Annoncer la miséricorde - France Catholique
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Annoncer la miséricorde

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« Annoncer la miséricorde », tel est le thème choisi par les Œuvres Pontificales Missionnaires de France pour la Semaine Missionnaire Mondiale. Il fait suite au thème du jubilé extraordinaire sur la miséricorde. En effet, dans la bulle d’indiction du Jubilé extraordinaire de la miséricorde (Misericordiae vultus : Le visage de la miséricorde du 11 avril 2015, veille du 2e dimanche de Pâques ou de la divine Miséricorde), le pape François présente Jésus-Christ comme le visage de la miséricorde du Père. Ce Jubilé, célébré du 8 décembre 2015 au 20 novembre 2016, est une invitation lancée à chaque chrétien à s’ouvrir à Dieu, « riche en miséricorde » (Ep 2, 4), lent à la colère, plein d’amour et de vérité (Ex 34, 6 ; Ps 102, 3-4 ; 1 Jn 4, 8.16). Pour le Pape, Dieu « se donne tout entier, pour toujours, gratuitement, et sans rien demander en retour » (Le visage de la miséricorde, n°14).  Dieu nous a tant aimés qu’il nous a envoyé son Fils, le sauveur du monde, et son Esprit, car Il veut nous sauver, demeurer en nous (1 Jn 4, 10-14). « L’Église a pour mission d’annoncer la miséricorde de Dieu, cœur battant de l’Évangile, qu’elle doit faire parvenir au cœur et à l’esprit de tous » (Le visage de la miséricorde, n°12). Pour être crédible, l’Église doit vivre et témoigner elle-même de la miséricorde. En ouvrant la Porte Sainte à l’occasion du cinquantième anniversaire de la conclusion du concile œcuménique Vatican II, le pape François a situé ce jubilé dans la mouvance de cet évènement d’ouverture de l’Église au monde. Il est donc important de s’interroger pour savoir ce que signifie la miséricorde et comment l’annoncer aujourd’hui. I. Croire en la miséricorde divine La miséricorde et la tendresse de Dieu nous renvoient à des contextes précis. Or, le début du XXIe siècle est marqué par les attaques terroristes et la guerre, des situations dramatiques, des enfants affamés, des millions de réfugiés, sans oublier les catastrophes naturelles dévastatrices. Tremblements de terre, tsunamis, inondations et sécheresses font de plus en plus de victimes. La question de Dieu vient se greffer sur ces drames, mettant en jeu la foi en un Dieu compatissant, riche en miséricorde (Ep 2, 4). Comment croire en un Dieu qui console et qui invite les êtres humains à consoler à leur tour (2 Co 1, 3-4) ? L’Écriture sainte relie ces deux dimensions : un Dieu plein de tendresse et des êtres humains miséricordieux. A. Dieu saint, juste et miséricordieux Il faut tout de suite dissiper un malentendu. En effet, le Dieu du Premier Testament est souvent présenté comme un Dieu vengeur et coléreux alors que dans le Nouveau Testament il serait bon et miséricordieux. C’est une erreur si, dans l’interprétation, on tient compte de la pédagogie divine et de l’évolution progressive de la compréhension de la révélation de Dieu. Les auteurs bibliques témoignent, dans les deux Testaments, d’un Dieu qui a des entrailles. Celles-ci sont considérées comme le siège des sentiments, de la compassion et de la miséricorde. Dieu a un cœur ; il peut s’émouvoir, être affecté, souffrir, avoir de la bienveillance… Il manifeste sa miséricorde et sa justice, qui sont liées, en révélant notamment son nom lors de la sortie d’Égypte. Il a vu la misère de son peuple (Ex 3, 7-9) et il veut le libérer, le guider, l’aider à éviter le péché (1 S 13, 14 ; Jr 3, 15 ; Ps 78, 72 ; Ac 13, 22 ; Gn 6, 6). Au cours de l’histoire, le cœur de Dieu se retourne souvent et s’émeut de compassion (Os 11, 8). Dieu ne veut pas « donner cours à l’ardeur de sa colère » (Os 11, 9). Il aime l’Homme d’un amour passionné. Hesed, l’un des termes les plus importants pour comprendre la miséricorde, signifie à la fois « faveur immérité, amabilité, bienveillance » et même « grâce de Dieu et miséricorde ». Il s’agit de la sollicitude tout à fait gratuite de Dieu envers l’Homme, manifestant une fidélité au-delà des actions ponctuelles. Dieu se révèle au cours de l’histoire et sa miséricorde apparaît comme un cadeau, une grâce, un « don » et un « pardon » toujours offert, indépendant de la fidélité de l’Homme. En pardonnant, Dieu donne une nouvelle chance à l’Homme. B. Dieu « est là », engagé par amour Dieu révèle son nom à Moïse. Ce nom mystérieux pourrait se traduire par : « Je suis là » (Ex 3, 14). Il exprime la transcendance absolue de Dieu, mais aussi sa sollicitude personnelle envers son peuple. Il révèle un Dieu qui s’engage à « être présent et agissant » dans l’histoire de son peuple. On peut donc comprendre qu’Il est « celui qui est là » auprès de son peuple, qui l’accompagne tout au long de sa vie. En élargissant, on peut dire qu’il est celui qui est là auprès de tout être humain, engagé pour « être présent et agissant » à ses côtés ; tel est le Nom et le message de Dieu. Dieu est riche en grâce et en fidélité (Ex 34, 6) : il est Dieu et non pas homme (Os 11, 9), car il est plein de tendresse et de pitié, aimant à faire grâce, comme on peut le lire dans différents textes bibliques (Ps 85, 5 ; Is 55, 7 ; Mi 7, 18 ; Ex 34, 6 ; Ps 130, 4). Il est Amour, le Tout-Autre et le Tout-proche (Ps 36, 6 ; 25, 10), le Saint en présence de qui l’être humain prend conscience de sa faiblesse, de son indignité et de son péché (Is 6, 3-5). Il manifeste sa compassion (Ps 103, 8-13 ; 145, 8 ; 51, 3), mais aussi son opposition au mal, au péché et à l’injustice. Accueillir son amour en vérité, c’est pour l’Homme s’engager à l’aimer et à aimer son prochain (Mt 11, 28-30 ; Jn 13, 34-35). II. Annoncer un Dieu miséricordieux Dieu prend au sérieux l’Homme, sa liberté et son action. Jésus, le Fils, dévoile le visage de la miséricorde de Dieu, comme les paraboles de la miséricorde (Lc 15, 1-32) le signifient. Quelle joie, quand l’on retrouve la brebis et la pièce de monnaie ! Quelle joie pour le père, quand il voit revenir son fils ! Selon l’apôtre Paul, Jésus prend librement sur lui tous les péchés (2 Co 5, 21 ; Ph 2, 6-11) ; il vainc la mort, révélant de façon ultime la miséricorde divine (Ep 2, 4s) et faisant renaître l’Homme (2 Co 5, 17). Il a donné sa vie pour tous et pour chacun (1 Tm 2, 6 ; Ga 2, 20), manifestant ainsi le visage d’un Dieu qui accorde réconciliation, espoir et vie (2 Co 5, 18 ; Col 1, 18-20). Rien ne peut séparer les êtres humains de l’amour de Dieu (2 Co 1, 3 ; 5, 18 ; Ep 2, 4 ; 4, 24 ; 1 P 1, 3 ; Tt 3, 5 ; Rm 8, 35 ; 1 Jn 4, 8.16). Débordement de l’amour de Dieu, la miséricorde est le résumé de l’Évangile. Croire au Fils de Dieu crucifié, c’est croire que l’amour, présent dans le monde, est plus puissant que le mal et la haine, la violence humaine et la mort. A. Annoncer un Dieu qui justifie Certes, la justice de Dieu révélée en Jésus interpelle, mais c’est elle qui rend les êtres humains justes, par pur grâce, non en vertu de leurs bonnes œuvres, mais à cause de leur foi (Rm 1, 17 ; 3, 21-28 ; 9, 32 ; Ga 2, 16 ; 3, 11). Dieu attend des êtres humains qu’ils se convertissent et pratiquent le droit, la justice et la miséricorde (Lc 5, 31-32 ; Am 5, 7.24 ; 6, 12 ; Os 2, 21 ; 12, 2 ; voir Is 54, 7-10). Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive (Ex 18, 23 ; 33, 11). Le Seigneur est attentif aux faibles et aux pauvres, aux pécheurs et à toutes les personnes qui sont dans des situations difficiles, comme les étrangers, les veuves et les orphelins (Ex 22, 20-26 ; 23, 6-8 ; Dt 14, 24 ; 24, 10-22). Il est donc essentiel de rendre grâce à Dieu, de proclamer que son amour est éternel (Ps 145, 8 ; 103, 8 ; 116, 1-5 ; 107, 1 ; Sg 15, 1), d’où l’urgence d’annoncer sa miséricorde, de donner à tous la possibilité d’expérimenter sa miséricorde. B. Heureux les miséricordieux Les béatitudes (Mt 5, 3-12) sont bien connues, mais faisons-nous attention à la béatitude sur les miséricordieux ? « Heureux les miséricordieux : il leur sera fait miséricorde. » (Mt 5, 7) Annoncer la miséricorde, c’est d’abord un témoignage de vie : avoir pitié, partager avec ceux qui ont faim et soif, consoler ceux qui pleurent, faire œuvre de paix, accueillir, écouter, et mener ses affaires avec droiture (Ps 111(112), 5). Dieu veut la miséricorde et non les sacrifices (Mt 9, 13 ; 12, 7 ; Os 6, 6 ; Si 35, 3). Il s’agit d’aimer Dieu et le prochain (Mt 22, 34-40 ; voir Dt 6, 5 et Lv 10, 18), car l’amour est l’accomplissement de la loi (Rm 13, 10 ; Ga 5, 14), le chemin de la perfection (Col 3, 14 ; Rm 12, 1 ; Mt 5, 43-48). Pour Luc, il faut aimer et être miséricordieux comme Dieu notre Père est miséricordieux (Lc 6, 36-38). Saint Paul semble aller plus loin quand il écrit : « Si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien » (1 Co 13, 2s). Pour saint Jean, la référence, c’est l’amour de Jésus : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. » (Jn 13, 34). Il s’agit d’aimer jusqu’à donner sa vie pour ses amis. L’amour manifesté en Jésus Christ dévoile les exigences de la vie chrétienne (Jn 13, 34s; Jn 15, 12s ; 1 Jn 4, 20-21) : se pardonner mutuellement (Ep 4, 32 ; Col 3, 12), travailler pour la réconciliation, la justice et la paix, aimer comme Jésus nous a aimés (Jn 13, 34-35 ; Mt 5, 23 ; Mc 11, 25 ; Mi 6, 8 ; Si 7, 10.29). Il faut s’engager avec Jésus afin que les pauvres et ceux qui pleurent soient bienheureux, tout comme ceux qui pleurent ou qui sont persécutés (Mt 5, 3-11 ; Lc 6, 20-26). III. Témoigner de la miséricorde de Dieu L’évangéliste Luc montre le Fils de Dieu comme le sauveur de tous les hommes, avec une attention particulière pour les petits, les pécheurs et les païens. Avec Jésus, la paix universelle s’installe sur terre (Lc 2, 14) : l’heure de la miséricorde et de la conversion a sonné (Mc 1, 14-15) ; les guérisons miraculeuses et les expulsions de démons en sont le signe (Lc 4, 16-22). Jésus, le révélateur de Dieu, son Père et notre Père, est doux et humble de cœur (Mt11, 28-29). Qu’il s’agisse de la parabole du bon Samaritain ou de celui du fils prodigue, qu’il conviendrait mieux d’appeler la parabole de la miséricorde du Père (Lc 15, 11-32), Dieu se révèle plein de tendresse et de pitié, totalement engagé pour arracher l’Homme au péché et à la mort (Rm 6, 23). A. Aimer jusqu’au sacrifice A la croix, Dieu révèle son être intime, son amour. Dieu se communique à chaque être humain, par l’Esprit Saint. Dans sa miséricorde, il laisse entrevoir son cœur et, en Jésus-Christ, l’Emmanuel (Dieu avec nous), il s’est en quelque sorte uni à chaque être humain (Concile Vatican II, Gaudium et spes, n°22). La