« Le lieu a bien changé, confie Sœur Élizabeth Jean, la supérieure de la maison de Saint-Denis. Nous accueillons 60 résidents en Ehpad et 20 en autonomie dans de petits appartements. La maison a été reconstruite en 1994, avec tout le confort d’aujourd’hui. » Seule la chapelle érigée en 1891 échappe à la modernité. Elle accueille la messe quotidienne et, si tous les résidents n’assistent pas à la célébration eucharistique, nombreux sont ceux qui disent sentir « la présence de Dieu », selon la supérieure. Les dix religieuses sur place contribuent activement à faire vivre l’esprit de leur fondatrice, sainte Jeanne Jugan (voir encadré), en apportant de l’affection aux personnes âgées mais aussi en les accompagnant jusqu’à la fin de leur vie. L’unique condition pour résider dans ce lieu de vie très familial : être sans ressources.
Une épopée spirituelle
À l’heure où ferment de nombreuses maisons tenues par des congrégations, on ne peut que se réjouir d’une épopée spirituelle commencée le 13 octobre 1875. Ce jour-là, sept Sœurs partent de La Tour-Saint-Joseph, la maison-mère en Bretagne, pour fonder à Saint-Denis la 147e maison de la congrégation alors que Jeanne Jugan est encore vivante ! C’est dire la juste intuition de la sainte pour répondre alors d’une façon charitable à la misère des personnes âgées.
À Saint-Denis, ces dernières sont nombreuses à connaître la précarité car elles ont travaillé dans les usines qui bordent le canal Saint-Denis. Les sept religieuses peuvent dès leur arrivée compter sur le soutien financier d’Ernest Labbé, le bienfaiteur des six maisons de la Congrégation à Paris. Il leur offre une somme de 40 000 francs pour aider à payer une belle propriété appelée « l’Hermitage ». Par la suite, les dons affluent de tous côtés : le directeur des Postes offre une cloche et une statue de la Vierge, la compagnie des « Petites voitures » un cheval et des harnais, le curé et ses vicaires des provisions d’épicerie, et la surintendante de la Maison d’éducation de la Légion d’honneur, qui réside non loin de là, invite les Sœurs à venir quotidiennement chercher les restes des repas. Les Petites Sœurs des Pauvres peuvent aussi compter sur les Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul et sur les carmélites.
Rapidement trente-huit personnes âgées sont prises en charge. Cependant, cinq ans plus tard, les Sœurs sont expropriées ! Heureusement, saint Joseph écoute leurs prières et rapidement elles acquièrent un terrain où elles font construire une nouvelle maison. Un bienfaiteur anonyme envoie 10 000 francs, un autre fournit un plancher de sapin. L’édification de la chapelle se fait, elle, en 1891, sous la protection de la Vierge Marie. Elle sera bénie le 14 décembre par le cardinal Richard, archevêque de Paris. L’autel et le chemin de croix seront offerts par une bienfaitrice à l’occasion du 50e anniversaire de sa Première communion. Le curé de Saint-Denis fera don du confessionnal et les bancs de la chapelle seront fabriqués par les personnes âgées des maisons de Paris. Dès 1897, les Sœurs lanceront une souscription avec l’aide du cardinal Richard pour agrandir la maison tant les demandes d’admission sont nombreuses, tout comme les grâces reçues : bien des pensionnaires ont demandé le baptême ou la confirmation.
Un lieu béni et un lieu de joie
Ainsi, la maison de Saint-Denis a traversé les ans sans encombre et, c’est à noter, sans trop de dommages ! Sans doute saint Joseph a-t-il veillé à ce que bien des catastrophes soient évitées. Ainsi en 1910, lors des terribles inondations liées au débordement de la Seine, l’eau s’est arrêtée à la porte de la maison des Petites Sœurs des Pauvres et, durant la Seconde Guerre mondiale, en 1944, une bombe tombe sur l’édifice sans faire de victimes. La maison de Saint-Denis est incontestablement un lieu béni et un lieu de joie car les religieuses gardent en mémoire les paroles de Jeanne Jugan pour se mettre au service des personnes âgées : « Il faut être de bonne humeur. Nos vieillards n’aiment pas les figures tristes. »
Sainte Jeanne Jugan : la première Petite Sœur des Pauvres
Née en 1792 à Cancale, Jeanne Jugan est confrontée très tôt à la pauvreté. Son père disparaît en mer lorsqu’elle a 4 ans, laissant sa mère, Marie Horel, et ses cinq enfants dans un grand dénuement. Très jeune, elle a le souci des indigents et repousse un prétendant au mariage en confiant : « Dieu me veut pour une œuvre qui n’est pas encore fondée. »
Au cours de l’hiver 1839, c’est le déclic. Jeanne est prise de compassion à la vue d’une vieille femme aveugle, infirme et abandonnée. Elle la prend sur ses épaules et la monte dans le petit appartement qu’elle loue avec deux autres compagnes à Saint-Servan. En 1843, quarante vieilles femmes sont prises en charge par la communauté naissante qui vit uniquement de la quête comme de nos jours. La congrégation connaît un grand développement en France et en Europe, puis dans le monde entier. 2 400 Petites Sœurs des Pauvres sont à l’œuvre dans dix pays au moment de la mort de Jeanne Jugan en 1879. Les dernières années de sa vie seront marquées par sa douloureuse exclusion de la direction de sa congrégation. Elle vivra exclue et ignorée : « Je ne vois que Dieu seul », disait-elle. Sa sainteté et son humilité seront reconnues au moment de sa mort qui survient à 87 ans. Jeanne Jugan a été canonisée par le pape Benoît XVI en 2009.
Une semaine de fête, de prière et d’action de grâce est organisée du 13 au 19 octobre pour les 150 ans de la Maison : Le programme.
Les Petites Sœurs des Pauvres ne vivent que de quêtes et de dons. Pour les aider à l’occasion de cet anniversaire, vous pouvez adresser vos dons par chèque à :
Petites Sœurs des Pauvres
Maison de Saint-Denis
23 rue Gaston-Philippe, 93200 Saint-Denis
ou sur Internet : https://petitessoeursdespauvres.org (rubrique « faire un don »).