La « Co-rédemption » au fil des siècles - France Catholique
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La « Co-rédemption » au fil des siècles

Si Rome déclare « inopportun » de confirmer ce titre, la discussion reste toutefois possible, comme depuis les débuts de l’Église. Nous publions la contribution au débat de Mgr Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana (Kazakhstan), qui revient sur l’utilisation des titres de « Co-Rédemptrice » et « Médiatrice de toutes les grâces » par les saints, docteurs et le Magistère ordinaire de l’Église.
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John Henry Newman (à gauche) et Jean-Paul II (à droite) ont tous les deux utilisé le terme de « Co-rédemptrice ».

Au fil des siècles, le Magistère ordinaire, de concert avec de nombreux saints et docteurs de l’Église, a enseigné les doctrines mariales de la Co-rédemption et de la Médiation, employant notamment les titres spécifiques de « Co-rédemptrice » et de « Médiatrice de toutes les grâces ». Dès lors, on ne saurait affirmer que le Magistère ordinaire, ainsi que les saints et docteurs de l’Église, aient pu égarer les fidèles par un usage systématiquement inapproprié de ces titres mariaux. De plus, à travers les âges, cette doctrine mariale et l’emploi de ces titres ont également exprimé le sensus fidei, « la foi des fidèles ». Par conséquent, en adhérant à l’enseignement traditionnel du Magistère ordinaire concernant la Co-rédemption et la Médiation, et en reconnaissant la légitimité des titres de « Co-rédemptrice » et de « Médiatrice de toutes les grâces », les fidèles ne s’écartent ni du droit chemin de la foi ni d’une piété saine et éclairée envers le Christ et sa Mère.

La base de saint Irénée

Ainsi, dans l’Église primitive, saint Irénée, docteur de l’Église du IIe siècle, a posé les fondements essentiels des doctrines mariales de la Co-rédemption et de la Médiation, qui seront plus tard développées par d’autres docteurs de l’Église et par le Magistère ordinaire des Pontifes romains. Dans son Contre les hérésies, il écrit : « Marie devient, par son obéissance, cause de salut pour elle-même et pour tout le genre humain » (III, 22, 4). Parmi les nombreuses affirmations du Magistère ordinaire des papes concernant la doctrine mariale de la Co-rédemption et de la Médiation, et les titres correspondants de Co-rédemptrice et de médiatrice de toutes les grâces, on peut citer en premier lieu l’encyclique Adjutricem populi de Léon XIII, dans laquelle il évoque la Vierge Marie comme collaboratrice de l’œuvre de Rédemption et comme dispensatrice de la grâce qui en découle. Il écrit : « Après avoir été coopératrice de la Rédemption humaine, elle est devenue aussi, par le pouvoir presque immense qui lui a été accordé, la dispensatrice de la grâce qui découle de cette Rédemption pour tous les temps. »

De saint Pie X à Pie XII

Dans son encyclique Ad diem illum, le pape saint Pie X a offert une brève exposition théologique de la Co-rédemption, enseignant que, par sa maternité divine, Marie mérite par charité ce que le Christ seul, en tant que Dieu, mérite pour nous par stricte justice – à savoir notre Rédemption – et qu’elle est la dispensatrice de toutes les grâces. Il écrit : « Quand vint pour Jésus l’heure suprême, on vit la Vierge debout auprès de la croix, saisie sans doute par l’horreur du spectacle, heureuse pourtant de ce que son Fils s’immolait pour le salut du genre humain, et, d’ailleurs, participant tellement à ses douleurs que de prendre sur elle les tourments qu’il endurait lui eût paru, si la chose eût été possible, infiniment préférable. La conséquence de cette communauté de sentiments et de souffrances entre Marie et Jésus, c’est que Marie mérita très légitimement de devenir la réparatrice de l’humanité déchue, et, partant, la dispensatrice de tous les trésors que Jésus nous a acquis par sa mort et par son sang […]. Du fait que Marie l’emporte sur tous en sainteté et en union avec Jésus-Christ et qu’elle a été associée par Jésus-Christ à l’œuvre de la Rédemption, elle nous mérite de congruo – de convenance –, comme disent les théologiens, ce que le Christ Jésus nous a mérité de condigno – de plein droit –, et elle est le ministre suprême de la dispensation des grâces. »

