Éduquer à l'école de sainte Thérèse - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Éduquer à l’école de sainte Thérèse

Docteur de l'église, sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face a laissé une œuvre immense. Mais on oublie qu'elle était aussi une éducatrice hors pair, dont l'approche douce et exigeante n'a rien perdu de son efficacité. À l'occasion de la Semaine thérésienne, entretien avec Louis Pichat, directeur de la Maison d'enfants à caractère social Saint-Maximilien Kolbe, de la Fondation des Apprentis d'Auteuil.
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Sanctuaire Sainte-Thérèse à Paris, où se déroule la Semaine thérésienne, organisée par les Apprentis d'Auteuil.

Sanctuaire Sainte-Thérèse à Paris, où se déroule la Semaine thérésienne, organisée par les Apprentis d'Auteuil.

© Pouteau

Quand on pense à Thérèse de Lisieux, ce n’est pas forcément le mot « éducatrice » qui vient en premier…

Louis Pichat : En effet ! Le thème peut surprendre à plus d’un titre, d’une part car Thérèse décède très jeune, à 24 ans. Or, cet âge correspond généralement au tout début de carrière chez des éducateurs. D’autre part, sa spiritualité a parfois été décrite comme étant à l’eau de rose. Ce terme ne correspond pas au sérieux, à l’exigence, à la cohérence qu’implique le travail éducatif. Pourtant Thérèse apporte des réponses aux interrogations sur le travail et la posture éducatifs.

Que dit sainte Thérèse sur les liens entre l’éducateur et ceux dont il a la responsabilité ?

Elle cherche à consolider la qualité de relation, en veillant à se mettre en lien même avec celles qui sont les plus désagréables et les plus délaissées. Thérèse cherche à avoir des relations identiques avec toutes. Envers une sœur avec qui elle ne s’entendait pas, elle disait : « Je tâchais de lui rendre tous les services possibles et quand j’avais la tentation de lui répondre d’une façon désagréable, je me contentais de lui faire mon plus aimable sourire » (Manuscrit C). Thérèse dit l’importance « d’une parole, un sourire aimable, [qui] suffisent souvent pour épanouir une âme triste ». Le regard est souvent la première étape de la rencontre et pour sortir un jeune de sa solitude ou de sa colère.

L’éducation se fonde aussi sur le respect des règles… à quel point Thérèse y est-elle attachée ?

C’est très important, et elle n’hésite pas à répondre à ceux qui pourraient se montrer négligents. Ainsi, Mère Marie de la Trinité témoignera au procès de canonisation que Sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus « accomplissait scrupuleusement [la foule de petits règlements imposés par la prieure] et m’obligeait à faire de même. » Ainsi des petits morceaux de bois qui peuvent servir à allumer le feu : elle poussait la fidélité jusqu’à ramasser soigneusement les petits bois provenant de la taille de ses crayons…

Cette grande exigence va de pair avec une grande humilité…

Oui, elle est exemplaire en ne cherchant pas la meilleure place, mais en acceptant ou en se proposant pour la dernière. Cette posture rend souvent l’autorité crédible et acceptable. Ainsi du témoignage de Mère Marie de la Trinité au procès, à qui sainte Thérèse disait : « En prenant les plus mauvaises places, on pratique à la fois la mortification pour soi et la charité pour les autres, puisqu’on leur abandonne les meilleures. »

Elle expliqua aussi avoir lu Histoire d’une âme après la mort de la sainte de Lisieux, et avoir été frappée « de la parfaite conformité de cet écrit avec ce qu’elle m’avait raconté et ce que j’avais moi-même observé de sa vie ».

Comment cette histoire peut-elle inspirer un éducateur ?

Le travail éducatif est en recherche d’une cohérence, d’une mise en cohérence par la volonté des paroles et des actes. Ce que révèle le témoignage de Mère Marie de la Trinité, c’est la « perfection et l’attention [que sainte Thérèse] mettait dans tous ses actes ». Ainsi, Thérèse est une personne qui maîtrise sa volonté, qui a le souci des autres, ce qui la rend très lisible.

Quelle limite imposer à l’exigence ?

L’éducation ne doit pas se faire dans un désir de toute-puissance qui pourrait entraîner une blessure ou une aliénation. Thérèse enseigne à être respectueux des limites de celui vers qui nous allons et ainsi lui laisser sa liberté, tout en gardant notre juste place. Cette posture lui permit d’avoir « la même égalité d’âme ; son caractère resta toujours calme et bienveillant », comme le témoignera Marthe de Jésus durant le procès. Sainte Thérèse lui disait même : « Le visage est le reflet de l’âme (…), il doit toujours être calme, comme celui d’un petit enfant toujours content ».

L’éducation passe aussi par la parole. Comment s’y prenait-elle ?

Comme beaucoup d’éducatrices, Thérèse sait qu’il est souvent plus tentant de ne pas parler, que d’avoir une parole de vérité nécessaire pour faire grandir. Alors, avant de parler, Thérèse prend le temps de la prière, du discernement. La parole éducative, une fois posée, formulée, ne se reprend pas. Elle peut rester dans l’esprit ou le cœur de celui qui la reçoit, tel un glaive.

Sa douceur a dû lui servir…

Thérèse a beaucoup appris de ses fragilités. Durant de longues années, elle a souffert de sa sensibilité, de la sensibilité d’être sensible. Elle a essayé de lever le pied, sans succès, vers l’escalier de la perfection. Cette expérience de la fragilité lui permet de comprendre celle de l’autre, de l’accueillir. Elle cherche le chemin et le trouve dans l’Évangile de Celui qui est la Voie, la Vérité, la Vie, Jésus. Elle cherche le sens et la croissance de « l’unique bien, [qui est] d’aimer Dieu de tout son cœur et d’être ici-bas pauvre d’esprit… »