Du protestantisme au catholicisme - France Catholique
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Du protestantisme au catholicisme

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Samuel Johnson by Sir Joshua Reynolds, c. 1769

Samuel Johnson by Sir Joshua Reynolds, c. 1769

[National Portrait Gallery, London]

Feu notre bien aimé père James V. Schall, dans tous ses voyages et aventures, prenait soin d’avoir toujours à portée de la main la Vie du Dr Johnson de Boswell. Il voyait souvent dans ce journal une source inépuisable d’aperçus pénétrants et d’esprit plein de vivacité, dans le cercle qui entourait Samuel Johnson au milieu du XVIIIe siècle.

Ledit cercle comprenait Olivier Goldsmith, sir Joshua Reynolds, Richard Sheridan et à certains moments Edmund Burke. Ils y créaient une forme de badinage littéraire qu’on n’ imagine guère aujourd’hui, surtout dans les milieux universitaires

Le jeune James Boswell, fraîchement arrivé d’Écosse, avait le pouvoir remarquable d’attirer l’attention des plus accomplis des hommes de cette génération. Il fut tout de suite le bienvenu dans le cercle de Johnson et, quand il se trouvait à l’étranger, il était évidemment tout prêt à rencontrer, pour des entretiens, David Hume, Jean-Jacques Rousseau et Voltaire.

Le père Schall et moi partagions nos meilleurs moments en lisant ce livre; mon passage préféré depuis toujours était la scène où Johnson est invité à utiliser la bibliothèque royale. Le bibliothécaire avait promis d’avertir le roi quand Johnson passerait à la bibliothèque, car Georges III souhaitait lui-même la visiter avec cet essayiste de talent, auteur d’un fameux dictionnaire.

Johnson fut touché par l’apparition impromptue du roi et il s’entretint avec lui dans un style qu’il appelait « mâle », sans une trace de servilité. Entre autres choses, le roi souhaitait entendre son appréciation des différents journaux littéraires, d’Angleterre et aussi bien que de France. Bref, le roi souhaitait savoir ce qu’il devait lire.

Quand Johnson revint chez lui, il fut pressé par des amis désireux d’entendre un compte rendu de cet entretien. Après avoir rappelé quelques-uns des moments les plus marquants, Johnson dit :  « Je trouve que cela fait du bien à un homme que son Souverain lui parle… les pouvoirs de l’esprit sont aussitôt stimulés vigoureusement puis tempérés par la crainte révérentielle. » C’est une opinion à laquelle pourrait se aussi bien des gens vivant en république, car elle peut leur rappeler parfois de faire attention dans leur vie à un autre Souverain.

Johnson était lui-même un chrétien et un tory sérieux, fermement attaché à l’Église d’Angleterre. Boswell, quand il était tout jeune, était tombé amoureux d’une actrice irlandaise qui était catholique, et cette passion qui venait de l’enflammer, associée à de sérieuses lectures, le conduisit à entrer dans l’Église en 1760.

Et il en sortit aussi vite quand sa famille le ramena aux réalités de l’existence. En tant que catholique en Écosse, séparé de l’Église presbytérienne, il ne pouvait pas servir dans l’armée ni exercer une fonction publique ni hériter.

Et pourtant, il ne cessa, pendant toute sa vie, d’avoir pour l’Église de l’admiration et des sentiments les plus profonds. Dans toutes ses visites il entrait dans les chapelles et les églises catholiques. Devant le pape, il s’agenouilla et « avec une fervente dévotion [j’] adorai mon Dieu et rendis grâces au Sauveur du Monde. »

Il reconnaissait être attiré par la « pompe du culte…la solennité de la grand’messe, la musique, les cierges, les lumières… l’odeur de l’encens. »

Tout cela devait apparaître dans ses conversations avec Johnson, où il raillait Johnson sur les côtés invraisemblables de l’Église romaine. Et à sa surprise, à chaque fois, Johnson défendait l’Église.

« Les presbytériens « , disait-il, « n’ont pas d’église, pas d’ordination apostolique… Ils n’ont pas de culte public; ils n’ont pas de forme de prière à laquelle ils savent devoir s’associer. Ils vont entendre un homme prier, et ont alors à juger s’ils vont s’y associer. »

N’y avait-il pas une certaine idolâtrie dans le culte des saints? « Monsieur », disait Johnson, « ils ne rendent pas un culte aux saints; ils les invoquent; ils demandent seulement leurs prières….Il n’y a pas d’idolâtrie dans la messe. Ils croient que DIEU est là et ils l’adorent. »

Le purgatoire? « Pourquoi, Monsieur ? C’est une doctrine très innocente. Ils pensent que l’humanité en général n’est ni si obstinément mauvaise qu’elle mérite un châtiment éternel, ni si bonne qu’elle mérite d’être admise dans la société des élus; et donc Dieu est heureux d’accorder gracieusement un état intermédiaire où ils peuvent être purifiés par certains degrés de souffrance. Vous voyez…il ‘y a rien de déraisonnable en cela. »

Poussée par Boswell, la conversation abordait cette question toujours persistante, irritante de la volonté libre face au « déterminisme ». Si un Dieu omniscient peut prévoir toutes nos actions, pourquoi n’intervient-Il pas pour nous protéger des blessures et des soucis qui nous assaillent ? Mais si nos actions sont « déterminées » par Dieu, ou par des forces en dehors de notre contrôle, comment chacun de nous peut-il porter la responsabilité de nos actions – si ce sont réellement nos propres actions? « Si une chose est en toute certitude prévue », disait Boswell, « cela doit être arrêté et ne peut arriver autrement », et dans ce cas, pensait-il, « il n’ y a pas de volonté libre, et je ne vois pas non plus comment une prière peut être d’un quelconque profit. »

Mais Johnson allait tout de suite à la réponse qu’avait présentée l’Aquinate : « Pourquoi, Monsieur, Dieu ne laisse-t-il pas chaque jour aller les choses sans les prévenir ? » Sans cette volonté libre, il ne peut y avoir de mal; mais il n’y aurait là non plus d’amour ni cette imagination créatrice qui nous a donné une somme de ce que ces créatures, situées entre les animaux et les anges, peuvent apporter au monde. » « Monsieur », disait Johnson, « nous savons que notre volonté est libre, et il y a une fin à cela »

Et finalement qu’est-ce qui est gagné ou perdu dans la conversion? « Un homme qui se convertit du protestantisme au papisme, « disait Johnson, « peut être sincère; il ne se sépare de rien: il se contente d’ajouter à ce qu’il avait déjà. Mais un converti du papisme au protestantisme, de ce qu’il a tenu pour sacré, en abandonne autant que tout ce qu’il conserve. Et avec cela, disait-il, « il y a tant de déchirement de l’esprit. »