Le jansénisme, une hérésie très politique ? - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Le jansénisme, une hérésie très politique ?

L’hostilité irréductible entre jansénistes et jésuites fut une profonde tragédie dans l’histoire de l’Église, aux lourdes conséquences.
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Depuis la Réforme, la question de la grâce, prétendument réservée à une poignée d’élus, agite la chrétienté. En son centre, l’interprétation de saint Augustin. Mgr Cornelius Jansen, évêque d’Ypres, achève, en 1638, à la veille de sa mort, l’Augustinus, pavé censé mettre le docteur d’Hippone à la portée de tous. Personne ne s’en serait infligé la lecture si les ennemis de l’auteur ne lui avaient fait une publicité inespérée. Jansen, sujet espagnol, déteste la France contre laquelle il a publié un pamphlet dénonçant son soutien aux réformés. Et il éprouve aussi une profonde aversion contre les jésuites.

L’Augustinus n’est pas paru que les jésuites, qui ont réussi à voler un jeu d’épreuves du livre et qu’ils dénoncent à Rome, l’accusent d’hérésie ; Urbain VIII interdit l’ouvrage, ce qui n’empêche pas sa diffusion, le livre étant déjà en vente en France grâce au meilleur ami de Jansen, l’abbé de Saint-Cyran. Succédant à François de Sales, mort en 1622, Saint-Cyran dirige Mère Angélique Arnauld, célèbre pour avoir réformé son couvent de Port-Royal alors qu’elle était une jeune abbesse de dix-sept ans. Port-Royal est alors devenu le centre d’une élite pieuse et d’hommes fervents, retirés du monde pour vivre en « solitaires » autour d’un neveu de Mère Angélique, l’abbé Antoine Arnauld, dit le Grand Arnauld.

« Les Provinciales »

Il se fait l’avocat des thèses jansénistes contre la Compagnie de Jésus car cette dernière encourage la communion fréquente, jugée sacrilège, personne n’étant jamais assez pur pour s’approcher de l’Eucharistie. Les jésuites contre-attaquent, relèvent dans l’Augustinus cinq propositions dont ils réclament la condamnation par Rome et la Sorbonne, ce qui aboutit, en 1656, à l’expulsion d’Arnauld et ses amis de l’Université. Juste après cette condamnation, Pascal publie, en janvier 1656, la première Provinciale , chef-d’œuvre et machine de guerre contre les jésuites inventeurs, selon lui, d’une hérésie fabriquée pour perdre leurs opposants. Ainsi commence une lutte inexpiable entre d’excellents catholiques qui s’acharneront mutuellement à se détruire.

Germes frondeurs

Il est difficile aujourd’hui de comprendre comment cette doctrine a suscité tant de passions. Sauf à prendre en compte l’aspect politique qui prévalut d’emblée. Jansen et Saint-Cyran s’opposant à Richelieu puis à Mazarin, leurs partisans basculèrent du côté de la Fronde, ce que Louis XIV ne leur pardonna pas. En 1660, il exige du clergé la signature d’un formulaire réfutant les propositions condamnées. Les jansénistes, soutenant qu’elles ne figurent pas dans l’Augustinus, refusent de signer, à l’instar des religieuses de Port-Royal qui entament avec le roi et l’Église un bras de fer. Dispersées, privées de sacrements, elles s’arc-boutent sur leurs positions. Il faut une intervention du pape Clément IX pour apaiser les tensions.

Effets néfastes de cette doctrine

Cette paix de l’Église est brève (1668-1679) mais correspond aux plus belles années de Port-Royal, tant sur le plan spirituel qu’intellectuel. Les grandes figures de la famille Arnauld, Pascal, Racine, Marin Marais, Le Maistre de Sacy et tous ceux qui gravitent autour de Port-Royal, souvent admirables, ne doivent pas, cependant, faire oublier les effets néfastes de leur doctrine : éloignement de l’Eucharistie par respect mal compris, mépris de la dévotion mariale, puis du culte du Sacré-Cœur.

Retrouvez l’article complet dans notre numéro spécial.