L’abominable famine qui règne en Somalie présente un air de déjà vu, avec ses dizaines de milliers de tonnes de nourriture transportées en urgence — ou presque, car les administrations onusiennes n’évitent pas leurs éternels problèmes de délais et de lenteurs. L’opinion publique française ne semble guère mobilisée et tant la Croix-Rouge que le Secours catholique estiment les dons faibles jusqu’à maintenant ; d’ailleurs, le dimanche 7 août, des appels particuliers seront lancés aux catholiques lors des messes. Il est vrai que la période des vacances ne favorise pas les appels à la générosité et que les images de l’Afrique famélique sont devenues trop récurrentes pour susciter l’émotion qui fait ouvrir le porte-monnaie ou envoyer un chèque.
Le tragique de la situation alimentaire se double d’une vision pessimiste des rapports de force politiques et militaires, car donateurs publics et privés sont contraints de traiter avec des groupes dont le moins qu’on puisse dire est qu’on n’aimerait pas les fréquenter en temps ordinaire. Depuis des années, la Somalie n’a plus d’État — son « gouvernement » et son « parlement » se réunissent au Kenya ! — et les seules entités qui fonctionnent, le Puntland et le Somaliland, ne jouissent d’aucune reconnaissance internationale et, de toute façon, ne se trouvent pas dans les zones les plus défavorisées. Si l’on veut avoir une idée des trafics, de la corruption, des enlèvements de personnes et des détournements de bateaux là-bas, il suffit de lire Pirates !, le SAS n° 177 publié par Gérard de Villiers il y a deux ans.
Ce que certains appellent « les émois humanitaires » et ce que d’autres présentent sous l’aspect de la nécessaire solidarité humaine ne doit pas empêcher de rappeler que le quotidien de cette région reste dominé par les conflits tribaux que se livrent des clans rivaux depuis des siècles et par un très fragile équilibre écologique et des tensions démographiques d’autant plus fortes que ces populations vivent « normalement » dans la plus extrême pauvreté.
La guerre y est endémique depuis 1978, impliquant de surcroît l’Éthiopie, toujours très présente, et aggravée par la chute du président Siyad Barre en 1991. C’est alors qu’eurent lieu à la fois des opérations caritatives comme le « sac de riz pour la Somalie » de Bernard Kouchner et des interventions militaires comme « Restore Hope » lancée par les États-Unis puis patronnée par l’Onu, qui se terminèrent par des fiascos meurtriers retentissants pour les apôtres du droit d’ingérence humanitaire.
On risque donc d’avoir comme grands bénéficiaires de la nouvelle générosité les intégristes des « tribunaux islamiques », ces milices qui contrôlent de plus en plus le pays. En traitant avec eux, on va renforcer leur emprise religieuse, politique, militaire et économique, puisqu’ils sont devenus les premiers bénéficiaires de tous les trafics et de tous les enlèvements.
Et le réalisme ne doit pas empêcher la générosité. Document à télécharger ci-dessous :
Et le réalisme ne doit pas empêcher la générosité. Document à télécharger ci-dessous :
