Maréchal Alphonse Juin - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Maréchal Alphonse Juin

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Maréchal Alphonse Juin.
Trois siècles d’obéissance militaire. 1650-1963 .
Plon 1964 – Esprit du Livre 2009, 125 pages.
Préface du général Irastorza, CEMAT.

La thèse du maréchal Juin, aujourd’hui rééditée, est un document pour les historiens. Elle affirme que la fidélité de l’armée, imposée par le Roi-Soleil, a été une construction progressive à travers les régimes successifs, et a résisté aux tentatives de dissidence. Sans prendre parti sur la légitimité des gouvernements, Alphonse Juin distingue l’obéissance du loyalisme, et constate que l’armée a obéi sous la Révolution, en 1830, 1870 et 1941 en Syrie.

Le maréchal n’ignore rien de l’histoire militaire passée ; faisant l’éloge de Villard, du maréchal de Saxe et de Guibert , il analyse le comportement de ceux qui à un moment donné ont fait défection (Condé, Turenne, Dumouriez, Ney, Marmont). Malgré le génie de Dupleix et Montcalm, les Indes et le Canada ont été perdus par manque de moyens militaires et indifférence de l’opinion. Il souligne le prestige de Bonaparte et admire sa passion pour la France. Au moment où Victor Hugo célébre la conquête de l’Algérie, la mystique de camaraderie anime l’armée d’Afrique. Les leçons de Servitude et grandeur militaire restent donc actuelles, et au début du 20ème siècle, l’armée a été moins troublée par l’affaire Dreyfus que par le drame des inventaires. Lyautey sauve le Maroc en 1914. Humainement reprises en main en 1917 par le général Pétain, les unités retrouvent le secret de la vaillance militaire.

Sur les évènements qu’il a vécus, Juin porte des jugements percutants. Après une offensive en Sarre tardive et mal préparée, l’absence de coordination entre les divisions britanniques et françaises conduit à l’échec de la contre-offensive de mai 1940. Bien que rejeté par un ancien ministre, l’armistice était donc une nécessité, pour lequel Hitler a commis l’erreur de négliger l’Afrique. En AFN, en effet, la mobilisation occulte de Weygand redonne une âme à l’armée française, rééquipée grâce aux accords d’Anfa. Le maréchal déplore l’occasion manquée de 1947 en Indochine, faute de moyens et malgré la compétence des seigneurs de la guerre. La capitulation de Suez est pour lui incompréhensible.

En Algérie, les paroles à double sens entretiennent le malentendu de l’autodétermination, présentée au général Challe comme un pari qu’il faut gagner. Le discours du 4 novembre 1960 provoque la stupeur et entraîne un conflit entre le devoir et l’honneur. Bien que l’armée ne s’y rallie pas, la folle équipée du putsch est suivie d’une campagne de délation et de répression qui atteint les subordonnés. En 1962, l’armée restait à l’écart de l’OAS, mais était impuissante par les ordres qu’elle recevait. L’affaire d’Algérie s’achevait par un désastre sans précédent. En 1964, le maréchal Juin attend l’amnistie et le retour à des formes de gouvernement moins exceptionnelles.

Ces jugements sévères sont sans doute de nature à faire réfléchir les stagiaires du Collège interarmées de Défense, appelés à en faire l’analyse.

Maurice Faivre, le 1er octobre 2009