Mardi 27 mai. Les députés viennent d’adopter la proposition de loi sur « l’aide à mourir », par 305 voix contre 199. Du haut du « perchoir », la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, salue « la qualité des échanges ». À l’unisson, Le Monde et France Info affirment dans la foulée que « la France peut être fière de ses parlementaires et de leur débat apaisé »…
De fait, les débats ont été très policés. Député RN du Vaucluse, Hervé de Lépinau a voté contre ce texte. « Il fallait rester calmes et dignes, car nos adversaires n’attendaient qu’une seule chose : qu’on s’énerve », explique-t-il, tout en s’agaçant de cette présentation des débats, qui semble minimiser les arguments des opposants à l’euthanasie. Comme s’il était indécent de défendre la vie…
« Ce débat a démontré qu’on était sur une posture idéologique, résume Gérault Verny, député UDR des Bouches-du-Rhône : tout ce qui était proposé pour prendre en charge la souffrance physique et psychologique, maintenir en vie les personnes, y compris par le lien affectif, a été balayé d’un revers de main. Nous avons vu l’idéologie mortifère à l’œuvre. »
Pour le politologue Dominique Reynié, il y a surtout eu « euphémisation du débat : tout a été dissimulé ». Le directeur de la Fondapol fustige « cette usurpation de la volonté générale par une Assemblée sans majorité, élue de manière complètement contingente après une dissolution. Il n’était pas recevable, estime-t-il, de faire voter un texte aussi essentiel à ce moment-là ».
Une mobilisation « timorée »
Le débat a-t-il été trop « apaisé » ? Les catholiques se sont-ils suffisamment mobilisés ? Fallait-il, comme le demandait le député LFI René Pilato, « laisser aux portes du Palais Bourbon nos dogmes et nos croyances » ? « Si la possession de la foi oblige à la recherche de la vérité, la possession de la vérité oblige à la communication », disait le bienheureux Frédéric Ozanam (Discours sur les devoirs littéraires des chrétiens).
Hervé de Lépinau a écrit à son évêque pour lui demander « que l’Église se mobilise, qu’il y ait une exhortation à la prière et au jeûne ». En retour, il s’étonne de n’avoir reçu qu’une lettre « circulaire et conformiste ». Réagissant au vote de l’Assemblée, les évêques se sont dits « profondément inquiets », ils ont émis « des réserves » et voulu « porter la voix d’une société juste et fraternelle, qui protège les plus vulnérables ». Est-ce assez pour peser ? Certains élus regrettent une réaction « beaucoup trop timorée, pas à la hauteur de l’enjeu ».
Des arguments spirituels ont-ils manqué dans ces débats ? « Animés par la charité, nous avons le souci d’amener un maximum d’hommes du bon côté et faire en sorte que leurs âmes ne soient pas perdues », témoigne Hervé de Lépinau. Pour l’abbé Matthieu Raffray (cf. FC N°3903), « on ne peut parler de l’euthanasie sans évoquer les fins dernières ».
Présidente des Associations familiales catholiques, Pascale Morinière estime qu’il faut rechristianiser notre société pour éviter de revenir à des « normes païennes qui la structurent », mais – estime-t-elle – cela doit se faire plutôt par « un travail très profond qu’il faut entreprendre de toutes les manières possibles. Par la culture : je pense à ce qui se fait dans des médias, mais aussi à la diffusion de films chrétiens, de livres, etc. Nous devons avoir le souci de diffuser la Doctrine sociale de l’Église. L’élection de Léon XIV est très encourageante à cet égard. »
Pascale Morinière prône ainsi un travail de maillage, de rencontre des élus, quand d’autres songent à de nouvelles manifestations comme en 2013.
« Le vote des catholiques pèse »
Insistant sur « l’efficacité redoutable » des courriers envoyés aux élus, Gérault Verny confirme l’intérêt de cette méthode : « J’ai trois exemples concrets de députés que ces courriers ont fait changer de vote. Cela veut dire qu’il doit y en avoir d’autres. Et que le vote des catholiques pèse. Peut-être que le texte ne passera pas au Sénat s’il y a une forte mobilisation. »
Il y a donc des raisons d’espérer. D’autant que le score est bien plus faible que l’escomptaient les partisans de l’euthanasie, souligne l’eurodéputée ECR Laurence Trochu, constatant « l’absence de majorité écrasante favorable ». Sénateur LR du Vaucluse, Alain Milon se veut confiant : « Nous ne pouvions pas attendre autre chose de l’Assemblée, étant donné sa composition. Le rapport de forces au Sénat est plus défavorable à l’aide à mourir. Je ne suis pas sûr que la loi soit votée. Le Sénat peut rejeter le texte pour arriver à la deuxième lecture et voir après. À mon avis, cette histoire n’est pas finie avant juin-septembre 2026 », résume-t-il.
Reste à faire sienne cette expression de sainte Teresa de Calcutta, citée par le député RN de Haute-Marne Christophe Bentz dans l’Hémicycle : « La vie est un combat »…
Quels arguments pour mener la bataille ?
Laurence Trochu, député européen, dénonce les dérives de cette proposition, « suffisamment effrayantes pour que le débat ne soit pas clos ». Elle fustige notamment la création d’un « délit d’entrave » à l’euthanasie et s’étonne que « le délai du médecin pour rendre son avis puisse être ramené à deux jours : c’est moins qu’un délai de rétractation pour une commande en ligne ! »
Pour Pascale Morinière, l’argument économique doit être mis en avant : « Être instrumentalisé pour des questions financières, c’est très choquant » (cf. entretien avec Dominique Reynié dans FC n° 3891).
Quant au médecin et sénateur Alain Milon, il défendra des arguments éthiques et des arguments de soin : « Si cette loi avait existé il y a quarante ans, nous n’aurions jamais soigné le cancer du sein. Nous n’aurions pas les traitements efficaces d’aujourd’hui. Quand on brandit les maladies incurables, je réponds qu’elles le sont aujourd’hui… mais peut-être pas demain ! »