Pluie et causes de violence au Nigeria - France Catholique
Edit Template
Pontificat de François - numéro spécial
Edit Template

Pluie et causes de violence au Nigeria

Copier le lien

À Noël dernier, un groupe islamiste du Nord du Nigeria, Boko Haram, a fait sauter des bombes dans deux églises chrétiennes, causant plus de quarante morts, dont trente-sept paroissiens qui sortaient de la messe du matin de Noël à l’église catholique (pleine de monde) Sainte-Thérèse, à Madalla. Et il y eut de nombreux blessés. Son chef actuel, l’imam Abubakar Shekau a annoncé d’autres futurs attentats. Pourquoi? Quel lien y a-t-il entre la doctrine de ce groupe et la violence qu’il sème ?

Créé en 2002 par Mohammed Yusuf (1970–2009), Boko Haram a pour but l’instauration de la « charia ». Le nom officiel du groupe est: « Jama’atu Ahlis Sunna Lidda’awati wal-Jihad, (en Arabe: « Gens consacrés à la propagation de l’enseignement du Prophète et au djihad. ») Ce qui peut se résumer par: « l’éducation occidentale (non-islamique) est sacrilège. »

Lors d’un interrogatoire des services de sécurité, Yusuf aurait déclaré : « Tout ce qui contredit l’islam est interdit par le Tout-Puissant ». De quoi peut-il s’agir ? Au cours d’un entretien à la BBC, peu avant d’être abattu par les forces nigérianes en 2009, Yusuf expliquait :

« D’éminents prêcheurs islamiques ont vu et compris que le système d’instruction actuel en Occident est pollué par des sujets contredisant nos convictions selon l’islam. Exemple : la pluie. Nous croyons que c’est une création divine et non le résultat de l’évaporation par le soleil suivie par la condensation faisant pleuvoir. Tout comme prétendre que la terre est ronde. C’est contraire à l’enseignement d’Allah, nous devons le rejeter.»

Par cette déclaration, Yusuf montre qu’il est parfaitement au courant de l’explication scientifique de la pluie, mais affirme qu’il doit la rejeter pour des raisons religieuses. Pour beaucoup, çà peut sembler bizarre, voire excentrique, mais cette attitude est profondément enracinée chez nombre de sunnites. À la source, la conception de la toute-puissance divine et le problème de la causalité dans la nature.

Le dilemme : si Dieu n’est pas la cause de tout, comment peut-il être tout-puissant ? En d’autres termes, si la pluie n’est pas causée directement par Dieu, mais par des forces naturelles (un philosophe dirait: « causes secondaires »), ces forces ne font-elles pas concurrence à Dieu ? Si « A » doit déclencher « B » dans le monde physique (comme la condensation est cause de la pluie), cela n’écarte-t-il pas Dieu, ou, tout au moins, ne restreint-t-il pas sa liberté ?

Ce sont bien sûr de vraies questions théologiques et philosophiques auxquelles toutes les formes de monothéisme se sont trouvées confrontées.

La théologie « Ash’ arite », qui domine l’islam sunnite, a conclu que si Dieu est tout-puissant, nul autre ne peut avoir le moindre pouvoir.

Ce qui signifie que rien, loi naturelle ou relation de cause à effet, ne peut exister dans le monde. En conséquence, tout événement équivaut à un miracle puisque effectué directement par Dieu.

Ce point de vue a des conséquences dans le monde. Sous le gouvernement du général Zia ul-Haq au Pakistan, les bulletins météo ont été supprimés dans les médias pendant plusieurs années suite aux plaintes de religieux musulmans qui les trouvaient impies. Si Dieu est la cause directe du temps qu’il fait, comment peut-on prétendre annoncer ce qu’il fera prochainement ? En l’absence d’ordre inhérent dans la nature, qui peut dire qu’il va pleuvoir ou neiger ? Prétendre le savoir est purement blasphématoire.

Un de mes amis habitant Bahrein discutait avec un homme d’affaires arabe, homme très policé, qui lui disait son intention d’emmener sa famille en vacances à la fin du Ramadan, mais que la date de son départ ne pouvait être fixée car dépendant de l’apparition de la nouvelle Lune. Mon ami lui dit qu’il n’y avait pas de problème, il pourrait lui dire quand viendrait la nouvelle lune. « Comment çà ? » demanda l’arabe. « Parce que, répondit mon ami, j’ai un Almanach du Fermier. » L’homme d’affaires arabe déclara à mon ami que nul ne pouvait le savoir. Il faudrait attendre que l’imam constate lui-même l’apparition de la nouvelle Lune.

Un problème plus sérieux se pose au sujet de la conversion par la violence.

Est-ce moralement permissible ? C’est la question soulevée par Benoît XVI dans son Discours de Ratisbonne. Pouvez-vous admettre qu’il est déraisonnable d’employer la violence pour diffuser la foi, sans tenir compte de ce qui vous est révélé ? Et, en premier lieu, la raison devient-elle la règle définissant ce qui est conforme à la morale ou est immoral ?

De leur réflexion sur la loi de la nature, les philosophes grecs concluaient que Dieu est logos (à la fois raison et parole). C’est l’ordre rationnel inhérent parmi les créatures qui a mené à la notion de l’ordre en Dieu, raison en soi. Si Dieu est raison, alors un comportement déraisonnable pose un problème moral. et il semblerait déraisonnable d’employer le force contre la conscience en matière de foi.

Ce qu’il advient, cependant, si vous partez de l’assertion a priori qu’il n’y a pas d’ordre rationnel dans la nature car l’omnipotence de Dieu serait alors remise en question. Cela impliquerait-il que Dieu n’est pas logos ? Si Dieu n’est pas raison, alors, rien n’empêchera l’usage de la violence pour diffuser la foi. La combinaison de cette idée avec l’approbation par l’Écriture de l’emploi de la force, du jihad, est mortelle.

C’est la théologie autorisant les musulmans radicaux à traduire leur notion de toute-puissance divine en politique de pouvoir illimité (dont ils se servent aussi contre d’autres musulmans). Instruments de Dieu, ils en sont le bras armé.

C’est ce qui a amené Osama ben Laden à adopter l’extraordinaire déclaration de son père spirituel Abdullah Azzam, citée par Osama dans une video de novembre 2001, qui fut diffusée après l’attentat du 11 Septembre. « Le terrorrisme est un devoir selon la religion d’Allah. » Ce ne peut être vrai — que la violence soit nécessaire pour diffuser la foi — que si, selon Benoît XVI à Ratisbonne, Dieu est dépourvu de raison.

Si Dieu est dépourvu de raison, on ne peut faire une prévision météo, mais on peut contraindre son voisin à adopter sa religion, ou le tuer s’il refuse. Voilà la logique suivie par Boko Haram avec ses attentats meurtriers de Noël.


Photo : Imam Abubakar Shekau, actuel chef de Boko Haram


Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/causes-of-rain-and-sources-of-violence-in-nigeria.html