« Une lumière dans la famille » - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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« Une lumière dans la famille »

Enfant, la princesse Ioana Ghika a connu Mgr Vladimir Ghika, dont la famille entretient pieusement la mémoire. « Il a choisi, dit-elle, la voie escarpée de la souffrance. »
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Que signifie pour vous le fait d’être de la famille de Mgr Ghika ?

Ioana Ghika : C’est à la fois une obligation et une fierté. On ne peut pas se « vanter » d’avoir un martyr dans la famille. Il serait déplacé de dire : « Voilà, mon cousin, ou mon oncle, est mort en prison pour avoir témoigné de sa foi en Dieu. » Mais il reste une lumière pour chacun de nous. Un doux fardeau, car on se sent tout petit face à son sacrifice. Vladimir Ghika savait que la tourmente allait se lever, il aurait pu fuir le communisme. Le roi et son frère, diplomate et ancien ministre, lui ont offert de quitter la Roumanie mais il a refusé de se mettre à l’abri. Il répétait : « Dieu donne à ceux qui se donnent. » Il a choisi le chemin étroit, la voie escarpée de la souffrance. Au nom de Jésus, il a subi le martyre de la prison et la fin dans la torture. C’était la voie vers la lumière du Christ, une autre façon de choisir la crucifixion.

Il a dit, lors de sa conversion au catholicisme : « Je me suis fait catholique pour être plus orthodoxe. » Comment le comprendre ?

C’est un jeu de mots. Je pense qu’il voulait dire que, pour mieux servir l’Église catholique, il fallait conjuguer ces deux notions grecques : ortho (droit) et doxa (enseignement). Pour lui, ces deux notions résumaient la façon dont on doit servir Jésus.

Quel souvenir personnel gardez-vous de lui ?

Je ne l’ai rencontré qu’une fois, quand j’étais enfant. Je me rappelle une personne douce et souriante, qui s’est penchée vers moi et m’a caressé le front. J’ai ressenti son geste comme une bénédiction. Ceux qui l’ont bien connu évoquaient sa patience, son humilité, sa faculté de mettre à l’aise son interlocuteur : on avait envie de le revoir ! On racontait sa mission dans les quartiers pauvres de Paris. Il y rencontrait des gens qui menaient une vie de misère et qui avaient perdu la foi. Beaucoup ont retrouvé le chemin vers Dieu. On évoquait aussi sa visite au Japon, en 1932. L’empereur Hirohito et l’impératrice lui avaient confié leur peine de ne pas avoir de fils. Mgr Ghika leur a demandé la permission de les bénir. Le protocole de la cour impériale japonaise interdisait alors qu’on approche l’empereur mais Hirohito a accepté d’être béni. Neuf mois plus tard, venait au monde le futur empereur, Akihito.

Comment la société roumaine rend-elle hommage à son sacrifice ?

Le fléau communiste a réduit au silence la société roumaine pendant quarante-cinq ans. Longtemps on n’a pas eu le courage de prononcer les noms des martyrs de l’ancien régime. Mais après la chute de la dictature, l’Église catholique a entrepris de commémorer le sacrifice de ses apôtres contemporains. Comme tant d’autres victimes du régime communiste, Mgr Ghika est un splendide exemple de la lutte pour la défense de la foi. Sa béatification, en 2013, a été un temps fort de cette réparation historique.
La jeune génération connaît son martyre, mais la société moderne est peu désireuse de renoncer au confort du XXIe siècle. C’est pourquoi il faut rappeler continuellement que la voie du Christ passe aussi par les privations, voire le sacrifice. Nous devons rappeler sans cesse ce qu’ont subi Mgr Vladimir Ghika et tous ceux qui ont suivi son exemple dans la foi chrétienne.

Lui-même a laissé des écrits qui n’ont pas été confisqués lors de son arrestation. Ses Pensées pour la suite des jours constituent un guide spirituel. On l’ouvre au hasard et l’on tombe chaque fois sur des pensées qui fortifient la foi ! On ne pourra jamais ignorer son sacrifice.