véritable pauvreté de l’être humain, c’est son éloignement de Dieu dû au péché ; Dieu veut le libérer de cette pauvreté fondamentale, de toute misère et de tout péché. La miséricorde de Dieu, synonyme de bonheur et d’accomplissement, est au cœur du message biblique et de la pratique de l’Église ; elle est aussi un défi. Face à la gratuité de l’amour de Dieu et avec sa grâce, l’être humain peut exercer sa liberté et accepter ou refuser l’amour de Dieu. B. Un Dieu qui engage l’Homme dans 14 œuvres de miséricorde L’Église est le sacrement de l’amour et de la miséricorde, mais elle est invitée à le vivre de façon toujours nouvelle, en l’approfondissant. L’amour et la miséricorde sont sans doute les plus beaux noms de Dieu ; ils permettent aux croyants de se tourner vers Dieu, créateur et sauveur, et d’analyser avec finesse et vérité les misères humaines. Le croyant peut alors reprendre les mots du psalmiste : « La miséricorde du Seigneur, à jamais je la chanterai » (Ps 89, 2). Une manière importante de chanter la miséricorde de Dieu, c’est de s’engager dans les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles dont parle le pape François. Il s’agit de 7 œuvres de miséricorde corporelles : donner à manger aux affamés, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, accueillir les étrangers, assister les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts. Le Pape indique aussi 7 œuvres de miséricorde spirituelles : conseiller ceux qui sont dans le doute, enseigner les ignorants, avertir les pécheurs, consoler les affligés, pardonner les offenses, supporter patiemment les personnes ennuyeuses, prier Dieu pour les vivants et pour les morts (Le visage de la miséricorde, n°15 ; voir Ez 33, 8-9 ; Col 3, 16 ; Mt 25, 31-46 ; Is 58, 6-11). Pour bien comprendre ces œuvres, il faut citer la phrase de saint Matthieu : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que l’avez fait ! » (Mt 25, 40) En fait, chaque chrétien est invité à « ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu », comme l’écrit saint Benoît (Règle de saint Benoît, IV, 74), d’où l’importance du Jubilé extraordinaire de la miséricorde. « L’Église ressent fortement l’urgence d’annoncer la miséricorde de Dieu » (Le visage de la miséricorde, n°25). Conclusion S’engager dans la mission chrétienne, sous le signe de la miséricorde divine, est exigeante. La semaine missionnaire mondiale (16-13 octobre 2016) vient nous le rappeler. En effet, pratiquer une miséricorde sans vérité manquerait d’honnêteté et risquerait d’être un vain bavardage. Inversement, dire la vérité sans miséricorde et sans amour serait froid, rebutant et peut-être blessant. La vie de l’Église est crédible lorsque la miséricorde est l’objet d’une annonce convaincante (Le visage de la miséricorde, n°12-13 et 25). L’Eglise a la mission d’annoncer la miséricorde de Dieu, de la contempler et d’en faire son style de vie : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 36). Lors des pèlerinages, des démarches de réconciliation et des engagements dans les œuvres de miséricorde corporelles et spirituelles, il s’agit à chaque fois d’aimer en vérité (voir Is 58, 6-11 ; Mt 25, 31-45 ; Rm 12, 8 ), de tendre vers plus de perfection et d’amour. Il s’agit d’aimer mieux et d’être en communion avec Dieu à qui le psalmiste s’adresse : « Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours » (Ps 25, 6). Pierre Diarra, Responsable de l’Union Pontificale Missionnaire, Œuvres Pontificales Missionnaires, Paris, 17 octobre 2016