De même, le pape Benoît XV enseigne, dans sa lettre apostolique Inter sodalicia : « En s’unissant à la Passion et à la mort de son Fils, elle a souffert comme à en mourir… pour apaiser la justice divine ; autant qu’elle le pouvait, elle a immolé son Fils, de telle façon qu’on peut dire qu’avec lui elle a racheté le genre humain. » C’est l’équivalent du titre de « Co-rédemptrice ». Le pape Pie XI, lui, affirme que, de par son lien intime avec l’œuvre de la Rédemption, Marie mérite à juste titre le titre de « Co-rédemptrice ». Et dans son encyclique Mediator Dei, le pape Pie XII souligne l’universalité du rôle de Marie comme dispensatrice de grâce, en disant : « Elle nous donne son Fils et avec lui nous donne tous les secours dont nous avons besoin, car Dieu “a voulu que nous ayons tout par Marie” » (saint Bernard).

L’apport de Jean-Paul II

Le pape saint Jean-Paul II a exposé à plusieurs reprises la doctrine catholique concernant la Vierge Marie et son rôle dans la Co-rédemption et la Médiation de toutes les grâces, utilisant ainsi les titres de « Co-rédemptrice » et de « Médiatrice de toutes les grâces ». Pour n’en citer que quelques-uns, il a dit : « Marie, bien que conçue et née sans la souillure du péché, a participé de manière merveilleuse aux souffrances de son divin Fils, afin d’être Co-rédemptrice de l’humanité » (Audience générale du 8 septembre 1982).

Concernant la vérité qui exprime le titre marial de « Médiatrice de toutes les grâces », le pape Benoît XVI a enseigné dans une homélie de 2007 : « Elle, la Tota Pulchra, “la Vierge Très pure”, qui a conçu dans son sein le Rédempteur des hommes et qui a été préservée de toute tache originelle, veut être le sceau définitif de notre rencontre avec Dieu, notre Sauveur. Il n’existe aucun fruit de grâce, dans notre histoire du Salut, qui n’ait pour instrument nécessaire la médiation de Notre-Dame. » Saint John Henry Newman, récemment proclamé docteur de l’Église par Sa Sainteté le pape Léon XIV, défendit le titre de « Co-rédemptrice » devant un prélat anglican qui avait refusé de le reconnaître. Il déclara : « En vous entendant l’appeler, avec les Pères [de l’Église], Mère de Dieu, Seconde Ève, et Mère de tous les vivants, Mère de la Vie, Étoile du Matin, Nouveau Ciel Mystique, Sceptre de l’Orthodoxie, Mère toute Immaculée de Sainteté, et ainsi de suite, ils auraient jugé que vous rendiez un faible hommage à de telles paroles en refusant de l’appeler Co-rédemptrice. » Le terme « Co-rédemptrice », qui désigne en soi une simple coopération à la Rédemption de Jésus-Christ, a, pendant plusieurs siècles, dans le langage théologique et dans l’enseignement du Magistère ordinaire, revêtu le sens spécifique d’une coopération secondaire et dépendante. Dès lors, son emploi ne pose pas de difficulté majeure, pourvu qu’il soit accompagné d’expressions explicatives soulignant le rôle secondaire et dépendant de Marie dans cette coopération.

Pas de risque sérieux

Compte tenu de l’enseignement sur la signification et le bon usage des titres de « Co-rédemptrice » et de « Médiatrice de toutes les grâces », tel que constamment présenté par le Magistère ordinaire et soutenu par de nombreux saints et docteurs de l’Église pendant une longue période, il n’y a pas de risque sérieux à employer ces titres d’une manière appropriée. En effet, ils soulignent le rôle de la Mère du Rédempteur qui, en raison des mérites de son Fils, est « unie à lui par un lien étroit et indissoluble » (constitution Lumen gentium, Vatican II), étant ainsi également la Mère des âmes rachetées (ibid.). 

(voir également l’éditorial d’Aymeric Pourbaix du n° 3922)