Le lendemain matin, après la prière - France Catholique
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Le lendemain matin, après la prière

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Question soudaine : pour qui le Verbe éternel est-Il ‘’descendu’’ de son palais de lumière, de cet univers glorieux où ne se vit que l’amour infini du Père donné à son Fils, amour si éclatant, si fort, si dense, si prenant, si rempli de joie, d’un bonheur à ce point sans explication qu’il semblerait que nul, même Dieu, ne puisse s’en arracher ? Pour qui a-t-Il accepté cette séparation déchirante ? Infiniment déchirante… car enfin comment peut-on s’éloigner de ce Soleil qu’est le Père et devant qui nul soleil ne pourrait tenir, nul amour ne pourrait se comparer ? Soleil très doux, même s’il est impossible ici bas de le regarder en face. Soleil d’un feu tel que jamais il ne s’éteint ni ne brûle. Soleil qui transperce sans tuer mais fait vivre au-delà de toute vie.

Les mots débordent que je ne puis même pas formuler. Seuls sans doute les saints que nous célébrions avant-hier.

Pour qui donc est-Il venu parmi nous ? Réponse immédiate : pour moi, pauvre pécheur si triste, si misérable, si traînard et lamentable en dehors de ce rayonnement aux effets indicibles ! Sans avoir le moindre doute, je réponds « oui, pour moi », sachant fort bien que chacun autour de moi doit pouvoir répondre de même et dire avec la même force et stupéfaction : « Pour moi ! ». Nous sommes aujourd’hui deux milliards de chrétiens qui devrions nous écrier chaque matin : « Oui, Il est venu pour moi », et cette clameur serait véridique et sans orgueil, seulement enceinte d’une joie qui serait celle de tous, qui serait comme une vague déferlant sur le monde et laisserait la foule autour de nous toujours plus surprise et frappée comme par un tonnerre radieux.

Mais s’ajoute à cela la face sombre de la conviction que, s’Il est venu « pour moi », c’est donc pour moi qu’Il est mort sur la Croix ! Pourquoi a-t-il fallu ce supplice dont je sais chaque détail, dont j’aperçois chaque épouvante sans pour autant que je cesse d’être pécheur, de m’avancer vers Lui couvert de mes fautes, erreurs, offenses, mauvaisetés toujours recommencées ? Il dit, au cœur de ses paroles transcrites avec foi, conviction, amour par Matthieu, Marc, Luc et Jean, que c’est pour me sauver. Me sauver, moi ! Et qui suis-je pour qu’Il se soit ainsi livré au pire ?

Mais, car survient toujours un mais, me sauver de quoi, Seigneur ensanglanté ? « De ce que Je manifeste, pourrais-je l’entendre me dire, par cette flagellation que tu as contemplée, effaré, sur mon Linceul ; par aussi cette Couronne de désolation qui concentre en elle toutes les insultes, les crachats, les coups reçus, et par cette Croix d’ignominie qui est mon trône le plus glorieux… » Mais, pourrais-je alors répondre, quoiqu’indigne de toute parole devant cela qui m’assure d’être aimé comme jamais aucun de nous ne peut aimer : « Que désignent ces coups, ces crachats, ces insultes, ces clous ? – Ce qu’à jamais j’éloigne de toi : la nuit la plus obscure qu’ils traduisent, la plus trouble, ensevelie dans une poussière qui asphyxie le cœur, étouffe l’âme sans pour autant parvenir à la faire cesser d’exister et de crier des cris de révolte et de haine, de malheur intime, figée dans une épouvante impossible à faire cesser. »

Un peu plus tard, presque confondu d’avoir osé noter ces pensées venues à travers moi, car cette audace ne saurait être mienne :

J’ai conscience d’avoir ici écrit des mots qui surgissent du fond même de ma foi, nourrie d’une parole jamais assez méditée, d’un événement central en notre histoire. Le Salut des hommes en est l’enjeu, et nous avons tous à faire connaître cet Événement sans équivalent. Nous parlons des pauvres, pensant toujours à ceux qui ont faim, qui chôment, stagnent dans une misère parfois qui stupéfient, et cela ne peut en aucun cas être oublié. Mais pourquoi laisser ignorer l’autre misère, la plus terrible car ses fruits sont d’immortelles souffrances ? Le Salut que vient conquérir pour chacun de nous le Christ n’est pas un slogan d’opérette, une vision de comédie musicale : il est le nœud central de l’histoire des hommes. Son centre, son « trou noir » ! Il est au cœur de notre univers, il est cela même qui l’effacera à jamais : « Tout passera », dit Jésus, et cette phrase toujours martèle mes pensées.

L’homme d’aujourd’hui s’enfonce dans le moment qui disparaît aussitôt apparu alors que demeure un appel au plus profond de l’être : « Viens et suis-Moi », parce que ton salut est dans cette marche à la suite du Crucifié. Lui seul connaît le passage car Lui seul est la Porte.