Valaam, l'archipel des moines. DVD. Documentaire. - France Catholique
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Valaam, l’archipel des moines. DVD. Documentaire.

Valaam, archipel d'une cinquantaine d'îles, figées six mois par an dans les glaces de l'immense lac Ladoga, abrite le plus ancien monastère de Russie. Fondé selon la tradition au XIe siècle, la prière du monastère de Valaam s'est interrompue pendant près de 50 ans, lorsque le régime communiste expulsa les moines de l'île dans les années quarante. Mais en 1989, six moines accostent à Valaam, pour restaurer une vie monastique dont le fil a été brisé. Vingt-trois ans plus tard, ils sont près de 150, et la plupart des églises dévastées ont été rebâties. Ce documentaire, qui est passé sur KTO en novembre 2012 et dont nous avons alors parlé (FC n°3330), est en train de devenir un grand succès de vente sous forme de DVD (éditions Jade). Il propose de découvrir la vie quotidienne des moines de Valaam, dans le grand monastère principal, et dans les ermitages perdus dans les bois des îles alentour. Travail manuel, peinture des icônes, grandes liturgies dans la nuit : une vie de combat permanent avec soi-même, ancrée dans l'obéissance et la prière perpétuelles. François Lespés nous propose un portrait d'une foi en pleine renaissance qui fait de ce lieu hors du commun le symbole de l'impressionnant réveil spirituel de toute la Russie.
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Pourriez-vous pour commencer nous dire quelques mots sur votre formation, votre carrière et sur ce qui vous a conduit à réaliser ce documentaire ?

François Lespés : Je suis un autodidacte. Passionné de cinéma depuis mon enfance, j’ai réalisé mes premiers films en super 8 à l’âge de 8 ans. Après quelques stages dans le cinéma et les effets spéciaux, j’ai réalisé trois courts-métrages, en super 8 noir et blanc, dans les années 80-90. Dans les années 2000, j’ai réalisé des clips pour le musicien Sébastien Schuller, ainsi que la mise en scène visuelle de ses concerts.

Parallèlement, je suis devenu reporter pour les chaînes KTO et Direct 8, pour qui j’ai réalisé de nombreux reportages, jusqu’à aujourd’hui.

À partir de 2010, associant ma passion du cinéma et l’exploration du réel, que m’a fait découvrir mon travail de journaliste à KTO, la télévision catholique, j’ai commencé à réaliser des documentaires : Sacerdoce(s), prêtres au quotidien (2010), La cabane du Bon Dieu (2011), et enfin Valaam, l’archipel des moines (2013), sans doute mon film le plus personnel à ce jour, puisqu’il est une quête pour retrouver un moine orthodoxe, rencontré dans les années 90, qui a marqué mon parcours spirituel.

Quelles ont été les coulisses du tournage de ce documentaire ?

Cela faisait longtemps que je voulais faire un film sur la spiritualité orthodoxe et sa renaissance spectaculaire en Russie. C’est en retrouvant providentiellement la trace, sur l’île de Valaam, du père Seraphim, un moine français rencontré dans les années quatre-vingt-dix, que j’ai décidé d’aller découvrir ce monastère que je ne connaissais pas, mais dont l’immense réputation et la situation insulaire m’intéressaient.

J’ai sollicité tous mes contacts orthodoxes, en France, en Russie, et jusqu’aux États-Unis, pour entrer en contact avec l’higoumène du monastère, Mgr Pankraty. J’ai dû patienter presque deux ans avant d’avoir une réponse positive, à partir de laquelle j’ai été grandement aidé par Mikhaïl Shishkov, un laïc responsable de presse du monastère, qui m’a accompagné tout au long du tournage.

Je voulais absolument montrer deux saisons différentes, car en plus de la beauté de l’île, sous la neige et au printemps, il ne s’y vit pas du tout la même chose pendant ces deux périodes. J’y ai donc passé une semaine en mars 2012, et une en juin 2012. J’ai tout fait seul, car je voulais favoriser une immersion la plus discrète possible.

Quelle leçon avez-vous retirée de ce travail, de ce temps partagé avec les moines ?

Le contact a été difficile, je pense que j’avais sous-estimé le fossé culturel qui me séparait d’eux. J’ai bien senti que l’irruption d’une caméra, d’un réalisateur étranger, et en plus catholique, provoquait pas mal de méfiance. Et puis il y a une austérité chez les moines orthodoxes, une volonté de ne pas se mettre en avant, une hantise de l’orgueil, qui fait que j’ai eu beaucoup de mal à trouver des moines acceptant de me parler, et encore plus de se livrer.

J’ai dû aussi me dépouiller de mon esprit trop cartésien, à vouloir tout organiser, assurer mon tournage. Souvent, les portes se sont ouvertes de manière inattendue, quand j’avais baissé les bras… Les rapports humains, en Russie, sont beaucoup plus intuitifs, affectifs, qu’en France. Beaucoup se décide sur l’instant, en fonction de l’esprit du moment. Et quand on a un film à faire, ça n’est pas évident. Mais au final, la Providence s’est bien occupé de moi !

Vous avez rencontré des figures de moines bien différentes… Qu’est-ce qui vous a marqué dans ces rencontres ? Quelles figures vous ont particulièrement touché ?

