Toujours les jeunes - France Catholique
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L'Église dans l'attente
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Toujours les jeunes

Il y a en France une jeunesse désorientée, qu'aucune institution n'a su préparer à l'avenir et qui fait peur. Le phénomène doit être pris très au sérieux, même s'il mérite d'être relativisé.
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C’est une crise de début de siècle. À Paris et dans sa banlieue comme dans les grandes villes de France, les jeunes, en bandes, font peur. Les incidents se multiplient : rixes entre groupes rivaux, provocations face aux forces de l’ordre, délinquance allant jusqu’au viol collectif, en pas­sant par toutes sortes de trafics.

Inévitablement, les médias se focalisent sur les incidents les plus spectaculaires. Leur médiatisation provoque de nouvelles flambées de vio­lence, par un phénomène d’émulation entre les quartiers et les villes. Débordés, les pouvoirs publics échafaudent la riposte. Le dispositif répressif se durcit tandis qu’on stigmatise l’indulgence de la justice. Les jeunes font peur : on n’en finit pas d’en débattre. Qu’ont fait les parents, l’école, l’État ? Ces jeunes gens ont de 15 à 20 ans ; ils ont des codes vestimentaires qui leur tiennent à cœur : ils s’identifient par certains tatouages, une façon de porter la casquette et leur coupe de cheveux.
Ce début de siècle, c’est celui du siècle dernier. Car c’est en 1902 que ces bandes de jeunes ont semé la panique à partir de Ménilmontant et de Belleville, à l’est de Paris. Ils ont été nommés Apaches. Le mot aurait fusé chez un policier stupéfait par l’arrogance d’un chef de bande. Puis il a été revendiqué par tous les délinquants. On les estime à 30 000. L’irruption de cette crise est souvent attribuée à la régression de la religion.

La Grande Guerre fera passer la société à d’autres peurs, et des drames bien plus terribles. Il faudra attendre ensuite les blousons noirs pour retrouver ces vieux fan­tômes et de nouveaux dé­bats sur, par exemple, l’in­terdiction du Rock’n’roll, avant les sulfureuses Rave parties puis les apéros géants. L’épopée des Apaches a donné le célèbre film Casque d’or, avec Simone Signoret. Aujourd’hui ce ne sont pas des fiacres qu’on caillasse, mais des autobus. C’est même un train entier dont 60 jeunes ont terrorisé les voyageurs entre Fréjus et Cannes en septembre dernier.
Les bandes qui font peur sont plus colorées que celles du début du XXe siècle, et leurs codes vestimentaires ont évolué, mais elles nous placent devant le même sentiment d’impuissance. Avouons que pour la génération dorée du jeunisme (celle des quadra et quinqua d’aujourd’hui : une génération à laquelle on demandait avec respect son avis, comme si le jeune âge conférait alors la science infuse) la situation de la nouvelle génération n’est guère enviable.

Faire peur n’est pas un programme pour la vie. Hélas, dans les enquêtes d’opinion, c’est « la rencontre avec une bande de jeunes excités » qui fait le plus peur à une majorité de Français, bien avant les promeneurs de Pit-Bulls et les ivrognes. Qu’une tranche d’âge soit quasiment assimilée à un rebut de la société sous la désignation de « racaille » pose bien sûr, d’abord, la question de la responsabilité des adultes. Les éducateurs qui osent rencontrer ces jeunes ne cessent de nous alerter : « Qui les écoute ? Qui leur fixe des limites ? Qui les aime ? »

Le phénomène n’est pas propre à la France ni à notre époque : les Britanniques, plus encore, voient dans cette jeunesse particulière une menace, et on trouve sur Internet beaucoup de citations très anciennes (trop souvent apocryphes cependant) sur l’éternelle incivilité des jeunes gens. Ce serait le propre d’une société vieillissante d’avoir peur de ses jeunes. Quant à ces jeunes eux-mêmes, selon les sondages, ils disent avoir peur… principalement de l’avenir !