Le Père Guy Consolmagno, S.J., astronome
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Début février, la NASA a publié de nouveaux résultats tendant à suggérer qu’un nombre appréciable de planètes tournent autour d’autres étoiles dans notre galaxie de la Voie Lactée. Des scientifiques à l’aide du télescope spatial de Kepler mesurent de faibles variations dans la luminosité des étoiles éloignées, qui pourraient indiquer le passage de planètes entre l’étoile et le télescope. Des observateurs ont identifié 1235 « candidats planètes » dans le champ de vision de Kepler. Or comme si l’on regardait à travers une paille, Kepler ne contemple qu’un 400e de la galaxie, soit 156 000 étoiles. Si l’on extrapole de ce 1/400e à la totalité de la galaxie, le nombre de candidats planètes potentiels devient innombrable, comparé aux statistiques antérieurement disponibles. On estime qu’environ cinquante-quatre de ces candidats repérés dans la tranche de ciel couverte par Kepler sont habitables, se situant dans la zone ni trop froide pour la vie ni trop chaude. Bien que le nombre de galaxies dans l’univers n’est pas connu avec précision, les présentes estimations varient entre 100 et plus de 200 milliards. Le nombre de planètes habitables dans l’univers pourrait donc être énorme.
A moins qu’il ne soit bien plus petit. Un travail de fond reste à accomplir en utilisant d’autres instruments avant de savoir lesquels de ces candidats planètes sont bien des planètes, habitables ou non. « Habitable » ici est un terme élastique qui ne veut pas dire inhabitées. Les ignorances l’emportent largement sur les connaissances : une telle vie existe-t-elle ? Si oui, est-elle intelligente ou consciente ? Est-elle intéressée à entrer en communication ? Aime-t-elle le baseball, les œufs et le bacon, la bière et le vin, et le fromage ? Possède-t-elle des caractères qui rendraient une rencontre intéressante ? etc. Cependant, la découverte récente ne laisse pas d’intriguer et constitue, très probablement, un pas en avant dans notre compréhension de l’univers.
Ce n’est pas la première fois au cours des dernières années que de nouvelles preuves viennent étayer la probabilité, sinon le fait ou la possibilité, de la vie sur d’autres planètes. A chaque fois, les compte-rendus médiatiques font état des remises en cause que ces nouveaux éléments entrainent pour la doctrine chrétienne, spécialement catholique. On n’explique pas exactement pour quelles raisons il en irait ainsi, sinon que les journaux et les écrans de télévision sont illustrés de photos montage du pape et de ET, et que l’on répète à l’envi d’obscures allusions à la persécution de Galilée et de Giordano Bruno. Si ces derniers épisodes furent évidemment des erreurs commises par l’institution ecclésiale, la foi n’en a pas moins persisté tout au long des expérimentations scientifiques. Toutefois, de nombreux chrétiens semblent se demander si leurs croyances pourraient survivre à la preuve définitive que la vie existe ailleurs dans l’univers.
La foi catholique, bien entendu, non seulement survivrait mais s’épanouirait dans le cas d’une telle découverte. Pour commencer, Dieu est vérité. Si la vérité est que d’autres formes de vie existent dans l’univers, celle-ci peut certainement être intégrée par la foi catholique. La Catéchisme cite Gaudium et Spes :
« la recherche méthodique dans tous les domaines de connaissance, pour autant qu’elle est conduite d’une manière scientifique authentique et ne contrevient pas aux lois morales, ne peut jamais entrer en conflit avec la foi, pour la raison que les choses du monde et les choses de la foi découlent d’un seul et même Dieu. Celui qui mène l’enquête, humblement et avec persévérance, pour élucider les secrets de la nature est conduit en dépit de lui-même par la main de Dieu car c’est Dieu, le conservateur de toutes choses, qui les a faits ce qu’ils sont ».
De surcroît, les études scientifiques modernes furent lancées dans les universités créées par des lettrés catholiques au Haut Moyen Age, où les étudiants pouvaient étudier l’astronomie avant la théologie dans leur curriculum. La spéculation sur la possibilité(ou l’impossibilité) d’une autre vie fut très riche dans les cercles séculiers depuis les temps les plus anciens, y compris Aristote dont l’influence fut marquée sur la pensée chrétienne ultérieure, et au sein même de l’Eglise depuis ces premières universités.
Des écrivains chrétiens récents tels que C.S.Lewis et Walker Percy ont intégré dans leurs romans la possibilité d’une vie dans d’autres mondes, tout en gardant leur foi. Le Vatican a organisé en 2009 une conférence sur cette perspective : personne n’en est sorti en rendant son tablier à cause des problèmes théologiques ardus soulevés.
L’avenant astronome du Vatican, le frère Guy Consolmagno, s.j., a donné de nombreux et patients interviews à des journalistes haletants, cherchant un prix Pulitzer grâce à la connexionétablie entre ces découvertes astronomiques et la mort du catholicisme. Lui et d’autres qui ont sérieusement étudié à la fois l’astronomie et la théologie ne voient pas de grand danger. Dans un compte-rendu de lecture de l’œuvre de science-fiction de Lewis, le père James Schall concluait dans « l’Ordre des Choses » que, qu’une telle vie existe ou non, l’absence de contact avec ces autres mondes de milliards d’âmes qui ont passé leur vie sur terre montre que notre fin ici-bas ne dépend pas du fait de trouver une vie ailleurs, même si notre capacité à connaître toute chose nous conduit à en explorer la possibilité.
Peut-être que ces autres planètes habitables n’existent que pour que nous les observions et les contemplions (tout ce dont nous sommes sans doute capables de faire dans un futur prévisible), peut-être pour que nous les visitions et les habitions en utilisant les ressources encore inconnues de la physique et de la mécanique, peut-être pour que nous rencontrions leurs habitants. Il y a environ 1500 ans et autant d’années de recherches scientifiques, St Augustin enseignait que si la découverte de faits avérés dans la nature venait à contredire nos interprétations des Ecritures, nous devrions réexaminer nos conclusions tirées des Ecritures ; agir ainsi renforce et non affaiblit notre foi. L’Ecriture elle-même nous enseigne : dans l’Evangile selon St Jean, Jésus dit « j’ai d’autres brebis qui ne sont pas de ce troupeau ». Il parlait sans doute des tribus d’Israël ou des Gentils jusqu’aux confins de la terre. A moins que, comme les amateurs de science-fiction chrétienne l’envisagent, ses autres brebis ne soient à des années lumière.
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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/aliens-be-not-afraid.html
Joseph R.Wood, ancien fonctionnaire de la Maison Blanche, qui a travaillé sur la politique étrangère y compris les affaires vaticanes.
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Rappel de la chronique d’Aimé Michel sur les quasars republiée cette semaine sur notre site…