Avant tout, la figure du père Séraphim, ce moine français qui m’avait tant marqué il y a 18 ans. Je n’étais pas du tout sûr de pouvoir le rencontrer, car on le disait très malade, et je n’arrivais pas à entrer en contact avec lui car il vit dans un ermitage, perdu dans les bois. Puis, un beau jour tout s’est ouvert, et j’ai pu passer une heure avec lui, dans sa cellule. Une heure spirituellement très intense, où chaque parole fut d’or. D’autres figures m’ont marqué, en particulier celles de moines travailleurs, très humbles, qu’on ne remarque pas au premier abord, mais dont on sent le feu d’une intense vie intérieure.

Dans le documentaire, vous évoquez le délicat problème de l’obéissance. Que pouvez-vous dire sur ce mystère de l’obéissance ?

Dans la spiritualité orthodoxe russe que j’ai rencontrée, c’est Dieu qui parle directement à travers le père spirituel. Donc ces moines se jettent, librement bien sûr, mais radicalement, dans l’obéissance. Ils sont convaincus qu’il n’y aura aucun progrès spirituel pour eux en dehors de cette obéissance. C’est la base de leur vie monastique. Ainsi, toutes leurs activités au cours de la journée, ainsi que leur vie de prière, sont fixées par le père spirituel qui a charge de leur âme. Cela peut paraître simpliste, choquant pour un esprit cartésien, mais c’est le fruit d’une longue tradition de sainteté, qui garde son mystère.

Vous avez été autorisé à filmer les offices liturgiques, mais pas le repas. Comment l’expliquez-vous ?

Je n’ai toujours pas compris. On m’a dit que le repas était un moment aussi sacré que la liturgie, qu’on m’a pourtant autorisé à filmer partiellement, et en restant discret. Je pense aussi que beaucoup de moines étaient vraiment réticents à être filmés, et que dans une salle à manger, il est plus difficile d’échapper à une caméra que dans la pénombre d’une église. Si j’ai bien compris, pour certains moines c’est quasiment un péché de se laisser photographier ou filmer. Il y a un rapport à l’image, à l’icône, qui est beaucoup plus fort que chez les catholiques.

Ces moines ont redonné vie à l’antique chant Znamenny. Comment définir ce chant retrouvé ?

Je ne suis pas un spécialiste, et ne voudrais pas dire de bêtises. C’est un chant monastique russe très ancien, inspiré du chant byzantin mais modelé par les chansons folkloriques des paysans russes, dont on retrouve quelques échos. Sa pratique avait disparu, mais grâce à d’antiques partitions, quelques monastères, en particulier Valaam, lui redonnent vie. C’est un peu le symbole de la renaissance d’une tradition interrompue par les décennies communistes, et qui s’éveille à nouveau.


Le monastère accueille chaque été de nombreux pèlerins. Que viennent-ils y chercher ?

Valaam a une attraction immense. C’est devenu l’emblème de la renaissance de la foi en Russie, avec toutes les églises et chapelles reconstruites sur l’île, et les abondantes vocations monastiques. Les pèlerins affluent pour fouler une terre sainte, pétrie par des siècles de prière et d’ascèse. Ils viennent chercher une sainteté dont ils ont soif. Sortant de 70 ans de communisme pour plonger dans le règne de l’argent roi, la Russie est bien cabossée, et beaucoup de drogués et d’alcooliques viennent aussi à Valaam chercher le salut, la libération. Ca n’est pas évident pour les moines. L’un d’eux me disait ses interrogations : comment maintenir le cadre d’une vie monastique profonde si on se transforme en centre de réhabilitation ? Mais comment envisager de rejeter tous ces jeunes à la dérive ? Impossible !

Qu’est-ce qui vous attire dans la spiritualité orthodoxe ?  

Pour moi, tout est parti de la beauté inouïe de la liturgie, qui sollicite tous les sens, et donne le sentiment d’être immergé dans la beauté céleste. J’aime le fait que cette liturgie soit inchangée, ample et puissante, mais qu’on puisse venir y puiser assez librement finalement, avec nos limites humaines : beaucoup n’assistent pas à la liturgie dans son entier (souvent 3 ou 4 heures), entrent et sortent, mais il ne leur viendrait pas à l’idée d’exiger qu’elle soit raccourcie.

J’aime aussi le rapport harmonieux et apaisé avec la nature, la contemplation, très franciscaine, de la beauté de la création.

Enfin, le mélange d’humilité, de joie et de douceur, de certains moines tout abandonnés à Dieu, dont le cœur est transfiguré par la Croix et la Résurrection du Christ, et qui éclairent et réchauffent tous ceux qui les approchent.


Valaam, l’archipel des moines. DVD. Documentaire de François Lespés, Grand Angle Production/KTO/Éditions JADE, 2012, 18 e franco de port, à commander sur le site Internet des éditions Jade ainsi que les DVD audio : « Foi & Espérance – Chœur des Moines du monastère de Valaam », « Foi et amour – Chœur des Moines du Monastère de Valaam – Le Mont Athos du Nord », disponibles sur Itunes et sur www.eXultet.net

http://www.jade-music.net/jade/2013/02/valaam-larchipel-des-moines-fran%C3%A7ois-lesp%C3%A9s.html