LA BOUSSOLE - France Catholique
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LA BOUSSOLE

Chronique n° 451 parue initialement dans France Catholique − N° 2168 − 12-19 août 1988

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Que pensent réellement les Soviétiques ? Comme le remarquait naguère André Amalrik1, la question n’a pas de sens en période stalinienne, car ce ne sont pas des malheureux au cerveau préalablement vidé par la terreur qui vont exprimer une opinion, même au fond de leur cœur. Le temps de Staline n’est plus, Dieu merci. Mais il ne faut pas oublier que les Soviétiques actuels sont les survivants d’une épuration massive, qui dura des décennies2. Ceux qui avaient des opinions sont morts. Pourtant on ose de nouveau penser, ne serait-ce, pour commencer, que timidement. Parfois un épisode involontaire simule un vrai sondage, grossier mais très significatif. En voici un. Au début de juillet, un général Dimitri Volkogonov vient présenter son prochain livre à Radio-Moscou, qu’en ce moment on entend chez nous, aussi bien que France Inter (avis aux amateurs) sur la bande des 25 mètres, à 12020 kHz, tous les jours à 20 et 22 heures, heure française3. Volkogonov est membre du PCUS, député au Soviet Suprême, officier supérieur, auteur déjà d’une vingtaine de livres d’histoire publiés bien entendu avec la bénédiction de la censure. Il appartient à la Nomenklatura. On ne peut le soupçonner de dénigrement antisoviétique, ni de complaisance déviante. Son prochain livre, dit-il, est un gros ouvrage en deux volumes consacré à l’étude de Staline et du Stalinisme. II se flatte d’être l’homme au monde qui en sait le plus sur le dictateur, et il cite ses sources. Elles sont effectivement impressionnantes. Quoique militaire ayant grade de général, Volkogonov est certainement un historien expérimenté4. Quant à moi, qui l’écoute, auditeur occidental nourri de scepticisme, je garde ma méfiance. Volkogonov a peut-être rassemblé beaucoup, et même admettons, la plupart des sources écrites. Mais dans un système de violence et d’arbitraire, la société stalinienne était une civilisation (si l’on peut dire) orale − « Fusillez-moi tel et tel, liquidez tel groupe, déportez tel autre », voilà qui ne demandait qu’un coup de téléphone et ne laissait aucune trace. Cependant, soit, ne retenons d’abord que les sources écrites : oui, dit Volkogonov, c’est bien par millions qu’il faut chiffrer le nombre des victimes, et il possède dans ses archives des listes de centaines de personnes en marge desquelles Staline a rapidement noté : « D’accord, à fusiller ». Il racontera cela en détail dans son gros livre qui, dit-il, s’appellera : Staline, triomphe et tragédie. Le triomphe, c’est celui du tyran sur la « démocratie léguée par Lénine » (hélas, général, vous n’osez pas pousser votre glasnost jusqu’à la Figure Sacrée du Père Fondateur) ; et la tragédie, c’est le bain de sang que nous savons. Venons-en au sondage. Volkogonov a annoncé dans la presse soviétique la parution de son livre en résumant ses conclusions. Il a reçu six mille lettres avant parution ! ce qui est déjà instructif : le sujet est brûlant. Méthodique, Volkogonov a étudié ce courrier. « 60% des lettres encouragent mon entreprise. Je dois aller jusqu’au bout, faire toute la lumière, et notamment sur les conditions qui ont permis l’apparition, le triomphe et le long règne du tyran. Beaucoup demandent que ses complices encore vivants soient jugés » (à vous, camarade Gromyko5). « 30% me désapprouvent ou même m’accusent poursuit Volkogonov. Sur ces 30%, la moitié insinuent que sous couvert de dénoncer le stalinisme c’est en réalité le régime que je vise ; l’autre moitié sont les staliniens, qui existent toujours. Enfin une partie du