Tabernacle céleste - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Tabernacle céleste

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L’Église orthodoxe célèbre aujourd’hui (21 novembre) la fête de la Présentation de la Théotokos. Nous, catholiques, célébrons également la Présentation de Marie, jour où Joachim et Anne conduisirent leur fille âgée de trois ans au Temple de Jérusalem en vue de la consacrer à Dieu.

En Orient, la fête est célébrée depuis le sixième siècle, alors qu’en Occident elle l’est « seulement » depuis » le onzième. La raison qui rend en partie cette tradition intéressante – en plus de l’histoire elle-même – vient du fait qu’elle est apparue en marge de l’Écriture. Rien n’est dit dans la Bible au sujet de la vie de Marie avant les premiers chapitres de Matthieu et de Luc à travers Gabriel et l’Annonciation. Nous ne savons pas où Marie est née, ni qui étaient ses parents, ni où elle vécut ses premières années. Mais des sources apocryphes et une tradition vivante nous apportent des éléments.

Selon le Protoevangelium Jacobi (plus communément connu sous le nom d’Évangile de Jacques, autre que celui appelé le « frère » du Seigneur), Marie fut conduite à Jérusalem pour devenir l’équivalent juif d’une vestale. Les vestales avaient pour rôle de garder le feu sacré dont les Romains assuraient qu’il garantissait la sécurité de l’Empire. Pie XII introduisit son encyclique Sacra Virginitas (1954) en rappelant la foi des Pères de l’Église pour qui « la virginité perpétuelle est un très noble don que la religion chrétienne offre au monde. Ils ont à juste titre noté que les païens de l’Antiquité, à une époque donnée, ont imposé ce style de vie aux vestales et, bien que dans l’Ancien Testament la virginité soit exigée en vue du mariage, saint Ambroise rappelle toutefois : ‘Nous lisons que dans le temple de Jérusalem également il y a avait des vierges.' »

Si le Saint-Père citait saint Ambroise, l’historien Flavius Joseph soulignait pour sa part à propos des vierges du temple que « il y avait beaucoup d’endroits autour du Temple où demeuraient ces vierges consacrées au service de Dieu. » Marie était une humble fille juive, et quand elle eut quinze ans, les prêtres du temple décidèrent que cette sainte jeune fille puisse désormais se marier. Ils voyaient bien qu’elle était différente des autres. Aussi firent-ils une chose extraordinaire.

Mais comment savaient-il qu’elle était si exceptionnelle ? La tradition orthodoxe affirme que le jour de sa Présentation, lorsque la jeune Marie eut atteint ses douze ans et gravit les marches du temple – au rythme des Psaumes des montées (129-134) chantés par les prêtres – le grand prêtre eut une inspiration et fit quelque chose d’impensable : il prit l’enfant avec lui dans le Saint des Saints, au delà du voile du temple. Personne n’était autorisé à pénétrer dans ce lieu sauf le grand prêtre le jour du Yom Kippour. Introduire une femme au sein même du Feu Sacré a dû être considéré comme un sacrilège. On peut donc supposer que par sa piété et son obéissance, Marie ne déçut jamais les attentes du grand prêtre ce qui, certainement, rassura les autres prêtres.

Symboliquement, le sein de Marie se substitua à la demeure de Dieu , et la voix céleste parlant du Sinaï deviendrait humaine pour un jour prêcher le Sermon sur la Montagne.

Mais l’autre chose extraordinaire que fit le grand prêtre – et on peut penser que ce fut le même prêtre qui reçut Marie une douzaine d’années auparavant, à savoir Zacharie nouvellement en fonction et qui deviendra bientôt le père de Jean le Baptiste – rassemblait dans la cour du temps des jeunes hommes non mariés, jeunes et célibataires, vieux et veufs. Et parmi ce second groupe, le charpentier Joseph. Tous ces hommes vennaient pour voir qui Dieu choisirait pour être l’époux de la Vierge, même si elle n’était pour eux qu’une jeune adolescente – belle au-delà de tout mais juste une demoiselle.

Lorsqu’une colombe se posa sur son batôn, Joseph fut choisi. Mais selon le Protoevangelium, il estima ne pas mériter cet honneur. En fait, il refusa : « J’ai des enfants (et parmi eux Jacques), et je suis un vieil homme et, elle, est une jeune fille. Je crains d’être la risée des fils d’Israël. » Et le prêtre dit à Joseph : « Crains le Seigneur ton Dieu, et souviens-toi de ce que le Seigneur fit à Datân, à Abiram et à Coré ; comment le terre s’ouvrit et comment ils furent engloutis en raison de leur incrédulité. Et maintenant, crains, ô Joseph, à moins que des choses semblables n’arrivent dans ta maison.  »

Nous savons que Joseph résista – et pas seulement une fois. Joachim et Anne, Zacharie et Élisabeth, étaient tous parents les uns des autres. Ils l’étaient aussi en esprit d’Abraham et de Sara, de Anne et d’Elqana, les parents de Samuel, et de tous ceux qui aspiraient encore à être parents passé l’âge d’enfanter, aspirant au plus grand cadeau que Dieu donne ici-bas ; une vie nouvelle, un enfant. Comme Abraham qui fut prêt à sacrifier Isaac si telle était la volonté de Dieu, Joachim et Anne prièrent pour avoir un enfant et promirent de le donner au Seigneur, ce qu’ils firent.

Quel glorieux moment cela a dû être lorsque la Theotokos (littéralement « celle qui porte Dieu ») fut présentée à Yahvé, même si le coeur de ses parents la regardant monter les marches a dû être bien bouleversé, comme Marie le serait des années plus tard lorsque dans le même temple un autre grand prêtre, Simon, dira : « Une épée te transpercera le coeur » (Lc 2, 35).

Mais tout l’histoire du salut est un parodoxe étonnant. Ces parents sans descendance voulaient un enfant. Ils ont eu bien plus que ce qu’ils espéraient. Israel suppliait Yahvé d’envoyer un messie. Ce fut beaucoup plus que ce que chacun pouvait espérer : Dieu fait homme.

Et les Orthodoxes prient ainsi :

Aujourd’hui l’univers est rempli de joie

en cete glorieuse fête de la Mère de Dieu, et crie

« Elle est le tabernacle céleste. »

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/heavenly-tabernacle.html

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Brad Miner, ancien éditeur au National Review, est rédacteur en chef à The Catholic Thing, et membre honoraire de L’institut Foi et Raison. Il a écrit The Compleat Gentleman, récemment réédité.