La traite négrière arabo-musulmane - France Catholique

La traite négrière arabo-musulmane

La traite négrière arabo-musulmane

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Tidiane N’Diaye. Le génocide voilé, enquête historique,
Gallimard, 2008, 253 pages dont 8 de photos, 21,50 €.

Anthropologue, spécialiste des civilisations négro-africaines, le Sénégalais N’Diaye publie une étude sur la traite négrière arabo-musulmane, qui dure depuis 13 siècles et aurait touché des millions d’Africains. Très documenté, ce travail s’appuie sur une appareil scientifique complet.

Cette traite aurait commencé en 652, lorsque le général Abdallah ben Saïd a imposé aux Soudanais du Darfour la livraison annuelle de centaines d’esclaves nubiens. Elle s’est poursuivie à travers le Sahara et l’Océan Indien, avec la complicité de potentats africains et arabes. En 1883-84, el Mahdi s’est distingué dans la chasse à l’homme.

Considérés comme des sous-hommes, proches du stade animal, par des historiens comme Ibn Khaldun, les Africains captifs ont contribué à l’économie des pays d’accueil, dans la culture du sucre, des palmiers, l’exploitation minière, et complété les effectifs des troupes ottomanes. Les Zendjs déportés en Mésopotamie se sont révoltés dans les années 690 et 870, ainsi que les tribus Nyassa en 1868. Le roi du Bornou (Nigeria) se plaint des enlèvements ordonnés par le sultan d’Egypte en 1391. Les Mourinides se sont prononcés contre l’esclavage et des femmes du Sénégal se sont sacrifiées en 1819.

A l’inverse de la traite atlantique, qui a duré 3 siècles et a généré en Amérique une diaspora de plus de 70 millions d’hommes, la traite orientale est génocidaire parce qu’elle n’a pas eu de descendance, la plupart des hommes ayant été castrés (un eunuque valait deux fois plus cher) et les enfants des concubines noires éliminés. 20% seulement des enfants survivaient à la castration, pratiquée en Ethiopie ou en Tanzanie, souvent de façon totale.

Tout en condamnant l’exploitation coloniale, les tueries de Madagascar et du Cameroun et la connivence de certains coloniaux britanniques et français, l’auteur reconnaît que la colonisation a mis fin à la traite orientale, en 1846 en Tunisie et Algérie, en 1894 au Congo, en 1920 au Maroc. Le colonel Archinard recueillait les captifs dans les Villages de la Liberté. La Turquie a aboli l’esclavage en 1918, l’Arabie en 1962, la Mauritanie en 1980. Il reste cependant un servage domestique en Mauritanie, des travailleurs forcés dans les Emirats, tandis que le Soudan poursuit l’élimination ethnique au Darfour.

S’appuyant sur les observations des géographes arabes, des marchands d’esclaves et des explorateurs (Livingstone, Stanley, etc.), Tidiane N’Dyane déplore la dissimulation des archives et l’amnésie pratiquée par solidarité religieuse à la conférence de Durban, où seule la traite occidentale appelait repentance. Selon Bernard Lewis, faire référence à l’autre traite est interprété comme un signe d’intention hostile.

Maurice Faivre, le 1er juin 2009

NB. Youtube diffuse un interwiev très convaincant de l’auteur.