Manif pour tous : quel héritage ? - France Catholique
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Pontificat de François - numéro spécial
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Manif pour tous : quel héritage ?

Le 23 avril 2013, la loi autorisant le mariage entre personnes du même sexe était adoptée. Avec le recul d’une décennie, que reste-t-il de la mobilisation historique suscitée par la Manif pour tous, rebaptisée le « Syndicat de la famille » ?
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© Michel Pourny

Si l’on s’en tient aux faits, les fruits des manifestations géantes, organisées voici dix ans, semblent bien amers. Non seulement la loi est passée, mais elle n’a pas imprimé un coup d’arrêt à l’offensive sociétale menée par les courants libéraux-libertaires. Près de 70 000 unions gays ont depuis signé un contrat de mariage, plusieurs centaines d’enfants auraient été adoptés – curieusement, il est impossible de trouver la statistique exacte – et, comme prévu, il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que l’offensive reprenne, pour aboutir en 2021 à l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples lesbiens. L’étape suivante, on s’en doute, sera d’ouvrir la gestation pour autrui (GPA) aux hommes.

Et s’il fallait étayer encore la thèse de l’échec, on ne saurait oublier de mentionner les cas nombreux d’adversaires d’alors de la mesure, qui aujourd’hui font repentance. Stéphane Kovacs et Agnès Leclair, dans Le Figaro (21/04), en donnent quelques cruels exemples : Gérald Darmanin (« Je me suis trompé »), Christophe Béchu (« par rapport au fantasme que ça allait bouleverser une partie de la société, rien de tout ça n’est arrivé »), Catherine Vautrin (« J’ai raté ce rendez-vous »).

Trucage sémantique

Au-delà des faits, le discours tenu par l’immense majorité des leaders d’opinion – responsables politiques, militants associatifs, médias… – n’a en rien changé en dépit des mobilisations de 2013 dont on aurait pu croire qu’elle aurait permis de comprendre qu’aux yeux de millions de Français, on ne pouvait toucher impunément à certains fondamentaux anthropologiques. On assiste même à un déni du réel dont témoigne le titre de l’article de Solène Cordier dans Le Monde (23/04) : « Mariage pour tous : la douloureuse conquête d’un droit ». Titre fallacieux qui laisse entendre que le mariage homosexuel était un « droit » en soi, bafoué depuis toujours, et qu’il a fallu la loi Taubira pour l’inscrire enfin dans le Code civil. Fallacieux aussi par l’usage de l’adjectif « douloureux » qui laisse penser que les militants du mariage gay ont dû affronter les forces conservatrices les plus puissantes pour l’imposer, alors qu’ils disposaient devant eux d’un boulevard, sur lequel ne se sont dressées que les foules de La Manif pour tous, lesquelles n’avaient à leur tête que des leaders méconnus, de Frigide Barjot à Ludovine de La Rochère, soutenus par quelques élus…

Fors l’honneur ?

« Tout est perdu, fors l’honneur. » Sans doute les vétérans de La Manif pour tous (rebaptisée « Syndicat de la famille » le 24 mars) ont-ils la tentation de faire leur cette citation de François Ier. Certes, à courte vue, le bilan semble celui de l’échec. Néanmoins, de nombreuses leçons ont pu en être tirées pour préparer les prochains débats : importance de la formation, de la communication, de la rhétorique, du leadership…

Quant aux jeunes qui ont fait leurs armes militantes à cette occasion, ils parviennent à l’âge des responsabilités et vont pouvoir reprendre la belle recommandation d’Albert Camus, formulée lors de la réception du prix Nobel de littérature en 1957 : « Notre tâche consiste à empêcher que le monde ne se défasse. »