courrier (note : il reste en effet 10%) sont des insultes, voire des menaces ». Ce qui chiffrerait les staliniens à la moitié de 30, plus 10, soit 25% ? Enorme, mais plausible. Résumons : 60% des Russes approuvent Gorbatchev6, 40 % le désapprouvent plus ou moins violemment. On comprend dès lors que la glanost, la transparence, n’aille pas jusqu’à donner la parole à ces 40% à qui la nouvelle direction veut imposer ses réformes. Certes nous savons ce que dit leur porte-parole M. Ligatchev7, nous sommes tenus au courant de ses positions; mais par ses adversaires. On en reste aux discours indirects prêtés par César à Vercingétorix dans nos versions latines de jadis. Je n’ai jamais entendu la voix de M. Ligatchev à Radio-Moscou. Je ne cache pas qu’on lui réserve quelques émissions télévisées, comme nous faisons à MM Marchais et ses amis8. Ce qui met en évidence l’aspect toujours scabreux de l’entreprise de M. Gorbatchev et de la couche sociale dont il est l’expression. Il est majoritaire, mais pas tant qu’il le dit, et la minorité qu’il essaie de mater a pour elle de ne reculer devant rien (cf. les lettres de menaces adressées à un général membre du conseil suprême). M. Gorbatchev veut établir un État de droit. C’est-à-dire, dans la tradition de Montesquieu, une situation qui oblige même le législateur détenteur du pouvoir. Exprimer cette ambition, c’est montrer un courage auquel il convient de rendre hommage, car elle constitue un aveu menaçant : jusqu’ici inclusivement cet état de droit n’existe pas. Nous le savions. C’est déjà quelque chose qu’on le reconnaisse, mais comment réduire à la loi un appareil habitué de toujours − depuis 70 ans ! − à la tenir pour nulle et non avenue ? Il y a là un paradoxe qui tient du Crétois9. M. Gorbatchev tente de rétablir l’état de droit, mais il ne peut le faire qu’en le violant lui-même, puisqu’il ne peut donner la parole à ses adversaires sans compromettre sa tentative. D’où son insistance à vouloir, comme il le répète, commencer par rendre son projet de refonte irréversible. Comment y parvenir ? On ne voit qu’un moyen : le discours, la diffusion lancinante, par les média qu’il contrôle, de toutes les erreurs du passé. Notamment, en ce moment même, la réhabilitation hâtive mais légale des victimes de la répression. Notamment ce projet qui nous paraît étrange, voire naïf, de leur élever un monument10 national à Moscou. Notamment ce retour sur les circonstances de l’éviction de Khrouchtchev, dont on divulgue avec insistance les irrégularités, comme si M. Gorbatchev voulait conjurer la menace qui pèse sur lui, continuateur de Khrouchtchev, il s’agit d’inculquer dans les esprits qu’il compte sur l’opinion publique pour éventuellement le sauver et sauver son pays d’un retour aux mêmes illégalités. Et ici nous tombons sur une autre difficulté fondamentale. Car depuis 70 ans le peuple soviétique tout entier, opprimé par l’illégalité, a appris à ne survivre que dans l’illégalité11. Comment lui apprendre, selon l’expression de Soljenitsyne, à ne plus mentir, quand le mensonge est ressenti par le peuple russe comme son unique et perpétuel recours ? Au niveau le plus quotidien, la nécessité de manger, de se vêtir, d’avoir un toit, rien ne se fait qu’en trichant. L’état de pénurie rend le marché noir inévitable. Il faut donc d’abord sortir de la pénurie, d’où la perestroïka, « restructuration ». Mais la pénurie est consubstantielle au système planificateur, qui la porte en lui comme la nuée porte l’orage. C’est là finalement la faiblesse apparemment insurmontable du projet de M. Gorbatchev, qui ne peut toucher à l’« héritage sacré » de Lénine, mythe fondateur de la nation soviétique. Il semble même que M. Gorbatchev garde intacte sa foi aux vertus du « socialisme ». Loin de vouloir changer de mythe, il semble croire, comme Khrouchtchev, que si cela va mal, c’est parce qu’on a dévié du vrai socialisme, qu’il ne s’agit que de le rétablir dans sa pureté originelle comme si cette chimère avait jamais existé. « Tous nos maux viennent de l’histoire », aimait à répéter Valéry. Hélas, la première tache du socialisme originel fut de travestir l’histoire, de construire une histoire fictive fournissant après coup à des événements fortuits une explication conforme au paradigme marxiste. J’ai dans ma bibliothèque une anthologie des discours prononcés de 1917 à 1924 par les ténors de la révolution « socialiste ». Ce qui frappe à leur lecture, c’est l’écrasante supériorité de Staline dans l’art d’expliquer ce qui s’est passé par hasard et dans un complet chaos comme l’inéluctable développement d’un système mythique, diabolique dévoiement de la scolastique jadis étudiée par le séminariste défroqué. Un homme qui « éclairait » si bien le passé était tout désigné pour se charger de l’avenir. Tous les Soviétiques actuellement vivants ont appris à interpréter l’histoire à « travers » sa brève et « lumineuse » Histoire du Parti Communiste, d’où ressort l’infaillibilité du Parti. Même ceux qui le rejettent détiennent, fût-ce inconsciemment, le Système Explicatif Parfait, qui fonde la foi en un Socialisme originel parfait, et qui marchait croit-on. Il semble, hélas, que la perestroïka de M. Gorbatchev ne vise qu’à rétablir ce paradis perdu qui n’a jamais été qu’un enfer. Mais l’avenir n’est pas planifiable. Les dirigeants russes sont lancés dans une quête dont ils croient connaître l’aboutissement. C’est déjà quelque chose que, jusqu’ici, leur boussole les oriente dans le bon sens Quant au but où ils atteindront, il est en d’autres Mains. Aimé MICHEL Chronique n° 451 parue initialement dans France Catholique − N° 2168 − 12-19 août 1988. Capture_d_e_cran_2014-11-10_a_12-28-10.png
Notes de Jean-Pierre ROSPARS du 21 janvier 2019

 

  1. André Amalrik (1938-1980) est une des figures marquantes de la dissidence soviétique. Né à Moscou dans une famille d’intellectuels d’origine française, fils d’historien et historien lui-même, il soutient dans un mémoire universitaire que les Normands ont joué un rôle majeur dans l’édification du premier État russe. C’est contraire à la thèse officielle qui veut que cet État ait été créé par les Slaves avant l’arrivée des Normands, dès le VIe siècle. En conséquence, Amalrik est exclu de l’université. Il gagne sa vie comme il peut (gardiennage de nuit, livraison, ménages, leçons particulières, traductions…) tout en écrivant des pièces. Comme il ne cache pas son opposition au régime et refuse d’informer le K.G.B. sur les étrangers avec lesquels il est en relation, il est arrêté en 1965 et exilé deux ans et demi au goulag de Kolyma en Sibérie. En 1970, à la suite à la publication de ses livres en Occident, il est arrêté de nouveau et détenu pendant trois ans. À la fin de sa peine, on le condamne à nouveau, mais suite à la grève de la faim qu’il entame et à la pétition du Pen Club en sa faveur, on réduit sa peine à deux ans, toujours dans la Kolyma mais en dehors des camps. En 1976, il est expulsé vers les Pays-Bas puis il s’installe en France. Il continue d’informer sur l’état réel de l’URSS et de dénoncer sa volonté de domination. En 1980, il se rend à la conférence de Madrid où il entend mettre en garde les dirigeants occidentaux ; mais, parvenu près de Guadalajara, il trouve la mort dans un accident de voiture (le KGB est suspecté mais aucune preuve de son implication ne sera apportée). Dans son livre Le voyage involontaire en Sibérie (Gallimard, Paris, 1970) il relate sa vie à Moscou, espionné par ses voisins et le KGB, et