Rédemption - France Catholique
Edit Template
Pontificat de François - numéro spécial
Edit Template

Rédemption

Copier le lien

Seul celui qui vient de chez nous, qui vient de Dieu peut nous amener chez nous. Comme il vient du cœur même de Dieu, il est Dieu. Et ainsi nous disons que Dieu s’est fait homme. C’est le plus long voyage, d’une longueur que nous sommes incapables d’imaginer. Dieu s’est fait homme. Nous le disons en tremblant, nous le disons avec perplexité, mais plus souvent nous le disons mécaniquement, comptant sur la routine pour amortir ce que nous ne pouvons pas supporter…

Rédemption, un bon vieux mot d’antan, portant sa signification et méritant qu’on lui fasse confiance.

Pensez au mot anglais « atonement », « at-one-ment »: ce qui était séparé est maintenant un, uni, one. Mais après une telle séparation, il ne peut pas y avoir de réunion facile…

Rédemption, ce n’est pas un terme usuel pour un comptable analysant tout sur terre comme au ciel. Dieu ne pouvait pas décider tout simplement de ne pas compter sans déclarer que nous ne comptons pas. Mais on pourrait dire que si Dieu est Dieu, Il peut faire n’importe quoi. Très bien, alors Dieu ne voudrait pas décider de ne pas compter parce qu’il ne voudrait pas déclarer que nous ne comptons pas. Et pourtant la volonté de Dieu implique et limite son pouvoir. Le Dieu dont nous parlons n’est pas, selon les mots de Pascal, le Dieu des philosophes mais le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Il est le Dieu de la liberté sans bornes qui veut être liée par l’amour.

…Pardonne et oublie, dit-on, mais c’est sûrement faux. Ce qui est oublié n’a pas besoin d’être pardonné, ne peut vraiment pas être pardonné. L’amour ne dit pas au bien-aimé que cela n’a pas d’importance, car le bien-aimé a de l’importance. Epargnez-moi l’amour sentimental qui me dit que ce que je fais et ce que je suis n’a pas d’importance. Le pardon coûte. Le pardon coûte cher. Selon certains, la rédemption est le prix payé par le Christ. C’est sa mort qui a apaisé la colère divine et rétabli la justice de Dieu.

Pourtant cette manière de parler a posé de grands problèmes à beaucoup de gens dans le passé et dans le temps présent. La subtilité de la théorie est ensevelie sous la caricature d’un Père furieux qui demande la mort de son fils, peut-être même tue son fils, pour apaiser sa propre colère. Dans sa forme vulgaire – ce qui signifie la forme la plus commune – il s’agit de régler des comptes, drame de vengeance et de rancune, plus digne du Parrain  que du Père dont il est dit « Dieu est amour. »

…Dans le monde, dans nos propres vies, quelque chose a très mal tourné, et il faut le redresser. Rappelez-vous quand vous étiez un jeune enfant et que quelqu’un – peut-être vous – avait fait quelque chose de très mal. Il s’agissait peut-être d’un mensonge, d’argent volé ou du bocal de biscuits en morceaux par terre dans la cuisine. Le méfait a été découvert, et maintenant il faut que quelque chose arrive, il faut faire quelque chose à ce sujet. La crainte de la punition est terrible, mais pas aussi terrible que la pensée que rien ne se passera, que les mauvaises actions n’ont pas d’importance. Si les mauvaises actions n’ont pas d’importance, alors les bonnes actions n’ont pas d’importance, et par conséquent rien n’a d’importance et le sens de tout est brisé comme le bocal de biscuits sur le plancher de la cuisine. Ayez confiance dans l’intuition de cet enfant. « A moins que vous ne deveniez comme de petits enfants, » a dit Jésus, ‘vous ne pouvez pas entrer dans le royaume de Dieu. » A moins que nous ne soyons dépouillés de nos habitudes d’oubli, de notre habileté à trouver des excuses, de notre acceptation blasée d’un monde dans lequel les mauvaises actions ont lieu et cela n’a pas d’importance…

Les choses sont hors de contrôle. Ce n’est pas complètement de notre faute, mais c’est aussi de notre faute. Nous ne pouvons pas blâmer nos parents éloignés pour cette après-midi fatale dans le jardin, parce que nous y étions. Nous aussi avons tendu la main pour cueillir le fruit défendu – le fruit défendu par lequel non seulement nous connaissons le bien et le mal, mais ce qui est beaucoup plus important, nous présumons que nous pouvons dire ce qui est bien et ce qui est mal….

La conséquence fatale n’était pas de connaître la différence entre le bien et le mal. Avant ce que nous appelons « la chute » on connaissait le bien dans le sens le plus complet, c’est-à-dire qu’on faisait le bien, qu’on vivait le bien. On connaissait le bien honnêtement, avec droiture, simplement, sans complications, sans honte. Certains penseurs avancent que « la chute » nous a projetés en haut plutôt qu’en bas. On dit que par la chute nos premiers parents se sont élevés à un niveau supérieur de conscience dans la connaissance du bien et du mal… Cependant, ceci n’est qu’une autre idée orgueilleuse de notre nature déchue…l’idée que notre manière compliquée de connaître est supérieure parce que c’est la nôtre.

…Rédemption. Rédemption. Ce qu’un gouffre de fautes a éloigné se trouve rejoint par un acte d’amour parfait. Ce que le premier Adam a détruit le second Adam a restauré. « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Nous ne savions pas ce que nous faisions quand nous avons voulu obtenir le droit de décider ce qui était bon et ce qui était mauvais. Nous ne savions pas ce que nous faisions quand nous nous sommes emparés de ce que nous pouvions et que nous sommes partis dans un pays éloigné. Nous ne savions pas ce que nous faisions quand, dans notre folie à nous excuser nous-mêmes, nous avons déclaré que Dieu était coupable. Mais aujourd’hui nous nous sommes réveillés. Aujourd’hui, ici devant la croix, nos yeux sont fixés sur le mourant abandonné qui est le Seigneur de la vie. Nous regardons Celui qui est tout ce que nous sommes et tout ce que nous ne sommes pas, Celui qui est vrai homme et vrai Dieu. En Lui nous, Dieu et homme, sommes parfaitement un. Rédemption. C’est ici par la croix que nous avons trouvé le chemin, le chemin vers la vérité pour nous-mêmes, le chemin vers la vérité de ce que Dieu a fait pour nous.

Et maintenant nous savons, ou nous commençons à savoir, pourquoi cet effroyable et terrifiant vendredi, s’appelle le Vendredi saint.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/atonement.html

Tableau : Tête de Christ couronnée d’épines de Lucas Cranach, l’Ancien, c.1510.


Fr. Richard John Neuhaus l’un des écrivains et penseurs catholiques les plus éminents. Cet article a été tiré de son dernier livre : Meditations on the Last Words of Jesus on the Cross/ Méditations sur les dernières paroles du Christ en croix..