Ragout sexuel - France Catholique
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Ragout sexuel

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La publication récente de la directive (en réalité de l’encouragement) du Saint Père aux prêtres d’accorder le pardon au péché d’avortement est vite devenue objet de débat. Inouï pour certains, banal pour d’autres, alors que la réaction la plus répandue mais pas clamée dans la presse était : Ça y est, le Pape approuve l’avortement !

C’est ma crainte.

En vérité, bien des gens — pour la plupart observateurs lointains de la Foi Catholique (dont nombre de catholiques) — ont vraisemblablement compris les paroles du Pape comme issues de sa passion habituelle pour le pardon, à l’image du Christ. Très bien, jusqu’à un certain point.

Mais… je me demande si le sujet ne sera pas ajouté à la fort abondante ratatouille culturelle de permessivité. Voici mon opinion :

Dans un récent courriel à un ami prêtre, j’écrivais : « Je crains que cette annonce de S.S. François soit interprétée comme sous-entendant que l’avortement, péché mortel, est du même ordre que la masturbation : aucune importance après s’être confessé, alors, pourquoi se sentir écrasé par le remords ?»

Poursuivant ces pensées, j’ai consulté « WebMD »[NDT : www.webmd.com/ site sérieux d’informations médicales] pour un point de vue médical, et non une question de morale théologique. Voici le résultat à propos de la masturbation :

– Question : la masturbation est-elle normale ?

– Réponse : alors qu’elle était naguère considérée comme une perversion et le symptôme d’un dérèglement mental, la masturbation est actuellement considérée comme une saine activité sexuelle normale, agréable, satisfaisante, tolérable, en toute sécurité. C’est une bonne manière d’éprouver le plaisir sexuel, et on peut la pratiquer tout au long de la vie.

La masturbation ne pose problème que si elle restreint l’activité sexuelle avec une partenaire, est pratiquée en public, ou entraîne des troubles significatifs. Elle peut être cause de détresse si elle est pratiquée sans retenue ou perturbe la vie et les activités de chaque jour.

D’un point de vue médical, seul ce deuxième paragraphe porte la marque d’un risque thérapeutique. Malgré tout, « la communauté médicale considère que la masturbation est… naturelle et inoffensive…»

Voici où nous en sommes. Quatre-vingt-dix pour cent des humains se sont masturbés, et tout près de 100 % considèrent qu’il n’y a pas lieu d’en faire un drame. Je ne saurais certes pas adopter ce point de vue, mais nous y voici — une partie des remarques culturelles où atterriront inévitablement les commentaires du Pape. Et la question se pose : ses commentaires seront-ils interprétés comme permissifs, dans ce copieux ragout de l’éthique sexuelle actuelle, essentiellement chez les jeunes ?

Le plus saisissant à propos des déclarations du Saint Père est la réaction suscitée chez les théologiens et les juristes en droit canon. Ceci car l’avortement est à la fois péché et crime. Crime, direz-vous, chez nous, aux États-Unis ? C’est un crime au sens canonique, même si le code civil l’autorise avec l’approbation des autorités légales Américaines. («Dieu bénisse le Planning Familial» a déclaré notre magistrat suprême). Quand une femme se débarrasse de sa grossesse elle commet le péché d’avortement (ainsi que l’époux ou le compagnon qui l’aide à le commettre) mais pas un crime. Tel est l’avis du juriste en droit canon Edward Peters.

Son Blog « In the Light of the Law » (À la Lumière de la Loi) auquel je suis particulièrement fidèle — comment faire autrement alors qu’il est capable d’entamer un article en paraphrasant Pascal : « désolé d’avoir écrit un article aussi long, je navais pas le temps d’être bref.» Dans sa parution du 1er septembre « pardon pour l’avortement » il précise que la mère et son avorteur sont également coupables d’un péché mortel, mais que seul ce dernier est également coupable du crime d’avortement (la mise à mort) ; la mère permet l’assassinat ; l’avorteur le commet. Intéressant, non ?

De plus, comme nous le savons tous — ou pensons le savoir — l’avortement entraîne la sanction de l’excommunication. Dans tous les cas, comme Peters le rappelle c’est la latae sententiae (automatique, sans avoir à être prononcée formellement par les autorités religieuses), qu’il souligne ainsi : « Il n’y a aucun exemple de femmes excommuniées formellement en raison de leur avortement.»

Autre point intéressant, d’autant plus que le Dr. Peters est convaincu que l’excommunication latae sententiae ne doit pas être subie par la femme qui met fin à sa grossesse. C’est une question de procédure, ce qu’il explique bien mieux que je ne saurais le faire ; lisez donc son blog…

Pas tout-à-fait aussi provocante l’accusation [c’est ainsi que je l’interprète] portée par Peters contre S.S. François qu’il considère comme formé par le Droit Canon de 1917 [révisé en 1983], selon lequel les prêtres normalement habilités à entendre les confessions ne peuvent toujours pas absoudre le péché (le crime) d’avortement. Le Professeur Peters pense qu’ils y sont habilités.

D’évidence, si le Pape n’est pas bien net sur la loi canonique, la plupart des prêtres ne le seront sans doute pas non plus. On peut alors se demander si relâcher la pratique au point de simplement pardonner un péché aussi grave (et, la queston de l’excommunication restant pendante, il faut pardonner le péché pour rétablir le plein accès à la Communion) ne risque pas d’accentuer la confusion.

Et si un péché aussi grave que l’assassinat d’un enfant peut être traité ainsi, pourquoi, pourrait-on se demander, faire une crise d’épilepsie au sujet de la Communion des divorcés remariés civilement ? Je reste opposé à la position de S.E. Kasper [NDT : selon ce Cardinal, on devrait considérer comme nuls au moins la moitié des mariages rompus par un divorce.] qui fera surement l’objet de débats lors du Synode en octobre prochain, mais, chers amis, la ratatouille, le ragout, quelle mixture ! Donne leur nourriture à mes brebis, dit le Seigneur à Pierre, mais certes pas un brouet immangeable. Le sel y perdrait sa saveur.

À nouveau, votre serviteur révèle ses lacunes en matière de Droit Canon. Je fais donc appel au soutien des spécialistes ès Droit Canon.

6 septembre 2015.

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/09/06/the-ragout-of-sex/

Photo : Confession d’une femme.