Un homme qui ne ressemble à personne - France Catholique
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Léon XIV un pape spirituel et missionnaire
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Un homme qui ne ressemble à personne

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Depuis plusieurs mois, je fais quelque chose que, à ma connaissance, personne d’autre, aux États-Unis ne fait. J’apprends à lire le gallois et commence par le Nouveau Testament.

Cela ne me rend pas unique. Les gens font des choses extraordinaires tout le temps ; être extraordinaire d’une manière ou d’une autre, c’est d’un banal.

Mais quand on traite les paroles de Jésus une à une, comme des énigmes, même si on sait ce que dira le verset, on s’aperçoit que les mots ordinaire et extraordinaire ne décrivent pas Jésus.

Bien sûr que Jésus se situe à une position extrême dans un éventail de professeurs du monde antique. Il enseigne « avec autorité », comme l’ont dit les gens, qui étaient étonnés, déconcertés, même. Il ne s’incline devant aucun prophète ou roi, pas même devant Moïse. Il n’essaie pas de démontrer aux gens l’intérêt d’un comportement bienveillant, comme Bouddha, et il n’adopte pas non plus les traditions d’un honnête homme, comme Confucius.

Il nous faut imiter Jésus, mais Jésus ne nous imite jamais. Il connaît le cœur de l’homme, nous dit Saint Jean, et il nous ressemble en toute chose hormis le péché, nous dit Saint Paul, et il compatit à nos faiblesses, nous dit l’auteur de la Lettre aux Hébreux, mais cela donnerait l’impression de blasphémer si l’on faisait à Jésus un compliment, si nous disions qu’il est doué d’une perspicacité extraordinaire. Comme si l’on pouvait dire que la lumière est d’une clarté extraordinaire ou que la beauté est d’une splendeur extraordinaire.

J’ai beaucoup de mal à dire qu’il n’y a personne dans l’histoire du monde à qui Jésus ressemble, malgré le fait que de nombreux saints, par la grâce de Dieu, en viennent à ressembler à Jésus. Le Seigneur est unique. Les grandes choses qui lui sont associées le sont aussi. Il n’existe rien dans le monde antique qui ressemble aux Évangiles – pas même les piètres imitations que sont ces idioties de faux évangiles.

Rien au monde ne ressemble à la Personne ou aux événements qu’ils décrivent. Les merveilleuses lettres de Saint Paul sont uniques. Unique la transformation de gens ordinaires en saints qui brûlent de répandre la Bonne Nouvelle ; unique le genre de gens qu’ils sont devenus. Même le Suaire de Turin est unique : il n’existe pas d’objet antique qui lui ressemble, et rien qui ne s’en rapproche.

Donc en ce moment, je lis les Évangiles lentement, en gallois, et suis contraint de m’attarder sur des mots qui en anglais me passent trop vite sous les yeux. « Quand vous faites l’aumône, dit Jésus, ne faites pas sonner une trompette devant vous, comme le font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, pour être honorés par les hommes. En vérité, je vous le dis, ils ont leur récompense. Mais quand vous faites l’aumône, que votre main gauche ne sache pas ce que fait à ce moment-là votre main droite. »1

Si nous entendons correctement ces paroles, nous allons connaître le choc de paroles totalement inattendues, mais qui, lorsqu’elles sont prononcées, et si nous sommes imprégnés de la sagesse de la loi et des prophètes, résument de manière frappante l’Ancien Testament tout entier, même si personne dans l’Ancien Testament ne dit rien de semblable.

Et les païens de l’Antiquité ? Aristote faisait l’éloge de la vertu de magnificence, consistant à accomplir des actes d’une grandeur visible, en particulier en affichant publiquement leur générosité, parce que pour lui, il était évident que les hommes recherchent les honneurs. Le tout petit maire d’un trou perdu veut imiter Jules César — il trouve que Trifouillis les Oies est en piteux état à son arrivée, et à la fin de son mandat, il l’a transformé, sans doute pas avec du marbre, mais au moins avec des dalles qui brillent, de nouveaux trottoirs, et il veut également être vu et connu pour cela, alors il scelle une jolie plaque commémorative sur la place du village.

Mais il y a Jésus, qui dit : Na wyped dy law aswy pa beth a wna dy law ddehau : Que ta main gauche ne sache pas ce que fait en ce moment ta main droite. Personne n’a jamais rien dit de semblable.

Arrêtons-nous un instant. Ne présumons pas qu’il s’agisse d’une métaphore « extraordinaire « exprimant une sagesse « extraordinaire ». Admettons plutôt que ce Jésus unique, en disant cette chose jamais dite, l’a exprimée de façon unique. Alors nous ne réduirons pas cette métaphore à quoi que ce soit qui ressemble au bon sens « Chrétien ».

Alors nous ne dirons pas: « Jésus recommande de ne rien dire quand nous faisons l’aumône. » Après tout, il existe une manière de gagner l’approbation des hommes en silence, et ainsi de multiplier par deux le plaisir, en jouissant de la gloire de notre générosité, tout en sachant que ceux qui en bénéficient ne peuvent nous accuser d’orgueil.

Non, si la main gauche ne doit pas savoir ce que fait la main droite, il faut prendre soin de dissimuler ses bonnes actions au public le plus flatteur et le plus flagorneur, c’est-à-dire nous-mêmes. Comment faire ? Nous reprochons aux disciples d’être lents à comprendre Jésus, et nous avons raison, ils étaient lents. Sommes-nous plus rapides ? Et n’avaient-ils pas de bonnes raisons d’être lents ? Comment pouvons nous nous cacher à nous-mêmes ? Comment ne pas savoir ce que nous savons ?

Je n’arrive pas à répondre à ma propre question, mais Jésus, Lui, nous indique où doit se trouver la réponse. « Votre Père, dit-il, qui voit en secret vous récompensera ostensiblement. » Il nous faut être, a-t-Il dit, comme ce Père qui fait tomber sa pluie sur les justes et ceux qui ne le sont pas, dans les mystères de Sa sagesse et de Sa providence.

Voici le Père qui voit les recoins du coeur. Il est le Dieu qui désire demeurer dans ces recoins : enlever le coeur de pierre, même si c’est de la pierre de marbre brillant, et le remplacer par un coeur de chair, un coeur qui bat au rythme de Sa vie.

Si nous devons recevoir une récompense, quoi de mieux que Dieu Lui-même ? Donc Jésus ne nous met pas seulement en garde contre l’ostentation. Il nous invite à nous en remettre totalement au Père, pour ne pas demeurer dans notre connaissance ignorante, et dans notre générosité aliénante.

C’est un appel à une nouvelle naissance. Et cela, qu’est-ce que c’est ? Pouvons-nous commencer à faire ne serait-ce qu’un ou deux pas dans cette direction ?


Anthony Esolen est professeur, traducteur et écrivain Son tout dernier livre s’intitule Dix Manières de Détruire l’Imagination de Votre Enfant. Il enseigne à l’Université Providence.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/a-man-like-no-other.html

Tableau : Jesus s’assied au bord de la mer et prêche – James Tissot, c. 1890

  1. NDT : Traduction originale, au plus près du texte anglais, pour illustrer le propos de l’auteur.