Regarder l'Histoire autrement avec saint Augustin - France Catholique
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Léon XIV et saint Augustin
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Regarder l’Histoire autrement avec saint Augustin

Jean-Marie Salamito, professeur d’histoire du christianisme antique, et le Père Jean-François Thomas s. j., ont relu La Cité de Dieu, rédigé par saint Augustin après le sac de Rome par les barbares.
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La Désolation, 1836, Thomas Cole. Cinquième tableau de la série Le Cours de l'Empire.

Augustin ne pouvait rester indifférent au séisme que provoqua en Afrique la nouvelle du pillage de Rome : la cité terrestre passait et il se devait de défendre la cité de Dieu.

Pour lui, il ne s’agit pas de mépriser la cité terrestre tant qu’elle demeurerait mêlée aux premiers bourgeons de la cité de Dieu. Déjà, en 404, il écrivait dans sa Catéchèse des débutants : « Il y a deux cités, celle des justes et celle des injustes. Elles existent depuis l’apparition du genre humain et dureront jusqu’à la fin du monde. Pour le moment, leurs citoyens sont mêlés les uns aux autres ; ce sont leurs volontés qui diffèrent ; au jour du Jugement, ce mélange prendra fin. » Le problème réside donc plus dans la division et l’opposition des « volontés » que dans la distinction des deux mondes. Nul ne peut faire l’ange en cette terre visible, tout en travaillant pour le royaume invisible.

Augustin est très adroit car il n’est point comme son assistant Orose (vers 380- après 417), inspiré par Eusèbe de Césarée, qui misa sur une conception millénariste et apocalyptique. Il demeure maître de lui face aux malheurs des temps et sa « froideur » intellectuelle est très précieuse pour réagir en chrétiens à notre époque. Il attaque ceux qui se replient sur les cultes païens, le pire de la cité terrestre, croyant ainsi sauver le politique. Il croit au contraire, à juste titre, que le zèle pour la cité de Dieu est, en toutes circonstances, la voie de Salut, même si les royaumes et les régimes s’écroulent les uns après les autres. N’est-ce pas d’ailleurs leur destin ? « Vous vous étonnez que le monde périsse ; mais c’est comme si vous vous scandalisiez que le monde vieillisse. Il est comme l’homme : il naît, il grandit, il meurt » (Sermons, 80, 8).

L’instauration de la cité divine

Pour l’évêque vieillissant, la cité de Dieu est en gestation jusqu’à la fin du monde, de tous les mondes, et cela seul importe. Il faut simplement retrousser les manches, ne pas somnoler et agir, non point pour la gloire des cités terrestres, mais pour l’instauration de la cité divine qui ne se réalisera pleinement que dans la nouvelle Création. Il ne s’est jamais exonéré d’être citoyen d’Hippone ou de l’Empire tout craquelé. Il invite à mettre un ordre dans les appartenances et les allégeances. Le risque, pour tout homme, est de tout mélanger, et de faire passer en première position ce qui est promis au délitement. Si l’homme donne toute son énergie uniquement à ce qui est friable, il sera terrassé lorsque cet élément fragile disparaîtra. Au contraire, s’il travaille au bien commun en étant fondé sur l’espérance du Royaume éternel, il demeurera ferme au milieu des pires épreuves.

Saint Augustin nous montre comment regarder l’Histoire autrement, en prenant toujours de la hauteur et de la distance. Pour lui, tout ce qui est gagé sur le néant est promis à la banqueroute, car Satan est derrière et il ne peut vaincre, sauf à détruire uniquement ce qui est l’œuvre de sa malfaisance. Le chrétien sait pour quoi, pour qui bat son cœur.