On n’aurait pas aimé être à la place des organisateurs et notamment du pourtant « coolissime » Albéric Dumont, le vice-président de la Manifestation, sur les épaules duquel repose une grande partie de la logistique.
Alors qu’aucun événement particulier ne l’imposait, le pari, a priori fort risqué, était de réunir une foule immense qui, par son poids numérique et sa calme détermination, forcerait les politiques à réfléchir un peu et à infléchir leurs programmes actuels où la famille est si peu considérée et où la question de la GPA, par exemple, est prise, bien à tort, comme un piège à éviter… pour ne pas à avoir à passer sous les fourches caudines du lobby gay.
Sur la mobilisation, il y a deux remarques à faire. La préfecture de police a annoncé 24 000 personnes (ce qui serait déjà beaucoup plus que n’importe quelle organisation peut faire actuellement à Paris) et les organisateurs 200 000. Un tel écart est frustrant. Mais ce n’est pas si facile de faire le décompte car les provinciaux étaient Porte Dauphine dès la fin de la matinée et beaucoup de Parisiens ne sont venus en masse qu’au milieu de l’après-midi, alors que la noria des cars de provinciaux repartait déjà… Il n’empêche qu’à un moment donné, la place du Trocadéro était bien pleine tandis que des queues de manifestants attendaient sagement dans les avenues adjacentes. Et ça fait beaucoup plus de monde que ce que l’on pouvait attendre.
Alors bien sûr il y eut quelques provocations pour ainsi dire rituelles : les quelques Femens qui se dépoitraillent à l’entrée de la place du Trocadéro mais qui sont vite évacuées, les LGBT qui prétendent faire un « kiss-in » mais doivent rester derrière le cordon de CRS, quelques intégristes catholiques à qui le service d’ordre, souriant mais ferme, explique que ce n’est pas le lieu pour entonner un Veni créator en habit noir de rabbin. Mais c’est tout.
Il faut dire que, cette fois-ci, la collaboration avec la Préfecture de police, craignant un attentat islamiste, a été plus qu’exemplaire. Pas de provocateurs de police, pas de grenade fumigène. Du calme et de la bonhomie partout, à l’image des manifestants eux-mêmes, dont la joie et la décontraction font toujours plaisir à voir. Quand on pense que certains médias ont voulu y voir le « retour de la haine »…
La gestion de la politique ne fut cependant pas simple. Étaient présents des candidats à la présidentielle comme Jean-Frédéric Poisson (assurément l’une des vedettes du jour après sa prestation réussie de la primaire sur TF1) ou Henri Guaino ou Nicolas Dupont-Aignan… Faute d’avoir pu faire venir les principaux candidats de la droite et du centre, La Manif pour tous avait réduit l’accès à la tribune à des porte-parole. Certains voulurent en profiter pour faire un peu de propagande, ce qui n’était pas forcément bien apprécié : si le nom de François Fillon fut le seul qui fut sifflé (par qui ?) durant ce moment, on le doit surtout à la maladresse de Valérie Boyer, député LR de Marseille.
Marion Maréchal-Le Pen fut plus habile. Mais les interventions non politiques, telle celle du porte-parole de La Manif pour tous Jean-Pier Delaume-Myard, au nom des homosexuels qui refusent d’être représentés par les revendications LGBT, ou celle du syndicaliste Joseph Thouvenel, au nom de la défense des plus faibles, furent de beaucoup les plus brillantes. à noter, l’intervention un peu baroque mais tellement sympathique, de Geneviève de Fontenay.
Les gens n’étaient pas venus pour dire ce qu’ils allaient voter, ni aux primaires ni ensuite, simplement pour rappeler que les familles en France sont une force de proposition mobilisée et qu’il est suicidaire pour un homme politique qui prétend incarner le pays, en se présentant à l’élection présidentielle, de l’ignorer. Ce pari de la mobilisation, ce rappel d’une évidence étaient les enjeux principaux de cette journée du 16 octobre. Après cette réussite, il est possible de continuer à construire.