son exil en Sibérie dans un kolkhoze, expose les difficultés de la vie rurale et analyse les causes des échecs économiques soviétiques. Dans son livre majeur, L’U.R.S.S. survivra-t-elle en 1984 ? (Fayard, Paris, 1970 ; avec une préface d’Alain Besançon), à l’origine un recueil d’articles, il annonce la fin du système soviétique (la date de 1984 fait référence au livre de George Orwell). La précision des informations qu’il fournit sur l’état économique réel de l’URSS notamment en agriculture (sur ce point clé, voir la chronique n° 232), l’hypertrophie de l’armée et de la police politique, les abus de la nomenklatura, l’inertie des masses, sont une surprise pour une partie de ses lecteurs qui croyait encore que le bilan soviétique était « globalement positif ». En 1980, dans Le journal d’un provocateur (Seuil, Paris, 1980), il est encore plus pessimiste et reconnait que l’effondrement peut être différé plus longtemps qu’il ne l’a prévu. Pourtant il ne s’est trompé que de sept petites années…
  2. Sur la période stalinienne et le stalinisme, voir par exemple la note 4 de n° 301 sur sa vie de famille de Staline et sa mort, les chroniques n° 268, Lyssenko est toujours vivant, n° 368, Les maquilleurs de l’histoire – Le pacte germano-soviétique, et n° 371, De la Résistance française à la Résistance afghane. Ah ! que l’histoire est rebelle – Qu’est-ce que le stalinisme ?
  3. Dès 1988 donc, A. Michel suit quotidiennement la situation en URSS par l’écoute de Radio Moscou. La présente chronique est la première à traiter de l’actualité soviétique cette année-là. Une seule autre suivra, début décembre, n° 454, Quand Radio Moscou parle comme Soljenytsine, que nous avons déjà mise en ligne. On voit bien qu’A. Michel est aux aguets et prêt pour les évènements historiques de 1989 et 1990…
  4. C’est une interview exceptionnelle a bien des égards qu’Aimé Michel recueille ici avec une prudence justifiée car il ne peut deviner à quel point la personnalité profonde de l’interviewé contredit sa carrière officielle. La suite des évènements confirmera non seulement les compétences historiques de Dimitri Volkogonov mais écartera tout soupçon de manque d’audace de sa part. En effet, son Staline, triomphe et tragédie, qui parait en 1990 en russe et en 1991 en français (trad. Yvan Mignot, Flammarion, Paris) est suivi par Le vrai Lénine d’après les archives secrètes soviétiques (trad. de l’anglais par Serge Quadruppani et Dimitri Sesemann, Robert Laffont, Paris, 1995). Dans ces livres, Volkogonov confirme ce que l’on savait déjà mais en se fondant sur un nombre considérable de documents d’archive inédits : que Staline a fait exécuter l’un après l’autre tous ceux qui l’avaient connu à ses débuts ou avaient entouré Lénine (ainsi que leurs familles), qu’il a fait un usage méthodique de la terreur comme instrument de gouvernement, et que ses crimes sont la continuation de ceux de Lénine lui-même. Toutefois, ce qui retient le plus mon attention dans cette œuvre (qui comporte plusieurs autres titres, dont un Trotsky), ce n’est pas son apport historique mais l’exceptionnel conflit intérieur dont elle est l’aboutissement (on pense également à la vie de son contemporain le physicien Andrei Sakharov et, quarante ans auparavant, en plein stalinisme triomphant, à celle de Victor Kravchenko, à l’issu si différente, voir notes 2 de n° 433 et 4 de n° 372). Né en 1928 en Sibérie orientale, Volkogonov est le fils d’un responsable de ferme collective et d’une institutrice. En 1937, son père est arrêté et exécuté parce qu’on le trouve en possession d’un pamphlet de Boukharine et sa mère est envoyée dans un camp de travail où elle meurt durant la guerre. Il ne découvre ces faits que bien des années plus tard dans les