Doctrine sociale catholique - N'ayez pas peur. - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Doctrine sociale catholique – N’ayez pas peur.

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Quelques mots de l’Écriture m’ont souvent interpellé depuis mon entrée dans l’Église [Catholique] : « N’ayez pas peur.» Et ces quelques autres mots, brandis à gauche comme à droite, déclenchent la peur: « Doctrine sociale Catholique. »

On y trouve nombre de sujets où je n’ai pas de compétence. Mais sa source essentielle découle de l’Écriture.

Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament l’accent est mis sur la charité envers les pauvres. Le Christ dit au jeune homme riche de vendre tous ses biens et de le suivre s’il veut la vie éternelle. Mais Zachée obtient son salut pour seulement la moitié de ses biens.

Est-ce un argument en faveur de taux marginaux élevés d’imposition ? La redistribution des richesses ne s’accompagne pas d’un pourcentage particulier, il s’agit de repentir et de conversion du cœur, de renoncement aux babioles clinquantes si agréables en échange des biens au-delà.

Des impôts pour aider les plus démunis, en rendant à César ce qui est à César, voilà qui oblige à donner selon les vues du gouvernement. C’est conforme aux idées des Pharisiens, formel et légal. Les gens de gauche oublient que le Christ a dit aux riches de donner aux pauvres. Il n’a pas invité les gouvernements à s’immiscer dans l’affaire.

Mais les conservateurs doivent se rappeler que l’enseignement social de l’Église vise à réduire les inégalités au moins pour les besoins, si ce n’est pour les désirs. Il y aura toujours des pauvres — n’attendons pas d’égalité absolue — mais nous avons le devoir d’améliorer leur condition par solidarité. Le gouvernement peut être un moyen d’action, parfois le seul, pour atteindre les objectifs que l’Église désigne comme justes, à condition que le gouvernement soit au service des citoyens et non l’inverse.

Gauche et Droite Américaines s’opposent sur la doctrine sociale de l’Église quant à l’importance et aux buts de l’aide gouvernementale alimentée par les impôts et la dette. Il s’agit d’un débat sur les moyens, et ce qui en découle, et non sur l’objectif fondamental. Et les moyens à mettre en œuvre — vastes programmes ou petites interventions du gouvernement — risquent de devenir une religion si on les confond avec leur objectif.

L’enseignement social de l’Église est pratique. Il exclut les solutions extrêmes, d’un côté une action totalement libertaire, sans intervention de l’État, et, de l’autre, un contrôle intégral du gouvernement sur toutes les ressources — socialisme ou communisme. Notre Saint Père François ayant vécu directement au service des pauvres tout en rejetant la théologie de la libération personnifie cette approche pragmatique.

Cette attitude médiane a partiellement sa source chez Aristote qui, comme le remarque le Père James V. Schall, marque fortement la politique Américaine actuelle, et influence encore, avec Saint Thomas d’Aquin, la doctrine sociale de l’Église.

Pour faire plus simple, disons qu’Aristote énonçait trois formes de gouvernement: un seul chef, quelques dirigeants, ou tous aux commandes. À chaque formule, une bonne version: la monarchie, avec un bon roi, l’aristocratie, avec une certaine élite, et la communauté bien menée par tous. Et il existe de mauvaises versions: la tyrannie, l’oligarchie, et la démocratie 1.

Selon Aristote, une bonne forme de gouvernement, telle qu’opposée aux formes viciées, émet des règles destinées au bien commun et non aux intérêts des législateurs. Le terme « Tyrannie » peut s’appliquer indifféremment à tout régime, sous un seul dirigeant, une coalition ou une multitude qui règne pour son propre intérêt.

La revue First Things a, au cours des derniers mois, traité d’un débat sur le futur de la philosophie politique libérale qu’on associe au système politique Américain des origines. Le mot « libéral » ne signifie ici nullement « de gauche » mais conserve son sens d’origine : propice aux droits et devoirs individuels, favorable à une économie de marché équilibré. Cette philosophie libérale des Pères Fondateurs aurait-elle engendré une forme de tyrannie ?

Dans le numéro d’avril [2012] Robert George, de Princeton, cite John Finnis pour la définition du bien commun qui fait la différence entre bon et mauvais gouvernement: le bien commun est un ensemble de conditions facilitant pour les membres d’une communauté l’accès à des objectifs raisonnables, ou la réalisation de valeurs, pour eux et les autres, justifiant la coopération de tous dans la communauté. Ce n’est pas de l’Aristote, mais çà marche.
Une moindre influence gouvernementale sera vraisemblablement plus propice au bien commun. Une telle forme laisse davantage d’espace aux initiatives des familles et des communautés de quartiers, alors que la prise en charge par le gouvernement affadit la vertu du civisme, amoindrit sa représentativité, et diminue le service dû à la population.

Se tourner vers le pouvoir pour atteindre de bons objectifs est un choix délicat en des circonstances particulières. On peut réfuter le dernier projet de budget de Paul Ryan tout en demeurant fidèle à l’enseignement de l’Église. 2

La question la plus aiguë se pose dans la culture politique américaine actuelle. On sait que lors de la campagne électorale présidentielle le vainqueur a fait appel à des techniques très élaborées pour joindre, à grande échelle, par internet, diverses catégories d’électeurs selon des critères susceptibles d’emporter leur adhésion.

Ce genre de « micro-populisme » n’a pas grand’chose à voir avec le bien commun, et tout avec le pouvoir. Il dégage une forme de tyrannie largement établie qui néglige le bien commun, le prenant pour la somme des préférences de chacun.

Il semble qu’on a évolué depuis un mélange imparfait d’intérêt individuel et de perspectives élargies dominant aux dix-neuvième et vingtième siècles vers un rejet de l’état à prérogatives limitées au profit d’un système cherchant à satisfaire autant de besoins et de désirs que possible afin de rester en place.

Le cœur de la doctrine sociale catholique (et protestante traditionnelle) — une incitation à la générosité de la communauté par l’amour de Dieu et du prochain — a été dévoyé par une « conversion forcée » en redistribution des biens par l’État.

Était-ce ou non une conséquence inévitable des idées des Pères fondateurs (j’ai des doute), mais c’est l’échec du soutien à l’enseignement social de l’Église — un échec qu’aucun programme politique ne semble capable de surmonter. Il y faut une conversion des cœurs et de la culture.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/social-teaching-practical-and-catholic.html

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Joseph Wood, enseignant à l’Institute of World Politics de Washington.

Tableau : La monnaie de l’impôt – Le Titien, 1516.

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  1. NDT: démagogie?
  2. NDT: Paul Ryan, porte-parole des Républicains (majoritaires) au Congrès, s’oppose vigoureusement au projet de budget du Président Obama reposant sur un déficit abyssal.