juste un « groupe de cellules ».
Troisième leçon : un rejet de la polarisation seulement sur la femme. Les partisans de l’avortement travaillent diligemment à effacer l’enfant à naître des considérations. Des descriptions dédaigneuses telles que « amas de cellules » sont souvent couplées à des descriptions édulcorées de l’avortement qui évitent le mot au profit de substituts cliniquement édulcorés comme « santé reproductive ».
Mais l’effacement de l’enfant à naître n’a pas été la chasse gardée des pro-avortements. Il y a également un glissement dans une partie de la communauté pro-vie qui, sans nier l’enfant à naître, le fait passer au second plan en faveur de la femme, peut-être dans l’espoir de rendre l’opposition à l’avortement plus politiquement acceptable.
Parfois, cela prend la forme d’une diminution, peut-être bien intentionnée mais injustifiée de la capacité d’action de la femme en se polarisant sur le rôle du médecin, du père du bébé, des parents de la mère et/ou de la société pour la pousser à avorter. Bien que tous ces facteurs puissent jouer, et bien des femmes admettent qu’elles croient « devoir » avorter parce qu’elles se sentent seules ou abandonnées, nous ne rendons pas service aux femmes en diminuant automatiquement leur responsabilité en suggérant une prise de décision contrainte.
Une telle façon de penser, pour bien intentionnée qu’elle soit, tend à amoindrir l’existence de l’enfant et ses droits. Paradoxalement, elle accomplit ce contre quoi mettait en garde le Juge Blackmun dans l’arrêt Roe : isoler la femme dans sa vie privée. (410 US 113 à 159)
Le récit biblique de la Visitation ne fait jamais cela : c’est toujours « la mère et l’enfant ». (Il en est de même dans la prière basique catholique de l’Ave Maria, où celle qui « est bénie parmi toutes les femmes » n’est jamais séparée de « Jésus ton enfant ».)
Nous voyons cela dans la discrétion de Marie : consciente d’être mère, elle se met néanmoins ainsi que son enfant à la disposition d’Elisabeth et Jean. Marie n’agit pas en fonction d’elle-même mais de l’autre mère.
La Visitation présente même la Mère de Dieu comme la servante du prochain, la « servante du Seigneur » (ce n’est pas péjoratif) en étant au service des autres. Cette perspective fait absolu contrepoids à l’image nourrie par l’arrêt Roe sur la grossesse, prétendant que l’identité maternelle repose uniquement sur le « choix » de la femme.
—
Michael Pakaluk et John M. Grondelski, traduit par Bernadette Cosyn
Source : https://www.thecatholicthing.org/2025/05/31/two-reflections-on-the-visitation/