SE SOUVENIR DE QUI NOUS SOMMES – ET POURQUOI - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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SE SOUVENIR DE QUI NOUS SOMMES – ET POURQUOI

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Lors de la béatification de Jean Paul II, Rome était couverte d’affiches portant l’article premier de la Constitution italienne : « l’Italie est une République Démocratique fondée sur le travail. » Je ne sais si c’était une campagne orchestrée par des éléments anticatholiques spécialement dirigée contre la béatification — j’en doute car ce genre de choses est pratiquement inconnu à Rome. J’en demandai la raison à plusieurs Italiens, pris individuellement. Quelque reste de la théorie marxiste du travail et de sa valeur sociale, datant des lendemains de la Seconde Guerre Mondiale quand le Parti Communiste Italien était fort ?

Leur réponse unanime : Rien de tout cela. « Cela ne veut rien dire. »
(Ndt : le 1er mai est la fête du Travail en Europe ; aux Etats-Unis cette journée est célébrée le premier lundi de septembre.)

La journée du Souvenir (Memorial Day, ndt : l’équivalent du 11 novembre en Europe) est une occasion de se rappeler qu’un phénomène de ce genre affecte la plupart des nations occidentales — à l’exception de l’Amérique (du moins l’Amérique jusqu’à ce que la justice s’occupe de réviser nos fondements.) La plupart des pays ne sont fondés sur rien, ou sur des abstractions éphémères incapables de fournir stabilité et énergie.

Le professeur Arkes fait souvent remarquer que le prologue du discours de Lincoln à Gettysburg donne une clé pour comprendre la vision que nous avions de l’Amérique. Si vous revenez à « quatre-vingt sept ans » en arrière par rapport à 1863, l’origine dont partaient Lincoln et ses auditeurs, lorsque « nos grands parents ont institué sur ce continent une nouvelle nation », vous n’arrivez pas à la date de la Constitution (1787, ratifiée en 1788). Mais à 1776, date de la Déclaration d’Indépendance et à la fameuse phrase: «Nous tenons ces vérités pour manifestes que tous les hommes ont été créés égaux, qu’ils ont été dotés par leur Créateur de certains Droits inaliénables, parmi lesquels la Vie, la Liberté et la poursuite du Bonheur. »
Le Créateur n’est pas identifié et la liste des Droits est ouverte à discussion. Mais c’est l’amorce d’une vision de l’ordre social qui se fonde sur le terrain le plus solide qui soit : Dieu lui-même. Les signataires savaient qu’ils risquaient tout – leur vie, leur fortune, leur honneur sacré, ainsi qu’ils l’ont écrit. Ils l’ont fait en connaissance de cause « en plaçant toute leur confiance dans la protection de la Providence divine. »

Le jésuite américain John Courtney Murray s’est efforcé de dégager du texte fondateur de l’Amérique des éléments de droit naturel qu’il savait implicites et parfois minimes. Il en déduisait trois facteurs significatifs : d’abord qu’il existe des vérités — importantes. En second lieu, que les êtres humains peuvent les connaître. Enfin, mais pas le moindre, que nous — Américains — croyons à ces vérités, que nous y adhérons comme le sol sur lequel nous nous tenons.

Lors des Journées du Souvenir, nous parlons longuement des sacrifices endurés par des hommes courageux pour défendre cette nation. Mais tous les pays le font pour honorer leurs soldats ; la différence pour nous réside dans le type d’ordre social défendu par nos braves hommes et femmes.
Nous n’avons pas déclaré notre indépendance par un simple accès de passion révolutionnaire mais dans un effort de raisonnement qui passe le jugement du monde :

« Quand, dans le cours de l’Histoire humaine, il devient nécessaire pour un peuple de dissoudre les liens politiques qui l’attachaient à un autre et d’assumer, au milieu des puissances terrestres, le statut séparé et égal auquel l’autorisent le Droit naturel et les Lois du Dieu de nature, il est conforme à la décence et au respect de l’opinion de l’Humanité de présenter les raisons qui le contraignent à la séparation. »

Si fiers que nous soyons, pour l’essentiel, de l’Histoire qui s’en est suivie, il est remarquable de voir combien nous sommes aujourd’hui éloignés de ces façons de penser dans notre discours officiel. Il est à peine exagéré — à peine et pour combien de temps encore ? — d’estimer que de tels mots puissent être jugés, par certains, « inconstitutionnels », comme faisant référence à la nature et à la divinité comme critères de comportement à la fois pour les individus et les nations. A l’attention de la Cour suprême : personne n’a le droit de définir ici « la finalité de l’univers.»

« Certains critiques, se fondant sur notre histoire de l’esclavage, sur les mauvais traitements infligés aux Indiens Américains, et les périodiques mésaventures militaires, rejettent cyniquement tous les avantages issus de notre acte fondateur — et notamment le bienfait de la stabilité. L’Amérique est la plus ancienne démocratie au fonctionnement continu dans le monde. C’est un tel succès que les critiques radicaux le considèrent comme allant de soi. Or ce n’est pas le cas. La France en est à sa cinquième république (inaugurée en 1958) sur pratiquement la même durée depuis les débuts de l’existence de l’Amérique. »

L’archevêque de Denver, Mgr Charles Chaput, lui-même d’origine Amérindienne, a dit que, en dépit de nos échecs, nous voyons que nos idéaux étaient corrects. Nous devons souligner ce qu’il y a de bon dans notre acte fondateur et chercher à le diffuser auprès du plus grand nombre.

Sa voix est trop isolée parmi les responsables religieux de nos jours. IL est difficile de savoir exactement pourquoi, mais il semble que la paix et la relative prospérité dont nous bénéficions nous aient rendus aveugles sur le fait qu’elles ne nous ont pas été données par droit de naissance. Elles ont besoin d’être défendues, à la fois dans le monde et dans le monde intellectuel et spirituel.

Nous semblons penser que nos fondements religieux et la confiance dans les énergies d’un peuple libre sous Dieu sont des notions archaïques à une époque où le gouvernement prend soin de notre confort et de notre bien-être sans trop d’effort ou de lutte. La seule idée de rogner les bénéfices sociaux semble nous paniquer.

La plupart des sociétés modernes estiment que la prospérité est un objectif en soi, laissant au hasard l’obtention de choses plus élevées. Toutes différentes sont les paroles du Psaume 49 :

« L’homme dans son luxe ne comprend pas, il ressemble au bétail muet » (qu’on conduit à l’abattoir.)

En cette Journée du Souvenir, il est bon de nous rappeler que nous n’avons pas acquis la prospérité et la liberté sans coûts ni sacrifices, et que nous ne les conserverons pas si nous ne comprenons pas d’où elles viennent et sur quoi elles sont fondées.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/remembering-who-we-are-and-why.html