Un battement de cœur - France Catholique
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Un battement de cœur

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Dans un certain nombre d’États [NDT: des États-Unis] les parlements ont entamé une bataille en vue d’étendre les droits des enfants à naître. Des lois régulant ou limitant les avortements à partir de l’instant où l’on détecte les battements de cœur du fœtus ont été proposées dans l’Ohio et autres États. Cette proposition a soulevé la controverse parmi les mouvements pro-vie. Favorable à cette législation, j’aimerais en exposer la logique. Tout d’abord, trois domaines à explorer : 1) la preuve scientifique que le fœtus est viable, 2) la doctrine actuelle de la Cour Suprême, et 3) l’historique des succès du mouvement pro-vie. Des études récentes sur les grossesses montrent que 30% des grossesses naturelles se terminent par une fausse couche spontanée, mais moins de 5% à partir du moment où l’activité cardiaque du fœtus est détectable. Un contraste analogue est constaté dans le cas fort risqué de fertilisation in vitro. Près de 90% d’embryons conçus « in vitro » ne survivent pas lors du premier trimestre en l’absence d’activité cardiaque dans le nid de gestation alors que plus de 90% survivent le premier trimestre si on a détecté une activité cardiaque. On ne peut dire précisément à partir de quand le fœtus est viable, mais l’activité cardiaque débute à un moment biologiquement identifiable, quand le cœur formé dans le nid de gestation, typiquement entre la cinquième et la sixième semaine de grossesse. Par conséquent le battement du cœur du fœtus est un repère-clé de prédiction qu’un humain à naître sera viable et donc naîtra. Selon certaines positions de la Cour Suprême l’intérêt de l’État à protéger une « vie potentielle » réside dans la « faculté du fœtus à vivre en autonomie hors du sein de sa mère ». Jusqu’à présent la Cour Suprême a déclaré viable un fœtus ayant atteint ce point, mais la définition de « vie significative » ou « vie autonome » n’est que la prédiction que l’enfant pourrait survivre. La viabilité est cependant un repère bien imprécis pour évaluer les chances de survie. Tout d’abord, il n’y a pas de consensus médical pour dire quand la viabilité peut être déclarée. Pour déterminer la viabilité, il faut procéder à des séries d’examens fort élaborés et de savantes interprétations. Par contre on détecte aisément les battements du cœur par l’examen médical transvaginal aux ultra-sons. Le cœur bat — ou ne bat pas. Les grands prématurés « viables » (22-26 semaines) ont un fort pourcentage de mortalité. Les prématurés à 26 semaines ou au-delà ont besoin de soins de très haut niveau, intensifs, coûteux. D’évidence la méthode la plus efficace pour assurer une « vie autonome hors du sein de la mère » est la naissance à terme, et le battement du cœur du fœtus est le meilleur repère médical pour prédire cette éventualité. Pourquoi alors la Cour admet-elle qu’un État peut interdire les avortements au-delà de la limite de viabilité, sauf à garantir que l’enfant sera alors gardé jusqu’à terme? Autrement dit la limite de viabilité n’a aucun sens. Voyons: la Cour a déclaré que si un enfant est apte à survivre hors du sein de sa mère, l’État peut obliger la mère à le garder jusqu’au terme. Sinon, elle a le droit de s’en débarrasser. Mais on marche à reculons. Si un État a intérêt à protéger la « vie potentielle », comme la Cour l’admet, il devrait être en mesure de prescrire cette protection avant le franchissement du seuil de viabilité, et l’unique méthode possible est de laisser l’enfant grandir dans le sein de sa mère. En revanche, si l’enfant est déclaré apte à vivre hors du sein de sa mère, et si elle a le droit de mettre fin à sa grossesse, pourquoi l’obliger à garder son enfant? Ce qui aboutit à un conflit entre « droits » que la loi n’a jusqu’à présent pas dissipé. Il nous reste alors une seule conclusion: la naissance naturelle à terme est la meilleure garantie de survie, et le battement du cœur du fœtus en est la meilleure prédiction. Protéger l’enfant à naître dont le cœur se met à battre ne signifie nullement qu’il n’y a pas un être humain avant cet instant, de même qu’interdire les avortements tardifs n’implique pas que d’autres méthodes de suppression d’un enfant seraient moralement acceptables. Enfin, regardons l’historique des réussites du mouvement pro-vie: chacune a été une victoire progressive contre un monde judiciaire hostile. Cependant certains pensent qu’on ne devrait pas faire passer une loi susceptible d’être censurée par la Cour, mais seulement une loi inattaquable. Façon étrange de protéger l’enfant à naître. Ce qui revient à accepter le statu-quo. Il n’y aura pas de victoire tant qu’on laissera la majorité des enfants à naître courir un risque. De plus, une telle stratégie attentiste va à l’encontre de l’histoire. Les Cours ne changent jamais sans y être incitées. En 1995 l’Assemblée de l’État de l’Ohio vota une loi interdisant les avortements tardifs. Une Cour fédérale censura cette loi. Mais l’État du Nebraska ne resta pas inerte et vota sa propre loi interdisant les avortements tardifs. En 2000 la Cour Suprême invalida la loi du Nebraska. Mais le Congrès ne fut pas inactif. En 2003 il vota une loi fédérale interdisant les avortements tardifs et invita la Cour à changer d’attitude. Ce qu’elle fit, et les avortements partiels sont désormais illégaux. Voici quelques années la ville d’Akron (Ohio) adopta un arrêté rendant obligatoires un consentement formel, un délai de réflexion et l’autorisation parentale pour les mineures voulant avorter. La Cour Suprême déclara cet arrêté inconstitutionnel. Mais d’autres États ne cessèrent d’inciter la Cour Suprême à changer d’attitude. Ce qu’elle fit. Désormais l’Ohio et la plupart des États ont des lois requérant un consentement formel, un délai de réflexion et le consentement ou l’autorisation formelle des parents. Les lois limitant les avortements étaient soumises à des tests minutieux. Actuellement on vérifie qu’elles ne comportent pas de clauses excessives. Les Cours pouvaient retoquer un texte entier limitant les avortements si elles y trouvaient un article discutable. Ce n’est plus le cas. Les contestataires pro-vie étaient exposés à des poursuites au nom de l’Acte Racketeer Influenced and Corrupt Organizations (Organisations de racket et de corruption). Plus maintenant. Les lois faisant référence au battement de cœur fœtal peuvent être rejetées aux premières tentatives, mais elles influeront sur les termes du débat dans le langage propre de la Cour Suprême. C’est ainsi qu’avance le progrès.
David Forte est professeur de Droit à l’Université d’État de Cleveland (Ohio).