Ivres de joie - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Ivres de joie

Pentecôte

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© Fred de Noyelle / Godong

« La joie est le secret gigantesque du chrétien », affirmait l’écrivain Chesterton. Et de fait, elle parcourt les Saintes Écritures comme une ligne de vie souterraine : joie de Noël chantée par les anges – « Je vous annonce une grande joie » – ; joie de la victoire sur la mort à Pâques ; joie de la Pentecôte qui fait prendre les apôtres pour des ivrognes – « Ils sont pleins de vin doux » (Ac 2,13). Partout, une joie surnaturelle, celle d’être aimé de Dieu, et avant-goût de celle du Ciel. D’où vient alors l’apostrophe attribuée à Nietzsche, reprochant aux chrétiens de ne pas avoir des têtes de ressuscités, argument souvent opposé au rayonnement de l’Église ? Si le christianisme est bien « la religion de la joie », répond Mgr Charles-Louis Gay, grand spirituel au XIXe siècle, la tristesse des chrétiens « prouve qu’ils n’ont pas la foi suffisante, que leur espérance est faible, et leur charité médiocre ». Pas assez chrétiens en somme…

À leur décharge dans ce procès, pourrait-on dire, les temps sont durs et les vents contraires depuis l’avènement de la modernité… En un raccourci saisissant, le Père Gaston Courtois résumait ainsi les obstacles mis à la véritable joie depuis l’époque moderne : « La Renaissance la paganise, la Réforme la fait fuir, le jansénisme la tue. » Sans compter que le XVIIIe siècle, celui de Voltaire, n’a connu que le ricanement, et le XIXe, celui du Romantisme, la mélancolie – « La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres » déplorait Mallarmé. On pourrait ajouter au XXe siècle, les massacres des deux totalitarismes athées, nazis et communistes…

Certes, aucun siècle n’a été exempt d’épreuves à travers l’histoire. Mais comment dès lors retrouver cette joie chrétienne qui affleure dans le sourire merveilleux de l’ange, si célèbre, de la cathédrale de Reims, au temps du magnifique élan religieux au XIIIe siècle  ? C’est que, selon le Père Pierre Bernadot, la joie est avant tout un « culte ». C’est-à-dire qu’elle se cultive, en particulier à travers la liturgie : « La liturgie de l’Église, disait ce dominicain, est une fête chaque jour renaissante. » Elle est en effet la voie royale d’union au Christ, unique source de toute vraie joie, celle pour laquelle nous sommes faits : « Demeurez dans mon amour (…) pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite » (Jn 15, 11).

Encore faut-il que ces liturgies suscitent la joie, non pas exubérante mais intérieure, par le soin qui leur est apporté jusque dans les moindres détails – et non par des cérémonies bâclées –, par leur beauté, leur profondeur, la sobriété de leurs paroles et par leur silence… Et si l’Église y prêche le sacrifice, remarque encore le Père Courtois, c’est pour aider les fidèles « à évacuer le péché, source empoisonnée de malheur ».

Vaincre Babel

Car en définitive, cette joie chrétienne ne vient pas de nos propres forces, mais de Dieu. Elle est un fruit de l’Esprit Saint. C’est cette force d’en haut, et elle seule, qui nous donnera le courage de vaincre les germes sans cesse renaissants de l’orgueilleuse Babel qu’est notre monde moderne, pour un véritable renouveau de la foi. Cette même force divine qui faisait aussi dire à saint Théophane Vénard (1829-1861), dans les innombrables épreuves de sa mission au Tonkin, et qui le conduisirent au martyre : « Vive la joie quand même ! »