« L'étoffe de plusieurs saints » - France Catholique

« L’étoffe de plusieurs saints »

« L’étoffe de plusieurs saints »

Laurent Touchagues, président des Amitiés Charles de Foucauld, explique l'originalité de Charles de Foucauld « phare allumé par la main de Dieu ».
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Qu’est-ce qui vaut à l’ermite du Sahara d’être canonisé ?

Laurent Touchagues : Le Père Abbé de Notre-Dame des Neiges, où Charles de Foucauld fut moine, a pu déclarer : « Je n’ai jamais vu, en ma vie, un homme réalisant à ce point l’idéal de la sainteté. Je n’avais jamais vu que dans les livres de tels prodiges de pénitence, d’humilité, de pauvreté et d’amour de Dieu. »

Ce qui faisait dire au prieur de Notre-Dame de Staouéli, en Algérie : « Il y a en lui l’étoffe de plusieurs saints. Sa seule présence est une prédication très éloquente. » Conséquence de cette éclatante réputation de sainteté, la canonisation de Charles de Foucauld est l’aboutissement de la rigoureuse procédure de l’Église qui a été mise en œuvre en 1927 : un procès diocésain instruit par l’évêque du Sahara, puis, à partir de 1947, un procès apostolique mené à Rome.

Sa vie et ses écrits ont été étudiés et jugés comme manifestant la pratique héroïque des vertus et la fidélité à l’enseignement de l’Évangile : Charles de Foucauld a donc été déclaré vénérable en 2001. La guérison radicale en 1981, à l’article de la mort, d’une mère de famille milanaise, a été reconnue comme miracle en 2004, ce qui a permis, en 2005, de déclarer bienheureux l’apôtre des Touaregs. Un nouveau miracle, intervenu depuis, la préservation d’un ouvrier charpentier lors d’un terrible accident en 2016 à Saumur, a été reconnu l’an dernier, ouvrant la voie à la canonisation. Sa canonisation sera l’aboutissement d’un long travail.

Pourquoi cela a-t-il été si long ?

Cela a pris du temps de récolter les dépositions des témoins de la vie de Charles de Foucauld, comme il fut long de rassembler ses écrits, très nombreux, avant de les faire étudier par des théologiens. L’interruption des travaux de la cause, pour ne pas la compromettre, a été décidée en 1956, lors des premiers événements en Algérie, et a duré jusqu’en 1967. Après l’approbation des écrits, en 1968, et le décret de non-culte, en 1979, un complément de recherche historique a été nécessaire, à la demande de la Congrégation pour les causes des saints. Nous y avons travaillé à partir de 1980 en vue de produire le Rapport sur la vie, la renommée de sainteté et les vertus de Charles de Foucauld, déposé le 25 juillet 1995 par le postulateur. Et, pour finir, l’attente et l’étude des miracles nécessaires ont été longues et ont continué d’exercer notre patience.

La spiritualité de Charles de Foucauld est-elle originale ?

On peut rattacher Charles de Foucauld à l’école française de spiritualité, qui insiste sur les états de vie de Jésus, une grande dévotion au Sacré-Cœur et à l’Eucharistie, l’abandon à la Miséricorde divine. S’y ajoute l’influence des docteurs du Carmel et de saint Jean Chrysostome qu’il a beaucoup lus et cités.

Ce qu’il y a d’original provient de la vocation spécifique à laquelle Charles de Foucauld était appelé par Dieu : l’imitation de Jésus dans la vie cachée de Nazareth, à la dernière place, comme un simple ouvrier. Et, avec le sacerdoce, la pratique du mystère de la Visitation : porter le Sauveur aux plus pauvres, c’est-à-dire aux âmes ne connaissant pas le nom de Jésus, mission pour laquelle il était « prêt à aller jusqu’au bout du monde et à vivre jusqu’à la fin des temps ». Il faut redire que son plus cher désir était d’amener au Christ toutes les âmes de son entourage, y compris les musulmans, mais il avait conscience que cela prendrait « peut-être des siècles ».

Est-elle prophétique ?

Un théologien célèbre a dit qu’au seuil du XXe siècle deux phares avaient été allumés par la main de Dieu : Thérèse de Lisieux et Charles de Foucauld. La vie de ce dernier est prophétique car elle en vient à proclamer totalement et uniquement la volonté de Dieu, « en vue de Dieu seul ». Elle montre ce que la Parole de Dieu produit dans une âme éprise de Jésus-Christ au point de le regarder comme « l’unique nécessaire » et « le Modèle unique ».

Charles de Foucauld est la preuve qu’il n’y a aucune situation dans laquelle on ne puisse pas vivre l’Évangile en vérité. « Crier l’Évangile par toute sa vie », « être un évangile vivant », c’est le prophétisme absolu. « Je désirais être religieux, ne vivre que pour Dieu et faire ce qui était le plus parfait, quoi que ce fût. »

Qu’a-t-il à dire aux hommes de notre temps ?

Par sa conversion, par le retour à sa tradition d’origine, par sa vocation, par sa persévérance dans la solitude et le travail, par sa fécondité posthume, Charles de Foucauld rappelle à l’homme moderne que « Jésus est le maître de l’impossible », qu’il est mort pour tous les hommes. Ce qui veut dire que tous les hommes sont appelés à entrer dans son amitié et à devenir ses disciples : « Qui peut résister à Dieu ? »

« Cet homme fait de la religion un amour » écrivait son directeur spirituel, l’abbé Huvelin. Charles dit en effet : « L’Évangile me montra qu’il fallait tout enfermer dans l’amour. » Il a été appelé à imiter Jésus et à lui donner toute sa vie, au point de désirer mourir martyr. Il nous incite à vivre comme lui de l’Évangile, de l’Eucharistie et pour l’évangélisation par l’exemple et par la bonté.

Par l’immense œuvre linguistique accomplie pour connaître la langue des Touaregs afin de leur transmettre l’Évangile, Charles de Foucauld nous montre aussi la noblesse du travail et de la science au service de l’apostolat, la sainteté de l’intelligence au service du bien de l’homme intégral.