En ce samedi d’été chers lecteurs, votre correspondant arrive de nouveau comme un Paresseux (le pseudonyme que s’était choisi le Dr. Johnson quand il écrivait des essais « aussi rapidement qu’une lettre ordinaire ») et comme un Randonneur, le nom de la publication de Johnson où il demandait à ses lecteurs de prier « pour que dans cette entreprise, l’Esprit-Saint ne s’éloigne pas de moi, afin que je promeuve la gloire de Dieu et le salut pour moi et les autres. »
Quelques observations diverses depuis la capitale de la nation, alors que nous débutons la Quinzaine pour la Liberté menée par nos évêques, entre la vigile de la fête de saint Thomas More et saint John Fisher jeudi passé et le 4 juillet.
Une conversation à Farragut Square : le frère James Shall m’a enseigné les bénéfices spirituels et physiques que l’on peut retirer de la marche à pied et, avec ses encouragements, je circule à pied dans la ville chaque fois que possible. Mais malgré la peine qu’il s’est donnée, je ne suis pas préparé pour toutes les rencontres que je fais sur les trottoirs.
– Washington possède des légions de jeunes gens qui abordent les passants pour engager la conversation au service de causes variées. Greenpeace et Children International sont des spécialistes de cette technique.
J’ai récemment rencontré l’un de ces jeunes gens, portant l’emblème de Planned Parenthood (NDT : l’équivalent de notre planning familial). Il a demandé poliment à me parler, et il semblait intelligent. Alors, contrairement à mes habitudes, je me suis arrêté pour bavarder.
Je n’ai pas commencé avec « bonjour » mais avec une question : « selon vous, quand commence la vie humaine ? » Sa réponse avait à voir avec la conscience de la vie, un argument classique qui autorise à faire n’importe quoi à n’importe qui si on le met strictement en application. « Laissez-moi m’assurer que je vous comprends bien. De votre point de vue, un embryon humain mérite moins protection qu’un orang-outan. » « Oui » répondit-il rapidement. Je pris congé aimablement – le ton avait toujours été amical — et me hâtai vers mon prochain rendez-vous.
Mon espoir est probablement vain, mais il m’a semblé que ce « oui » était accompagné d’une lueur de doute dans les yeux, comme un « – est-ce que je pense vraiment cela ? ». Mais je ne sais pas.
Les commodités modernes : Les étés à Washington sont connus pour leur chaleur. Les diplomates anglais et français, familiers avec les climats sub-tropicaux de leur empire passé, m’ont dit que nulle part ailleurs sur la planète on ne trouve une association aussi surnaturellement épouvantable entre chaleur et humidité qu’à Washington en juillet et août.
Avant l’arrivée de l’air conditionné, ceux qui en avaient les moyens quittaient la ville durant ces mois-là. Les autres travaillaient le matin jusqu’à ce qu’ils n’en puissent plus et rentraient à la maison. L’air conditionné a permis aux Washingtoniens de rester les douze mois de l’année dans leur box de travail, à inventer de nouvelles façons de se détester.
Le retour de la major league de baseball, il y a quelques années, a ramené l’espoir que les fonctionnaires de Washington quittent l’été leurs bureaux pour rejoindre le terrain de baseball proche du Capitole, restaurant un sentiment de cause commune, ou au moins de désappointement commun (quoique cette année les Nationaux soient plutôt bons).
Mais quand les discussions politiques en arrivent à être fondées sur des vues spectaculairement opposées de la personne humaine, quand on ne reconnaît pas d’autre autorité que soi-même — eh bien, le baseball ne fait pas de miracles.
– Autour des monuments : J’admire énormément les familles qui viennent à Washington, remorquant enfants et grands-parents, pour visiter musées et monuments autour du National Mall. C’est un travail de forçat par une telle chaleur, et cela tourne parfois en dispute.
Mais la noblesse des « petites équipes » transparaît quand ils voient de leur propres yeux l’architecture politique familière de la nation, les mémoriaux aux grands dirigeants, les musées avec toutes ces choses, de la Déclaration d’Indépendance à l’aventure des frères Wright en 1903, en passant par les robes d’investiture des Premières Dames.
Le patriotisme constructif de ces visiteurs, leur imprégnation de l’idée que la patrie est quelque chose de plus grand qu’eux, idée qui leur a été transmise et qu’ils ont à transmettre à leur tour, allège l’esprit fatigué trop habitué aux lobbyistes sur K. Street, à l’immense appareil bureaucratique des administrations, aux médias et aux coureurs de prébendes œuvrant à leur réélection.
Mais quand je regarde les monuments et les immeubles imposants, je suis aussi frappé par l’indifférence qu’aurait manifestée Jésus à leur égard.
L’attitude du Christ envers l’autorité politique semble toujours refléter une certaine désinvolture. « Bien sûr, donnez à César l’argent qui lui revient, payez votre impôt au Temple. Maintenant, parlons de ce qui est important. »
Dans le second volume de Jésus de Nazareth, le pape Benoît XVI décrit la rencontre entre le Christ et Pilate, le pouvoir politique local de l’époque.
Précédemment, le Christ avait dit : « mon royaume n’est pas de ce monde. » Quand Pilate lui demande s’il est un roi, Jésus répond. « Tu dis que je suis roi. Car je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. » Le pape conclut : « si le pouvoir, surtout le pouvoir militaire, est caractéristique de la royauté et des royaumes, il n’y en a aucun signe dans le cas de Jésus… Ce royaume est impuissant. Il n’a pas de ‘légions’.»
Alors que les catholiques américains réfléchissent à notre gouvernement durant cette Quinzaine de la Liberté, nous sommes presque surpris de redécouvrir ce que savaient déjà très bien les fondateurs des États-Unis, célébrés par les monuments de la capitale : le gouvernement de Washington peut être soit un instrument soit un rival pour le royaume proclamé par le Christ.
Par conséquent, ce 4 juillet est légèrement différent des autres… Quelque chose de fondamental est en jeu — bien plus clairement qu’à l’habitude. La Quinzaine de la Liberté est l’affirmation de quelque chose reflété dans les monuments de Washington et de quelque chose de beaucoup plus grand.
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illustration : Washington – entre le mémorial de la deuxième guerre mondiale et celui de Lincoln : the Reflecting Pool (la piscine réfléchissante)
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Joseph R. Wood est un ancien fonctionnaire de la Maison Blanche au service de la politique étrangère, incluant les relations avec le Vatican.
Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/thoughts-from-inside-the-beltway.html