Hérissé, mais après un temps de réflexion consacré de toute évidence à concocter un texte bien aiguisé contre ceux qui le « cherchent » depuis de longs mois sur plusieurs dossiers dans plusieurs registres, le voilà soudain : Nicolas Sarkozy sort du bois où il restait terré en animal politique aux aguets, muet mais attentif. Et s’emparant d’une page du « Figaro », il s’adresse aux Français…
Avec les humeurs printanières, on va sentir une subite montée de la température dans les états-majors en pleins préparatifs de chasse pré-électorale, car le gibier désigné se montre rétif aux tentatives d’hallali… « Sarko » s’est emparé d’un cor de chasse et il semble bien que c’est lui qui sonne la charge, ou c’est tout comme… Lui-même ancien avocat, ancien candidat à la présidence de la République, ancien chef de l’Etat, après avoir exercé tambour battant plusieurs fonctions ministérielles, le voici qui prend le relais de son avocat personnel pour mener cette fois une contre-offensive en règle, avec l’entrain d’un homme-orchestre débouchant sur la place publique sous les yeux de la foule.
Attaqué à vif à plusieurs reprises à propos de plusieurs affaires de calibres différents, il se cabre, et, encore frémissant, réagit. « Des principes sacrés de notre République sont foulés aux pieds avec une violence inédite et une absence de scrupule sans précédent » : sur le ton de l’indignation, voici le point de vue de l’homme d’Etat pour ce qui concerne le droit des gens. Et puis la parole est au témoin Sarkozy sur ce qui arrive au citoyen Sarkozy : « J’apprends par la presse que tous mes téléphones sont écoutés depuis maintenant huit mois. »
Ainsi, que le monde le sache, « les juges entendent les discussions que j’ai avec les responsables politiques français et étrangers. Les conversations avec mon avocat ont été enregistrées sans la moindre gêne. » Et le principal intéressé fait état de « retranscriptions écrites dont on imagine aisément qui sont les destinataires »… La rançon de cette notoriété nationale panachée d’animosité lui semble devenue lourde… Les ministres actuels de la Justice et de l’Intérieur, « pas au courant », sont épinglés au passage avec ironie, comme toujours court-circuités par une sorte de panne de courant permanente…
Et puis, c’est l’avertissement oratoire aux citoyens : « Aujourd’hui encore, toute personne qui me téléphone doit savoir qu’elle sera écoutée. » Le ton est grave. Suit une référence, habilement laissée de côté sitôt évoquée, aux activités répréhensibles et réprouvées de la Stasi, la sinistre police politique de l’Allemagne de l’Est d’hier, ou aux agissements d’un quelconque dictateur quelque part ailleurs vis-à-vis de ses opposants. Autrefois ? Ailleurs ? Non ! « Il s’agit de la France ». Auquel cas, en effet, c’est plus ennuyeux. Et c’est plus grave. Car c’est ici et maintenant.
Et maintenant, dans cette partie serrée, la balle est projetée dans le camp d’en face avec une vigueur peu commune. On suppose qu’il y aura des réponses. Et sans doute pas seulement sur le répondeur des téléphones personnels de M. Sarkozy et de son avocat. La suite au prochain numéro… de téléphone ? ou de journal ?
Denis LENSEL