Magistrat et colonel de réserve, l’auteur nous propose une étude très détaillée du procès du maréchal Bazaine. Il rappelle d’abord les brillantes campagnes militaires de l’officier, né en 1811, qui se distingue à la bataille de la Macta en 1835, dirige avec compétence le Bureau arabe de Tlemcen, commande une brigade à Sébastropol (1855) et une division à San Loranzo (1863) avant de devenir commandant en chef au Mexique. Chef du 3ème Corps d’armée à Metz, il est nommé commandant en chef de l’Armée du Rhin le 26 juillet 1870 et capitule le 28 octobre 1870.
Accusé de trahison par Gambetta, il est soumis à un Conseil d’enquête en avril 1872, déféré au Conseil de guerre qui s’ouvre en octobre 1873 après 18 mois d’instruction du général Séré de Rivière. 275 témoins à charge et 55 cités par le défenseur Lachaud animent les audiences, suivies de 4 jours de réquisitoire du général Pourcet, qui se permet ensuite d’interrompre le plaidoyer de l’avocat. Le 8 décembre, les juges présidés par le duc d’Aumale condamnent à mort, à l’unanimité, le maréchal, qui refuse de se pourvoir en cassation.
Les minutes du procès, littéralement citées, mettent en évidence la partialité des juges, la lâcheté de deux colonels accusateurs et les mensonges fantaisistes de certains témoins. Cas unique dans les annales judiciaires, les juges adressent le 10 décembre un recours au ministre, fondé sur les difficultés inouïes de la situation et sur la vaillance du maréchal. La peine est alors commuée en 20 ans de détention par le président Mac-Mahon. Interné dans l’île de Ste-Marguerite, Bazaine s’évade le 10 août 1874, gagne l’Espagne où il meurt dans la misère en 1888.
Si selon le général Changarnier, l’armée du Rhin a été vaincue par la famine, et si la rupture de l’encerclement a été jugée impossible par les généraux de Corps d’armée, les témoignages sont contradictoires quant à la pénurie des munitions et à l’indécision du maréchal Mac-Mahon, appelé à venir secourir Metz. Pourquoi Bazaine ne s’est- il pas défendu, comment a-t-il réussi son évasion ? L’incertitude demeure sur certaines compromissions du pouvoir.
Il est évident pour FC Semur que Bazaine n’a pas trahi et que le procès a été une parodie de justice. Bouc émissaire de l’opinion publique, il était condamné avant d’avoir été jugé. Si l’opinon devient un tribunal, qui jugera les juges ?, écrit le philosophe Finkelkraut, répondant à Hélie de Saint-Marc : chacun porte sa part d’ombre, et au maréchal Juin, l’histoire est souvent faussée au moment où elle se fait.
Tous les procès historiques sont des procès de Moscou, conclut Jean-François Deniau en exergue à cet ouvrage d’une grande rigueur scientifique.