par Atiq Rahimi,
Prix Goncourt 2008,
Éditions P.O.L., 155 pages, 15 .
C’est un récit direct et sans emphase, qui a tout du monologue à voix basse, que nous offre un fin psychologue de la nature humaine. L’héroïne est une Afghane révoltée dont on ne connaît même pas le nom, car elle a toujours été inexistante, d’abord aux yeux de son père puis de son mari. Il a fallu que ce dernier sombre dans un état comateux dû à une balle dans la tête pour qu’elle puisse lui parler comme elle n’a jamais pu le faire en dix ans de mariage. C’est alors que la femme scrupuleuse et soumise va prendre conscience du tragique de sa situation. Elle se libère peu à peu de ses obligations de garde-malade pour laisser place à la colère, jeter par-dessus bord tous les tabous et les scrupules, ce qui va tour à tour la libérer et la culpabiliser, la rendre lucide sur la nature de l’homme jusqu’à l’aimer comme elle ne l’avait jamais fait, le sublimer en « pierre de patience » et le remercier de pouvoir enfin se réaliser, elle qui se croyait « démone ». Si la fin est tragique, elle reste l’éloge de l’expression, un véritable chant d’amour. Mais la capacité d’aimer n’est pas exclusivement réservée à la femme, son vieux beau-père comme un jeune soldat le confirmeront.
Brigitte CLAVEL