Nous célébrons ces jours le cinquième anniversaire de The Catholic Thing. Une ribambelle de frères et sœurs, sous la houlette de Robert Royal, a lancé ce nouveau journal sur la toile, sans la certitude qu’il pourrait durer plus d’une saison ou deux. Et nous y sommes encore, grâce à l’élan de Bob, et nos rangs s’étoffent de rédacteurs doués entourés par une communauté de lecteurs qui s’est constituée autour de notre journal.
Certains d’entre nous avaient participé à Crisis, le magasine fondé par Michael Novak et Ralph McInerny. Crisis répondait à une crise de notre culture qui s’aggravait sous l’effet de la politique et des lois sapant les convictions morales de l’enseignement catholique et la vie de l’Église.
Alors que nous marquons ce cinquième anniversaire, qui d’entre nous pourrait nier que la crise n’a fait qu’empirer ? Lorsque paraîtra, dans deux semaines, mon prochain article, nous saurons si l’institution du mariage dans notre pays aura survécu aux arrêts de la Cour Suprême. Le mieux que nous puissions souhaiter serait que la Cour laisse la question aux débats de l’arène politique, le peuple américain restant libre de régler le problème par la loi. Mais, nous le savons bien, viendront alors les pires rancœurs et des discordes empoisonnées, dans une population qui semble avoir perdu ses repères sur la signification du mariage, et même sur les questions sexuelles.
Lors d’une récente cérémonie à la mémoire de Robert Bork [juriste décédé en décembre 2012] le juge Raymond Randolph citait une conversation téléphonique quand l’ancien élève de Bork, Bill Clinton, fut élu président des États-Unis. « il y a un temps pour combattre — et un temps où il faut quitter le pays.» Les choses ont évolué de telle façon que nous pouvons considérer l’époque de Clinton comme « le bon vieux temps ».
The Catholic Thing a vu le jour au milieu de l’année où fut élu Barack Obama. Et re-…, on a eu sa réélection ponctuée par une stratégie visant à marquer davantage les lignes de faille dans la politique du pays et les axes de conflit moral avec l’Église catholique. Même les observateurs politiques les plus aguerris eurent peine à croire que la Maison Blanche sous Obama entrerait délibérément en conflit avec l’Église catholique et ses fidèles en rendant obligatoire par la loi la couverture de l’assurance-maladie sur la contraception et l’avortement.
On ne peut comprendre l’impudeur de la manœuvre que par l’arrière-pensée politique selon laquelle l’Église ne saurait maîtriser la majorité des catholiques au sujet de la contraception, et peut-être même une petite majorité quant à l’avortement. Mais à cet aspect crûment politique s’ajoute la contradiction issue d’une culture corrompue ou simplement abrutie : comment alors expliquer pourquoi une position politique ayant pour objectif d’empêcher les femmes de tuer leurs propres enfants, y-compris les filles, pourrait être prise sérieusement par une large tranche de population comme une « agression contre les femmes » ?
Mon ami George Weigel préparait récemment un mémo pour le conseil de rédaction du journal First Things (« L’essentiel »), remontant à plus de vingt ans sur ce projet lancé par le Père Richard Neuhaus. Il rappelait que le Père Neuhaus pouvait s’adresser à un large éventail de gens religieusement engagés. Le Père Neuhaus dans son discours inaugural avait déclaré : « Si l’expérience de démocratie représentative de l’Amérique ne s’appuie pas sur la religion de la bible, elle ne s’appuiera pas sur ce que l’immense majorité des Américains considère comme la source de la morale.»
Mais le choc vient de ce que nous n’avons plus la certitude, comme le Père Neuhaus il y a vingt ans, que la majorité du peuple nous suivrait sur le plan de la religion et de la morale. À ce sujet Weigel relève comme un signe alarmant la montée du nombre des « Sans » dans les sondages relatifs à la religion. Cette catégorie, note-t-il, a terriblement grossi, dépassant maintenant les vingt pour cent. Elle a de plus pris de l’importance politique, formant la tendance identifiable la plus importante du Parti Démocrate.
Nous considérions habituellement que le peuple américain n’approuvait pas l’éthique répandue dans les milieux académiques depuis la fin des années 1960. C’est peut-être encore le cas, mais cette soi-disant « élite » a fait preuve d’une grande habileté en se faufilant pour poser son empreinte dans les facultés de Droit, dans les tribunaux et dans les grands milieux de l’information.
Et pourtant… c’était une des conclusions du Père Neuhaus : « il est encore temps de renverser la vapeur ! » Nous n’avons jamais perdu espoir. Je marquais dans un article l’an dernier un des principaux signes d’espérance : l’arrivée d’une nouvelle génération de jeunes prêtres, fidèles à la doctrine, l’esprit vif et entraînant, doués pour inspirer les jeunes et préserver la confiance des plus anciens.
Même aux pires moments pensons à l’attitude de Charles Ryder dans Brideshead Revisited, il était désespéré, et sort de la chapelle tout ragaillardi ; un militaire passant à côté lui dit : « Vous avez l’air spécialement joyeux aujourd’hui. »
Eh bien, nous le sommes aussi, aujourd’hui, à « The Catholic Thing ».
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/looking-unusually-cheerful-today.html