Questions de liturgie - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Questions de liturgie

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Voici quelques semaines, j’ai vécu une expérience liturgique extraordinairement mémorable. J’ai hésité avant d’écrire sur ce sujet — malgré le caractère exceptionnel d’une telle expérience pour un catholique — parce que la comparaison n’est pas sympathique envers ma paroisse. Mon diocèse, Arlington [NDT: banlieue ouest de Washington], se porte très bien. (« vous ne connaissez pas votre chance de vivre en un lieu où demeure la communion avec Rome » me disait un ami alors que nous parlions de son diocèse, dont je tairai le nom.) Ma paroisse, Saint-Ambroise, est desservie par trois excellents prêtres, intelligents et dévoués, ne se ressemblant pas mais tous trois capables, semaine après semaine, de prononcer des homélies stimulantes et approfondies.

Le problème, ce n’est pas notre clergé local, notre évêque, mais — je persiste à le penser — la liturgie en anglais. Et ce problème n’aura qu’un petit bout de solution avec les nouveaux missels que nous aurons cette année à partir de l’Avent. Les textes sont améliorés, mais il y a encore bien à dire.

Ils correspondront mieux à nos croyances, à notre façon de célébrer, et feront davantage confiance aux fidèles au lieu de leur offrir un langage simplifié comme s’ils étaient des demeurés.

Par exemple, pour la Consécration:

Prenez et buvez-en tous,

Ceci est le calice de mon Sang,

Le Sang de l’alliance nouvelle et éternelle

Qui sera versé pour vous et pour beaucoup

Pour le pardon des péchés.

Faites ceci en mémoire de moi.

Il peut paraître mineur de dire « calice » au lieu de « coupe », ou « éternelle » au lieu de « sans fin » [NDT: contrairement au texte français, qui a bien retenu le mot « éternelle »; les traducteurs français ont été plus astucieux en ce cas]. Mais l’accumulation de ces petits détails relève subtilement la dignité du langage en le séparant du langage quotidien. Et en même temps on évite le bouleversement tel que celui issu de Vatican II, ce que Benoît XVI voulait éviter.

L’expérience liturgique que je veux relater est d’un tout autre ordre. Les mots ont leur importance, les gestes liturgiques en ont tout autant. Je suis un catholique très Romain, mais j’ai été frappé par la liturgie de saint Jean Chrisostome dans une église dédiée au rite Melkite. Cette liturgie est loin d’être étrangère dans ma famille: mon épouse a un fond religieux compliqué, mais essentiellement catholique ukrainien. Nous avons toujours aimé le rite grec, mais les Melkites le pratiquent d’une manière surprenante.

C’est un retour à l’antique Syrie, aux débuts de l’histoire de l’Église plongée dans une culture internationale gréco-romaine. Au fil des ans, ils ont cueilli des éléments arabes (soyons clairs: arabes, pas musulmans; il y a bien au Moyen-Orient des arabes chrétiens, musulmans, ou athées). Le grec, l’arabe, et principalement l’anglais sont les langues employées dans la liturgie de ces contrées.

Contrairement à nos messes en langue vernaculaire, remodelées après le Concile selon un fil rationaliste destiné à encourager la « participation » des laïcs, la liturgie byzantine fait appel à de nombreux cantiques (avec des mélodies à caractère arabe), et à des redites destinées à marquer plus profondément les cœurs et les esprits. Ayant grandi dans la pratique quasi-quotidienne de la messe en latin, je trouve que c’est très favorable à une « participation » plus intense comme l’était alors la pratique de ma jeunesse. Les deux formes de participation ont leur importance, bien sûr, mais nous, Occidentaux, avons considérablement viré sur un versant littéral dans l’intention de rapprocher les fidèles de la liturgie.

Les fidèles de rite oriental sont aussi très proches de la liturgie. Et il y a un côté physique touchant au-delà des processions dans l’église, des ornements, de l’encens, que nous, fidèles de rite romain, ferions bien de méditer. J’étais épaté, par exemple, lors de la lecture de l’Évangile. Le célébrant vint devant l’autel. En même temps les fidèles s’avancèrent, quittant leurs sièges pour s’agglutiner autour de lui, écoutant avec attention la parole de la lecture.

Je n’ai pas une connaissance suffisante des Églises d’Orient pour dire que c’est une pratique courante (Les Ukrainiens ne le font pas). Mais quand on voit les fidèles entourer leur célébrant, on ne peut que penser au Christ et à Son troupeau. Les gens devaient se comporter ainsi quand Il montait sur la montagne et qu’ils s’assemblaient autour de Lui, fascinés par Ses paroles.
Pour mes yeux et mes oreilles d’étranger, rien dans la liturgie n’éloignait de cette sorte de point central. Pour moi, à la messe, il n’y a que deux gros sujets d’irritation — mais c’est important.

Juste après les lectures, le célébrant se rend derrière son pupitre, et commence fréquemment par une bonne blague, comme s’il prononçait un discours de fin de banquet pour un auditoire curieux de distractions. Les fidèles viennent juste d’entendre la parole de l’Ancien Testament, des Psaumes, de Saint Paul, des Évangiles — et on saute de cette rencontre avec la parole de Dieu à une rhétorique juste appropriée à une occasion profane ? Je suis peut-être le seul, mais à ces instants je suis plutôt irrité, j’aimerais tant déguster un peu plus les paroles que nous venons d’entendre.

Et au moment de la Communion, je suis semblablement choqué. J’adore la musique religieuse, elle me touche profondément. Et c’est précisément pourquoi, si le chœur entame un morceau complexe et intéressant lorsque je reviens de recevoir l’hostie, il y a interférence avec le recueillement que j’aimerais prolonger à ce moment — et je pense que d’autres ont la même réaction.

J’attends, j’espère, le nouveau missel et je n’ai nulle intention de critiquer le labeur des nombreux participants à ce qui me semble être un bon pas en avant dans la retouche bien tardive de la liturgie. Mais il y a bien davantage dans la tradition — et en nous-mêmes — à prendre pour contribuer à une liturgie catholique plus approfondie.

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Photo : Cérémonie melkite


Source

http://www.thecatholicthing.org/columns/2011/of-matters-liturgical.html

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Note : Nous avons besoin de nouveaux traducteurs bénévoles pour nous aider à traduire et à contrôler les traductions des textes issus du site The Catholic Thing.