archives de Moscou. Comme de nombreux orphelins, il entre dans l’armée en 1945. Malgré ses origines suspectes il gagne du galon. En 1970, il entre dans le service de propagande de l’armée et devient spécialiste de la guerre psychologique et idéologique. C’est en chef de ce service qu’il visite l’Angola, l’Éthiopie, le Moyen-Orient et l’Afghanistan. Sa parfaite orthodoxie marxiste-léniniste lui permet d’accéder aux archives soviétiques les plus secrètes. Mais alors même qu’il écrit de nombreux livres sur des questions de défense et diffuse la propagande soviétique à destination des troupes, sa plongée dans les archives l’entraine dans « un processus long, tourmenté et secret de révision de l’histoire soviétique ». Bien que ce processus ait commencé dès les années 50 avec la découverte du fameux discours secret de Khrouchtchev au XXe congrès du Parti communiste de l’URSS, puis la constatation que les pays aidés par l’URSS s’enfoncent dans la pauvreté, ce qui le convainc que le marxisme est une impasse économique, les documents qu’il découvre le stupéfient car ils révèlent « la cruauté, la malhonnêteté et l’incompétence » de communistes haut placés. En 1985, il devient directeur de l’Institut d’Histoire militaire ce qui lui permet de documenter le sort des 45 000 officiers de l’Armée rouge arrêtés durant les purges des années 30 (dont 15 000 furent exécutés). Il achève alors son Staline commencé en 1978 et la glasnost de Gorbatchev lui permet de le publier. Il devient aussitôt un paria parmi ses pairs. En 1991, il est contraint à la démission après avoir fait lire le premier des dix volumes de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale rédigée sous sa direction, car la débâcle militaire de 1941 y est attribuée au système lui-même par le poids d’une bureaucratie où la terreur paralyse toute initiative individuelle. À la suite de l’échec du coup d’État de 1991, il devient conseiller du président Boris Eltsine pour les questions de défense. Il préside plusieurs commissions dont l’une rend publique de nombreuses archives secrètes. Il peut alors accéder à l’une d’entre elles, celle conservée dans un sous-sol à l’épreuve des bombes de l’ex-Comité central du Parti. Elles alimentent la rédaction de son livre sur Lénine commencé l’année précédente. Il assure que Lénine est le dernier bastion à tomber lorsqu’il découvre son ordre écrit donné en 1918 d’exécuter des koulaks : « Pendez sans faute (pendez pour que les gens voient) pas moins de cent koulaks connus, hommes riches, suceurs de sang… Faites-le de telle sorte que sur des centaines de kilomètres, les gens voient, tremblent, sachent, crient : ils étranglent et vont étrangler à mort les koulaks suceurs de sang. » En 1993, lors de l’insurrection des anti-réformateurs, il est confronté à un dilemme moral : l’emploi de la force (qu’il condamne) ou le retour du Goulag. Il assure avoir garanti la vie sauve aux insurgés s’ils déposaient les armes mais ne peut empêcher Eltsine de recourir à la force. Il s’oppose de même à l’intervention de l’armée en Tchétchénie bien qu’il admette le caractère criminel du régime tchétchène. Il meurt d’un cancer à Moscou en 1995. Sources principales : article « Volkogonov » de Wikipedia en anglais, articles de Steven Erlenger dans le New York Times du 1er août 1995 https://www.nytimes.com/1995/08/01/world/writing-history-soviet-general-finds-revelation.html?src=pm et de Harry Schukman dans The Independent du 7 décembre 1995 https://www.independent.co.uk/news/people/obituary-general-dmitri-volkogonov-1524500.html ; Schukman est le traducteur en anglais de la trilogie de Volkogonov. (Il est curieux que le Trotsky n’ait pas été traduit en français et que le Lénine l’ait été de l’anglais et non du russe.)
