Le développement durable et l’Eglise - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Le développement durable et l’Eglise

Environnement

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Le 4 févier dernier à l’Université de Nantes le Cercle Jean-Paul II et l’Association pour la Fondation de Service politique organisaient un colloque sur « Le développement durable et l’Église ». A l’approche des élections présidentielles, le développement durable constitue un enjeu important sur lequel sept candidats avaient accepté, la semaine précédente, de donner leur vision devant France Nature Environnement, la plus grosse organisation française de protection de la nature. De même, le vote catholique est scruté à la loupe par les observateurs pour savoir dans quel camp il fera basculer les urnes.

Dans ce contexte, éclairer les consciences sur le développement durable et permettre aux chrétiens de se situer clairement par rapport à lui n’étaient donc pas sans importance. Il revenait d’abord à Jean-Philippe Pierron, philosophe et professeur à l’Université de Lyon III de planter le décor, en montrant la nouveauté du concept qui marque une double rupture par rapport à l’approche jusqu’ici dominante en remettant en cause le modèle fondé depuis deux siècles sur l’idée de progrès et en appelant à une responsabilité à l’égard des générations futures. Intervenant plus tardivement dans le débat, l’Eglise n’en adopte pas moins une position tranchée en appelant, à travers le document « La Création au risque de l’environnement » adopté par les évêques de France en 2008, à l’imagination pour passer d’une écologie de correction à une écologie de fondation. Il ne suffit plus en effet de poser des gestes qui risquent de n’être que des gesticulations mais de comprendre ce qu’est l’humain sur la Terre, ce que le philosophe appelle passer de l’anthropologie utilitariste à l’anthropologie de la finitude.

Une position aussi nette aurait pu laisser penser que l’Eglise se ralliait à celle des écologistes les plus radicaux. Après l’intervention du Père Joseph-Marie Verlinde, docteur ès-sciences et prieur de la Famille monastique de Saint-Joseph, le doute n’était plus permis. Dénonçant la dérive panthéiste de la société post-moderne, il s’est attaché à montrer en quoi l’écologie radicale est à l’opposé de l’anthropocentrisme de l’enseignement chrétien. L’écologie utilitariste d’abord, en voulant élargir le droit au bien-être et au refus de la souffrance à toutes les espèces animales, aboutit, avec Peter Singer, à l’idéologie du spécisme, faisant de l’homme un animal comme les autres et plaçant le bien-être au-dessus de la vie, seule une existence sans souffrance méritant d’être poursuivie. Dérive plus grande encore avec l’écologie profonde de Arne Naaes qui prône un égalitarisme biosphérique, réduisant l’homme à un sous-système jugé coupable de l’extinction de la Terre et dont la place devrait être réduite des neuf dixièmes. Ainsi est née une écothéologie par laquelle la Terre devient la déesse mère Gaïa dont James Lovelock, chercheur à la NASA, souhaite faire, dans un curieux mélange de panthéisme et de cybernétique, un cerveau collectif auquel seraient reliés les cerveaux humains. Tout cela pourrait porter à sourire si les instances internationales, souvent complaisamment relayées par la presse, n’y accordaient une attention bienveillante.

Dès lors, sur quels fondements la pensée chrétienne peut elle établir son rapport au développement durable ? Stanislas de Larminat, ingénieur agronome, s’est appliqué à apporter une réponse en empruntant une autre sémantique : la solidarité, la lucidité, la destination universelle des biens, la subsidiarité et la participation, l’économie du don et de la gratuité. Il s’agit, en fait, des termes issus du Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise dont l’application permettrait l’émergence d’une écologie humaine et sociale.

Si l’auteur des « Contrevérités de l’écologisme » semblait mettre en doute les méfaits des organismes génétiquement modifiés (OGM) et de la réalité du réchauffement climatique, il n’en était pas de même de son successeur, Dominique Vermersch, professeur d’éthique à l’Agrocampus de Rennes, qui a rappelé l’appel, en 2010, du Pape Benoît XVI à prendre ces problèmes en considération, en se souvenant que la nature est un don qui parle à l’homme de l’amour de Dieu. Se faisant, selon ses propres termes, professeur de grammaire, l’orateur a développé le langage du don de la nature. La nature se donne à l’homme qui se l’approprie et redonne à son tour. Malheur à lui s’il fait des fautes de grammaire, c’est-à-dire s’il oublie de recevoir, de s’approprier ou de restituer, car il oublie alors l’origine du don et s’en remet à d’autres idoles.

Il ne suffisait plus, si l’on peut dire, que de connaître la position de l’homme politique chrétien, charge qui est revenue à Bernard Seillier, ancien sénateur de l’Aveyron. Rappelant que seules la justice et la paix constituent une fin, le développement durable doit rester ce qu’il est, à savoir un moyen forcément imparfait. A travers plusieurs exemples, il a montré que le développement durable ne doit pas constituer une nouvelle loi humaine se substituant à la loi divine. Comme l’arbre de la connaissance ne saurait être séparé de l’arbre de la vie, la loi positive ne saurait se distinguer de la loi naturelle.

Touchés dans leur conscience, les auditeurs sont repartis en mesurant le poids de leur responsabilité et d’abord de leur responsabilité éducatrice. Comme l’a dit en effet un des intervenants, la question n’est pas seulement de savoir quelle Terre nous laisseront à nos enfants mais aussi de savoir quels enfants nous laisseront à notre Terre.