Thriller archéologique - France Catholique
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Dieu le Père. Un amour tendre et exigeant
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Thriller archéologique

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J’imagine que les mots « thriller » et « archéologique » étaient rarement associés l’un à l’autre avant la sortie des Aventuriers de l’arche perdue. Des générations de cinéphiles ont grandi avec les exploits d’Indiana Jones, envoûtés par ses prouesses défiant la mort et fascinés par ses (souvent) nobles sacrifices au nom de son musée et, plus généralement, du monde civilisé dans son ensemble.

Pourtant, même avec trois suites et une série télé dérivée, la production fictionnelle de Jones n’a pas encore changé l’idée que l’archéologie, en réalité, est plutôt quelque chose de rasoir.

Peut-être, mais je connais au moins une exception.

Exactement au même moment où Harrison Ford était censé libérer l’Arche de l’Alliance de l’emprise des Nazis, se déroulait une aventure réelle qui mettait aussi en scène des reliques, une intrigue et des tombeaux anciens : la chasse au lieu de repos final du Pêcheur, le premier pape. John Evangelist Walsh a écrit un livre à ce propos, Les ossements de Saint Pierre (1985), et ma femme m’en a récemment offert une réédition : « J’espère que tu apprécieras de le relire. » Elle a eu raison.

L’histoire est assez simple, mais pleine de suspens. La vieille tradition catholique a toujours localisé le martyre et l’enterrement de saint Pierre dans le sous-sol du Vatican et le lieu du repos final de ses ossements quelque part en dessous du maître-autel de la basilique — un testament qui correspond à la déclaration de Jésus selon laquelle Il bâtirait Son Église « sur cette pierre (petros). » (Mt. 16 : 18) Lors de rénovations de la crypte en 1939, on a découvert une série d’anciens tombeaux et la marque de tombes. Le Pape Pie XII autorisa alors des recherches plus poussées.

Certainement, le Saint-Père avait dû être prudemment optimiste sur le fait que les experts allaient découvrir les restes de Pierre là où la tradition les avait toujours localisés et qu’il y aurait suffisamment de preuves empiriques pour qu’on ait un argument solide qui irait au-delà de la foi et de la piété. Mais en même temps, il était prêt à prendre le risque que la science contredise la tradition — un acte, en soir, d’immense courage.

Lorsque les chercheurs se mirent à creuser dans la nécropole souterraine, ils découvrirent de plus en plus d’images et de graffitis chrétiens, mais aussi des obstacles – et pas seulement des canalisations qui prenaient l’eau dans les murs. Il y avait des conflits de personnalités et des rivalités entre les chercheurs, des incidents mineurs et des bourdes majeures, sans parler des prémices d’une guerre mondiale.

Enfin, on finit par découvrir les restes de l’Apôtre et ce, à l’endroit exact que la tradition avait toujours indiqué : juste en dessous du maître-hôtel. En 1968, le Pape Paul VI annonça au monde entier que les restes de l’Apôtre avaient été découverts.

« Évidemment qu’ils ont été trouvés en dessous du maître-hôtel, contestèrent les sceptiques. A quel autre endroit des archéologues catholiques travaillant sous les ordres du Pape auraient-ils pu trouver les ossements de Saint Pierre ? » Il y avait à ce moment-là beaucoup de ronchons et les universitaires continuent aujourd’hui encore à se quereller autour de l’authenticité de la tombe et de ce qu’elle contient.
Et alors ? Est-ce que cela a une importance ?

Permettez-moi de voir les choses sous un autre angle en vous parlant d’un livre pour enfant, le classique From the Mixed-Up Files of Mrs. Basil E. Frankweiler, récompensé par la médaille Newbery. Il s’agit de l’histoire d’un frère et d’une sœur fugueurs qui découvrent ce qu’ils pensent être un secret concernant une statue controversée de Michel Ange. Est-elle fausse ? Est-elle réelle ? Claudia et Jamie pensent savoir et partent à la recherche de Mme Frankweiler, la propriétaire d’origine, pour lui en parler.

En fin de compte, leur preuve décisive n’est pas aussi décisive qu’ils le croyaient, et même la preuve plus tangible de Mme Frankweiler (une esquisse de la statue dans les mains de l’artiste) est remise en question. Elle dit aux enfants que la plupart des universitaires admettront que les œuvres sont authentiques, mais « les plus têtus ne seront pas d’accord, » et que dès lors, la statue et l’esquisse apparaitront dans les livres avec un grand point d’interrogation.

Claudia comprend que Mme Frankweiler s’est résignée et décide alors d’enquêter plus en détail et lui demande pourquoi elle ne veut pas que « la dernière petite ombre de doute ne soit levée. » On peut presque entendre le lourd soupir du mécène et sa simple justification : « Parce que j’ai quatre-vingt-deux ans. Voilà pourquoi. »

Revenons maintenant aux ossements de Pierre : sont-ils authentiques ? Est-ce vraiment sa tombe ? La preuve est irréfutable, le pape l’a confirmée et j’y crois (je n’ai aucune raison de ne pas le faire).

Mais ma foi serait-elle ébranlée si de nouvelles découvertes devaient inverser le poids des preuves en faveur d’autres conclusions ? Aurions-nous à douter de l’autorité du pape ? A douter de l’Église elle-même ? N’avons-nous pas besoin d’avoir des certitudes – pour reprendre les termes de Claudia, de lever la dernière petite ombre de doute ?

Non. Pourquoi ? Parce que les Évangiles n’ont pas pour but de mettre fin au doute. Au contraire, l’Église a un autre projet : un projet de foi, d’espérance et d’amour. Nous ne pouvons pas prouver qu’il s’agit des ossements de Pierre ou que Pierre a été le premier pape ; nous ne pouvons pas prouver la succession apostolique ni la transsubstantiation ; nous ne pouvons pas prouver l’Incarnation ni la Résurrection. Mais pourquoi le voudrions-nous ? Une foi faite uniquement de preuves ne peut être une vraie foi et, par ailleurs, les Évangiles parlent avant tout d’amour – et on ne peut prouver l’amour.

On peut cependant le montrer, et c’est l’héritage authentique que nous laisse Pierre. Après avoir royalement cafouillé à de multiples reprises, Pierre a fini par rencontrer son Seigneur ressuscité sur le rivage. Par trois fois, Jésus lui a demandé de réaffirmer son amour, et par trois fois, l’apôtre l’a fait, mais les mots ne suffirent pas – l’action était requise, l’ultime action.
« En vérité, en vérité, je te le dis, […] quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas. » Il signifiait, en parlant ainsi, le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu. Ayant dis cela, il lui dit : « Suis-moi. » (Jn. 21 : 18-19)
Tandis que Pierre dit à Jésus dans un autre passage (Jn. 6 : 68) : « Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. »
L’amour nous invite aussi à le suivre, avec ou sans ossements. Notre propre récit d’aventures peut attendre.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/archaeological-thriller.html

Photo : La tombe de saint Pierre.


Rick Beck est marié, père de sept enfants, professeur en école d’infirmière et catéchiste. Il vit avec sa famille à South Bend, dans l’Indiana.