Présence de Jean Guitton - France Catholique
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Présence de Jean Guitton

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Jean Guitton. Une pensée engagée dans la défense de la foi.

Jean Guitton. Une pensée engagée dans la défense de la foi.

Plus de 20 ans après la disparition de Jean Guitton, le souvenir de l’écrivain-philosophe qui collabora à notre journal n’est plus guère évoqué, même dans les publications catholiques. Ses livres, même les plus célèbres, ne sont plus réédités, notamment son Portrait de M. Pouget, dont Albert Camus avait salué la parution en 1943, alors que l’auteur était retenu prisonnier en Allemagne.

Pour ma part je lui ai consacré un essai en 1998 : Portrait de M. Guitton. Une vie dans le siècle (Bartillat). Hors de tous les motifs qui me rendaient proche d’une pensée si engagée dans la défense et l’illustration de la foi, j’avais ce motif particulier de me rendre chaque été dans cette région si chère à Jean Guitton qu’est la Creuse. Dès qu’il l’apprit, l’intéressé m’enjoignit d’aller visiter sa propriété. Je finis par obtempérer à son invitation, reconnaissant un site présent dans mon imaginaire depuis ma lecture d’un autre livre admirable, Une mère dans sa vallée.

Acteur avant et après le concile

Fournoux-en-Combrailles et le hameau du Deveix, dans la vallée de la Tardes, tel est le site, dans la commune de Champagnat, où Jean Guitton a vécu les plus beaux mois de son enfance, et où il a voulu retourner au lendemain de la guerre. M’y voilà de retour avec les miens, au cœur du mois d’août, à l’invitation du neveu de l’écrivain qui nous accueille avec son épouse et leur fils, prêtre dans le diocèse de Toulon. Après les beaux moments passés à l’ombre de la chaumière qui reçut tant d’illustres visiteurs, jusqu’au président François Mitterrand, me voici muni d’un cadeau précieux, l’ouvrage écrit par son neveu sur son oncle1.

Pour moi, que passionnent tous les éléments susceptibles de mieux éclairer les étapes d’une telle existence, c’est un bonheur d’être initié ainsi à nombre de confidences, de détails significatifs. Jean-Paul Guitton est, en effet, dépositaire d’archives retrouvées dans la propriété du Deveix auxquelles il peut ajouter les souvenirs familiaux et notamment les carnets tenus par son propre père, Henri, le frère de l’écrivain.

Et me voilà replongé dans toute une période que j’ai vécue, et dont Guitton fut un acteur direct. Je pense particulièrement à la période du concile et à la période post-conciliaire. Situation paradoxale qui est la sienne, puisqu’en tant que promoteur de l’unité des chrétiens, il fut un précurseur de Vatican II dans ses ouvertures œcuméniques, mais en tant que défenseur de l’orthodoxie, il est très en alerte face à des débordements doctrinaux et liturgiques qu’il réprouve. Ami personnel de Paul VI, qu’il retrouve chaque année au Vatican, il n’en est pas moins en délicatesse avec lui lorsqu’il s’agit d’évoquer « l’affaire Lefebvre ».

À l’égard de l’évêque traditionaliste, Guitton se trouve éloigné et proche. Sa proximité justifie la mission de médiateur que lui confie Jacques Chirac, maire de Paris, pour sortir du conflit né de l’occupation de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Situation aussi paradoxale que celle d’un écrivain-philosophe catholique chargé de trouver une issue à un conflit religieux par une autorité civile. Parce que celle-ci prend compte de sa personnalité de penseur catholique, ami du pape. Au jour le jour, Jean confie à Henri les évolutions de ses discussions avec les uns et les autres. Les choses sont mal parties, dès lors qu’il en va de l’autorité de l’Église et des suites possibles d’initiatives qui dépassent le cadre de la capitale française.

Un témoin de la foi au XXe siècle

Mais ce n’est pas, loin de là, le seul sujet du livre, qui donne des précisions utiles sur le procès dont Guitton fut l’objet au terme de cinq années de captivité, par un tribunal épurateur. Ce fut une des grandes épreuves de sa vie. Je l’entends encore dénoncer une telle « iniquité » de toute la force de ses convictions.

Il est bien vrai que ce travail de Jean-Paul Guitton apporte des précisions indispensables à la rédaction d’une vaste biographie, « à l’américaine », qui retracerait avec le maximum d’exhaustivité le destin d’un témoin de la foi au XXe siècle. 

  1. Jean-Paul Guitton, Ma prière, c’est la pensée. Circonstances pour un portrait familial de Jean Guitton, Saint Léger éditions, 424 p., 24 €.