En réalité, la réflexion n’est pas nouvelle. Le terme de « co-rédemption » de Marie apparaît au Moyen Âge, dans le prolongement de saint Bernard, et fait – déjà – l’objet de discussions âpres entre franciscains, très favorables, et dominicains, plus réservés. Il en va de même d’ailleurs pour le dogme de l’Immaculée Conception de Marie, défini des siècles plus tard, en 1854, après un développement laborieux… Le débat sur la co-rédemption, lui, rebondit à la veille de Vatican II, entre ceux qui sont accusés de « mariolâtrie » et de vouloir diviniser la Sainte Vierge, et ceux qui se voient reprocher de « protestantiser » l’Église en mettant Marie sous le boisseau. Le concile choisit de ne pas choisir, en n’évoquant pas la notion.
Le débat est-il clos ?
Dernier développement en date, cette note, qui n’est ni un décret, ni un motu proprio, et encore moins une encyclique, affirme que « l’utilisation du titre de co-rédemptrice pour définir la coopération de Marie est toujours inopportune ». C’est donc tirer le texte de manière abusive et déséquilibrée que de considérer, comme l’ont fait certains médias, qu’il met fin au débat. Si, « compte tenu de la nécessité d’expliquer le rôle subordonné de Marie au Christ dans l’œuvre de la Rédemption » (note MPF n° 22), le temps n’est peut-être pas venu, ou l’étude du sujet pas assez approfondie – ce que veut dire précisément le terme « inopportun » –, la question de Marie co-rédemptrice n’est en tout cas pas tranchée définitivement. De la même façon que le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI et Préfet de la même congrégation, avait considéré, en 1996 et en 2002, que la doctrine n’était « pas mûre », car elle risquait de provoquer « des malentendus ». Notre obéissance à l’Église doit être absolue pour tous les articles de foi. Et toute « question disputée » doit permettre de prendre en compte les contributions diverses, pour une doctrine plus pure.
Ce qui est certain, c’est que Marie n’en garde pas moins une place « unique » – le mot est répété à neuf reprises dans la note – dans le Sacrifice de son Fils. En tant que Mère de Dieu, elle est la « première et la plus grande collaboratrice dans l’œuvre de la Rédemption » (n° 42). Déjà au Ve siècle, saint Augustin utilisait le terme de « coopératrice de la Rédemption ». Et à ce titre, la prière de Marie pour nous a « une efficacité » (n° 38) incomparables.
« L’idéal de l’union la plus intime au Sauveur souffrant »
Question de vocabulaire donc ? Laissons les théologiens contribuer encore à la réflexion. Il reste que la dévotion mariale n’est pas facultative dans la foi catholique, car Marie est un modèle, l’« expression la plus parfaite de [l’] action [du Christ] qui transforme notre humanité » (n° 1). Ainsi, à sa suite, « nous pouvons tous être, d’une certaine manière, des coopérateurs de Dieu » (n° 28). Selon le jésuite Jean Galot, Marie demeure « l’idéal de l’union la plus intime au Sauveur souffrant (…) car elle brûlait du désir d’amener des âmes à son Fils ». Saint Paul lui-même, dans sa Lettre aux Colossiens, résume d’un trait : « Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Église. »