  5. Andrei Gromyko fut premier vice-ministre des affaires étrangères (1949-1952) puis ambassadeur à Londres (1952-1953) pendant les dernières années de Staline. Ce communiste « conservateur », tenant d’une ligne dure vis-à-vis de l’Occident, fut écarté du pouvoir par Gorbatchev.
  6. Depuis le début de 1987, A. Michel s’interroge sur le « troublant M. Gorbatchev » sa glasnost et sa perestroïka (voir chronique n° 433, 435, 439).
  7. Egor Ligatchev est né en 1920 dans la région de Tomsk, en Sibérie, un territoire de plus de 300 000 km2 mais d’un million d’habitants seulement. Il est Premier secrétaire du Parti communiste de Tomsk de 1965 à 1983 et on lui attribue une action positive dans le développement de la région. Il a aussi contribué à révéler le charnier de Kolpashevo datant de l’ère stalinienne. En 1983, Youri Andropov le nomme secrétaire au Comité central du Parti. En 1985, il est promu par Gorbatchev à un rang supérieur et est alors tenu pour un des meilleurs alliés de celui-ci. Mais en 1988, il s’en éloigne et on l’accuse d’être le chef de la faction conservatrice contre Gorbatchev, sa glasnost et sa perestroïka, ce qu’il nie (et continue de nier dans ses mémoires publiés en 1993, À l’intérieur du Kremlin sous Gorbatchev, non traduites en français). Gorbatchev le rétrograde de son poste prestigieux de Secrétaire à l’Idéologie en Secrétaire à l’Agriculture. En 1990, il s’oppose à la décision de mettre fin au monopole du Parti communiste, au retrait soviétique graduel en Europe de l’Est et à la réunification des deux Allemagnes. Il tente de se faire élire Premier Secrétaire à la place de Gorbatchev mais il échoue et démissionne du Bureau politique. Après la chute de l’URSS en 1991, il se fait élire trois fois à la Douma en tant que membre du Parti communiste de la Fédération de Russie (fondé en 1993).
  8. Sur Georges Marchais, secrétaire général du PCF, voir n° 104 (note 2) et n° 339.
  9. Le paradoxe dit du Crétois ou du menteur provient d’un vers du poète, ascète et devin crétois Épiménide : mot à mot « Crétois toujours menteurs » ou en français courant « Les Crétois sont toujours menteurs ». Comme c’est un Crétois qui parle, s’il dit vrai, il ment, mais s’il ment, la phrase est fausse. On est pris dans le cercle vicieux d’une contradiction logique. Épiménide était célèbre dans l’antiquité comme en témoignent Platon, Aristote, Diogène Laërce, Plutarque et même saint Paul qui le cite dans sa Lettre à Tite (chap. 1, v. 12) « Car l’un d’entre eux [Crétois], un de leurs prophètes [Épiménide], l’a bien dit : Crétois toujours menteurs, mauvaises bêtes, gloutons fainéants ! » Pour Bertrand Russell, la phrase incriminée est grammaticalement correcte mais logiquement incorrecte car elle confond la totalité avec un membre de celle-ci en mêlant deux niveaux distincts, le langage (ou discours : Les Crétois mentent toujours) et le métalangage (discours sur le discours : ce que je dis est faux). François Le Lionnais remarque quant à lui qu’à la phrase « Tous les Crétois sont toujours menteurs » on ne doit pas opposer « Tous les Crétois disent toujours la vérité » mais « Quelques Crétois disent parfois la vérité » (Épiménide par exemple). Cette distinction lève aisément le paradoxe.
  10. Le texte imprimé était « mouvement ».
  11. Aimé Michel développe l’idée de l’illégalité foncière d’un système qui à la fois triche et force à tricher dans les chroniques n° 439, Vertus d’une société délinquante, et n° 441.