François et sainte Thérèse de Lisieux - France Catholique
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L'Église dans l'attente
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François et sainte Thérèse de Lisieux

Le pape François eut une véritable amitié spirituelle avec la carmélite française, au point d’influencer sa vie et son pontificat.
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Ce n’était pas une dévotion ordinaire mais le partage d’une existence. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face occupait discrètement le bureau de l’archevêque de Buenos Aires aux côtés des portraits de saint Joseph et de Marie « qui défait les nœuds ». Devenu cardinal, le prélat plaça aussitôt une photo d’elle sur une étagère de sa bibliothèque où figurait en bonne place Histoire d’une âme, l’autobiographie de la carmélite. Plus tard, dans ses appartements privés du Vatican, les reliques de sainte Thérèse veilleront sur le Saint-Père jusqu’à sa mort, ce dernier étant sûr de l’écoute et du secours bienveillant de la jeune carmélite.

Comment expliquer un tel attachement de la part du pape François ? Avare de confidences, il aimait distribuer à ses visiteurs ou glisser dans une enveloppe à l’adresse d’un destinataire la photo de sainte Thérèse habillée en Jeanne d’Arc, assortie d’une prière qu’il appelait fermement à réciter, persuadé que la sainte accompagne celui qui sollicite son intercession au-delà de ses attentes. François aimait réciter « la neuvaine aux roses » qui fut très populaire en Argentine avant de se propager dans toute l’Amérique latine. Elle comporte une prière et une litanie de vingt-quatre « Gloire au Père » en référence aux vingt-quatre années de la vie terrestre de la sainte. La neuvaine vise à obtenir une grâce importante et elle a la spécificité d’être accompagnée de l’envoi d’une vraie rose, signe que sainte Thérèse écoute la demande et y répondra. Le pape François, très subtilement, n’attendait pas la résolution immédiate des problèmes qu’il présentait à la carmélite. Il lui demandait de les prendre en main et de l’aider à accepter les difficultés. Le Saint-Père avait confié dans son exhortation apostolique Evangelii gaudium sur la joie de l’Évangile, l’idée qu’il se faisait du conflit qui, dans toute vie, ne pouvait être ignoré. Il proposait d’accepter de supporter le conflit avant de le transformer en un maillon d’un processus nouveau (Evangelii gaudium, 226-227). Dans sa prière, il aimait confier à sainte Thérèse l’idée de l’aider à souffrir les problèmes avant de les résoudre. Jorge Mario Bergoglio était-il exaucé ? Oui, si l’on en juge aux nombreux témoignages datant souvent d’avant son pontificat et attestant de roses blanches offertes par des inconnus ! « Tiens, Thérèse est passée par ici ! » avait coutume de confier le prélat. Lorsque le cardinal devint pape, les fleurs l’ont suivi jusqu’à Rome. Le 7 septembre 2013, la place Saint-Pierre étaient décorée de gerbes de roses blanches pour la grande veillée de prière pour la paix en Syrie, signe que le Saint-Père avait voulu mettre la petite Thérèse au cœur de la prière pour la paix aux côtés de la Vierge Marie.

L’attachement du pape François à la sainte de Lisieux a imprégné sa spiritualité et donné certaines colorations particulières à son pontificat. Tous deux sont des missionnaires contrariés. Thérèse rêvait d’apporter l’Évangile dans des contrées lointaines, notamment dans le carmel d’Hanoï – en vain, pour raisons de santé –, tandis que Jorge Mario Bergoglio choisit la Compagnie de Jésus pour espérer se rendre au Japon. Mais le général des jésuites refusa qu’il s’y rende en raison de ses graves problèmes pulmonaires marqués par l’ablation de la partie supérieure du poumon droit. Tous deux seront donc des missionnaires par procuration en soutenant les prêtres dans la prière. Cependant, le Saint-Père insistera aussi sur le caractère spécifique de la mission que doit porter tout baptisé : elle doit être témoignage et non prosélytisme. Lors de son voyage en Géorgie en 2016, il citera sainte Thérèse « qui nous rappelle que la vraie mission est attraction au Christ à partir d’une forte union à lui dans la prière, l’adoration et la charité concrète ». Par ailleurs, comme la carmélite, le pape François prônera que le « bon Dieu » pardonne tout et qu’il ne faut désespérer d’aucune âme. Il proposera du 8 décembre 2015 au 20 novembre 2016 une année jubilaire de la Miséricorde en tendant particulièrement la main aux exclus de l’Évangile.

Enfin le Souverain pontife fera souvent référence à la « petite voie » de la sainte en la citant dans son encyclique Laudato sí : « L’exemple de sainte Thérèse de Lisieux nous invite à pratiquer la petite voie de l’amour, à ne pas perdre l’occasion d’un mot aimable, d’un sourire, de n’importe quel petit geste qui sème paix et amitié. » Le pape jésuite puisa à la source de la spiritualité thérésienne une approche très concrète de la sainteté. N’avait-il pas également, comme la carmélite, cette approche très simple du prochain qui crée une proximité instantanée ? Nul doute que François n’avait pas eu besoin de choisir Thérèse tant elle s’était imposée comme sœur d’âme tout au long de son chemin sur terre.